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Autour des meditatons africaines de Felwine Sarr: Une écriture aux sources du vécu.

Lundi 31 Décembre 2012

Dans le cadre de son 6ème anniversaire, Lina Husseini de la Librairie Athéna, a organisé, samedi 22 décembre 2012, une rencontre littéraire autour des « Méditations africaines », le dernier ouvrage de Felwine Sarr, enseignant chercheur, économiste et musicien. Boubacar Boris Diop, scénariste, journaliste et enseignant à l’université Gaston Berger de Saint Louis en a fait la présentation Ce sont deux écrivains particulièrement complices qui ont échangé devant un public nombreux, d’hommes et de femmes de culture, de journalistes et d’amis.


Autour des meditatons africaines de Felwine Sarr: Une écriture aux sources du vécu.
Tous deux enseignants au sein de l’Unité de recherches et de formation Civilisation, religion, arts et communication (CRAC) de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Boubacar Boris Diop et Felwine Sarr n’en sont pas à leur premier face-à-face. Felwine Sarr qui présente Boubacar Boris Diop comme « le plus grand romancier sénégalais vivant », a créé avec ce dernier la maison d’éditions Jimsaan(un nom sérère emprunté à un endroit où l’on cultive du riz à Niodior dans les Iles du Saloum).

Méditations africainesest, de l’avis de Boubacar Boris Diop, assurément excellent. Mais aussi important, en ce sens qu’il marque un moment dans l’évolution d’une littérature donnée. Il a ainsi apprécié la précision et la netteté du propos du texte, « très soigné, très précis et très profond ». Les phrases y « sont particulièrement bien taillées, de petits joyaux, de petites illuminations ».

L’auteur de « Murambi, le livre des ossements » a ressenti une forte spiritualité dans l’œuvre du jeune auteur. Ce que l’écrivain, journaliste et scénariste, a appelé un va et vient constant entre le cosmos et la réalité quotidienne. « Cette présence au réel fonctionne avec une parole très dense, très aérienne car l’auteur choisit par moment de faire dans la confusion la plus sèche ».

En dépit d’une parole très ample et très aérienne, notamment une ouverture de cœur et d’esprit à toutes les spiritualités, Felwine Sarr marque son enracinement dans sa culture. « Il a eu la curiosité d’investir ces spiritualités et en parle juste en bon connaisseur, ce qui est très impressionnant », fait remarquer Boris Diop. Ainsi, Méditations africaines n’est pas un roman. Dans la même veine que son premier ouvrage, Dahij , elles participent des séquences narratives normales. « C’est une espèce de patchwork, c’est très cosmopolite, c’est très référencié. Le texte galope d’auteur en auteur, de lieu en lieu, de point de vue en point de vue ». En somme, c’est un texte très moderne.

Sur la question, pourquoi des méditations « africaines » ? Felwine Sarr dira qu’il regarde sa propre réalité, l’existence du monde, à partir d’un lieu : le continent africain. « Ce lieu-là d’où je rumine le monde change totalement la plongée, la perspective », a-t-il fait remarquer. Ainsi, cette rumination, ces pensées, ces méditations sont-elles africaines du simple fait que Felwine Sarr a choisi de décentrer le centre. Ecrivain et musicien à la fois, il pense qu’il y a de l’universel dans le regard individuel. Ce qui lui permet de préciser : « Le centre du monde est là, ainsi, les méditations ne sont pas si africaines que ça ».

Lui qui, après ses études en France et de retour au Sénégal, avait un regard neuf, légèrement distancié, en relief, le regard de quelqu’un qui n’était plus totalement d’ici. « Ce regard qui se renouvelle, je m’empresse de le fixer, petit à petit il va reprendre sa forme standard et être le regard de tous. Regarder le monde d’ici amène un autre regard », déclame-t-il.

Par ailleurs, Doyen des UFR de sciences et de gestion et du CRAC, à l’UGB, FelwineSarr nous dit qu’il a différents référents pour avoir puisé à d’autres sources. Ses influences sont multiples, ses lectures aussi. Il y’a ainsi ceux qu’il appelle les incontournables de la culture littéraire, les auteurs classiques, les contemporains et les spirituels comme Rumi. L’auteur qui a puisé aux sources de l’espérance existentielle, du vécu s’inscrit dans la logique de « l’écriture et la vie », et non dans celle de « l’écriture ou la vie ». Ses autres inspirations sont la quête de l’unité, de la trace perdue, une thématique et une inquiétude existentielles. Il pense que « les textes sont un continuum où les expériences de la vie se rejoignent ».

A ce point de la rencontre Boubacar Boris Diop a demandé au jeune écrivain qui il est, quelle synthèse et quelle approche il a des spiritualités ?En réponse, Felwine est revenusur son éducation religieuse, normale et libérale. Bien que musulman, plus jeune, son père l’avait autorisé à être enfant de chœur et à servir la messe. Il interroge son héritage social et culturel : « serais-je né en Asie, je serais hindou ou bouddhiste ». Il révèle avoir « cheminé dans l’islam, dans les mystiques, dans les existentialistes » et fait une forme de synthèse, un bricolage. De son point de vue, « au cœur des messages spirituels, il y a une profonde unité, le flux de la révélation est une eau qui se déverse sur différents réceptacles ». Le cœur du message est le même, le reste est juste jeu de négociations, pour parler une langue que les gens comprennent. « Toute culture aussi belle soit-elle est une boite étroite, l’humanité est la culture », souligne-t-il.

Pour Boubacar Boris Diop, Felwine Sarr est l’héritier de Cheikh Hamidou Kane et de Léopold Sédar Senghor. Remarquant que l’auteur de 105 Rue Carnot a fait un récit éclaté d’une expérience métaphysique, Boris Diop l’a appelé à se prononcer sur la montée de l’intolérance religieuse. Il a ainsi relaté la profanation d’une église avec notamment la tête de la Vierge Marie coupée et certains discours aux relents fondamentalistes qui appellent à la lapidation entre autres châtiments.

Felwine Sarr dira que « Dieu en offrant la vie a offert sa présence à tous, en tout temps et à tout lieu ». Il a fustigé ceux qu’ils appellent les semi-lettrés, qui n’ont du texte que la notion extérieure. De son point de vue, les religions sont des outils d’obscurantisme et d’asservissement des consciences individuelles qui contribuent à abaisser les barrières morales des individus. « Les gens rentrent par effraction dans la conscience individuelle ». De son point de vue, « la croyance, c’est croire en des énoncés qui recèlent quelque chose qui est censé les dépasser ». Et de toute façon, la foi dépasse ces énoncés. « On ne se rend pas assez compte que tout ça, c’est les mêmes petites rivières vers le même grand fleuve ».

Aussi, Boubacar Boris Diop d’indiquer que que Méditations africaines « renvoient avec attention à notre Sénégal dans ce qu’il a de plus quotidien et de plus inquiétant ». Pour finir, il dira que la langue du livre est très travaillée, que le texte est convivial. Toutefois, a-t-il insisté, « ce n’est pas parce que le propos est élevé que le texte est absent du monde ». De ce point de vue, Méditations africaines invitent à une petite balade dans l’atelier de l’écrivain Felwine Sarr. Selon Boris Diop, « c’est une manipulation de l’objet livre et chaque passage est à méditer ».

Fellner Sarre lui confiera, qu’il écrit ses sentiments, ses émotions, dans l’urgence d’écrire. Etant bègue, il écrit selon son propre souffle et s’octroie une liberté stylistique totale dans l’écriture de son texte. Il dira encore qu’il écrit par besoin d’y voir clair. Que l’activité d’écriture est un « retour sur soi-même, hors des fureurs, de la cadence imposée ». La vie humaine étant « une représentation théâtrale pour laquelle on n’a pas répété », il a choisi de mieux vivre et de réaliser ce petit voyage vers des lieux et dans un temps inconnus du mieux qu’il peut. Avec un brin d’humour, le jeune fils de l’instant dira qu’ « on n’est rarement présent à ce que l’on est, on ne peut pas manger un cep (riz au poisson) avec un poisson de demain et un riz d’hier ».

Origines

Boubacar Boris Diop est aussi remonté aux origines de la littérature africaine. Selon lui, il est difficile ou quasi impossible de définir, de circonscrire le champ littéraire africain. Car ce qui vaut pour un auteur sénégalais ne vaut pas pour un Ougandais par exemple. Il dira qu’ « il y a toujours eu beaucoup de textes mais ce qui a manqué ce sont les auteurs ». La littérature africaine des débuts était sous influence, fournissant des « informations ethnologiques à destination des académies d’africanistes à Paris ». Ensuite, le continent a vu émerger « les auteurs de la révolte », comme Mongo Betti, lesquels avaient plus d’autonomie et de force. Ils ont exprimé les réalités du continent, de leurs sociétés particulières. Les années 70 ont vu l’émergence d’autres auteurs, comme Sony Labou Tam’si, génération dont Boris Drop lui-même fait partie. Ces derniers se sont revendiqués comme des auteurs. Ils ont relaté la violence de l’histoire et l’injustice d’une manière différente de celle de leurs aînés. Rappelant qu’ils ont été comparés aux auteurs du nouveau roman français, il a jugé cette comparaison stupide. Bien au contraire, ils étaient dans l’histoire en train de se faire et s’approchaient plus du roman latino-américain. Parmi cette génération, V.Y Murad bey et William Sassine sont allés plus loin dans l’exploration de la conscience malheureuse. « Il y a dans leur œuvre une espèce d’effacement du fait que l’auteur n’est pas prisonnier du décor, de l’histoire, ce sont des romans existentialistes », a-t-il souligné.

Selon Boris Drop, les auteurs d’aujourd’hui ne font pas abstraction de l’histoire, mais lui imposent la loi de leur propre personnage. Ils ne veulent plus qu’on les amène à porter le poids de l’histoire, de la colonisation. Ils ne se disent pas écrivains africains, ils se disent écrivains, tout court. Le togolais Kossel Enfoui et Fellner Sarre font partie de cette catégorie. Fellner Sarre par exemple revendique son individualité. Il rejette son africanité autant qu’il la revendique, elle est non figée, en définition.

Boubacar Boris Diop remarque que Felwine Sarr dit « je », de la manière la plus intime. « On n’est pas très loin de l’aveu ». Le fils de l’instant semble dire : « Je ne vais pas vous écrire un roman, je ne vais pas vous mentir ».
La rencontre s’est terminée par une série d’échanges entre Felwine Sarr et un public avisé et nombreux venu s’imprégner des sagesses distillées par les deux auteurs.


Ndéye Débo SECK
Sudonline.sn


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