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Dossier: La place de l’éducation dans le mouridisme : entre orientations originelles et perspectives d’avenir

Lundi 9 Janvier 2012

Dossier: La place de l’éducation dans le mouridisme : entre orientations originelles et perspectives d’avenir
Durant 33 ans, Cheikh Ahmadou Bamba s’est consacré à la glorification de son Seigneur en guise de reconnaissance aux nombreux bienfaits qu’il lui a accordé. Louanges qu’il formula grâce à la poésie. Mais au-delà de l’écriture, Cheikh Ahmadou Bamba a aussi initié une voie et invité tout musulman à le rejoindre afin d’occuper une place de choix à l’au-delà. Ce chemin vers la réussite ultime et vers la félicité divine passe par une construction de soi, par la privation de toute jouissance pouvant nuire à la propreté de l’âme.

Mais sa vision de l’éducation de l’homme, si profonde et révolutionnaire passe par le Savoir. Cette orientation qui allait à l’encontre de la structuration sociétale de l’époque a été bien préservée par son héritage qui, depuis Serigne Cheikh Mbacké en passant par Serigne Mourtada Mbacké œuvre d’arrache-pied pour la propagation et de l’enseignement islamique au Sénégal et partout ailleurs dans le monde.

Depuis 1927, date à la quelle disparut le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba, le Mouridisme s’est lancé dans une dynamique d’expansion fulgurante, séduisant les masses les plus lointaines. La conception du mouridisme avec sa forte quintessence humaine qu’elle regorge semble s’allie avec les exigences de l’homme moderne en terme de spiritualité.
Parce que le Mouridisme est avant tout une école confectionnée au cœur du soufisme. La formation humaine qu’elle promet inculque à ses adeptes une ligne de conduite claire, une charte comportementale bâtie d’abord sur la stricte adoration de Dieu et sur le respect de l’autre, mais aussi sur le travail.

La prise en charge de ces deux entités premièrement citées, dans le vécu quotidien du Mouride, passe par une formation initiale rigoureuse incarnée par de nombreuses daaras éparpillées à travers le pays.
Dans ses écoles, le travail est associé à la mémorisation du Coran. Une façon d’indiquer aux jeunes qu’il s’agissait de deux activités inséparables, imbriquées.

Le dévouement au travail confère aux talibés la conscience qui permet de s’accomplir lui-même et d’être utile à la communauté. Quant à l’éducation, elle a pour but de faire connaître très tôt aux jeunes disciples, le sens de la vie et le comportement à adopter dans la société. Il l’oblige à respecter les normes spirituelles et morales dont l’observation assure à chacun la sauvegarde de sa spiritualité. L’accent est également mis sur les sciences religieuses(hismou diine) car pour Serigne Touba, l’elevation de l’homme vers la divité dépend de l’ampleur de sa foi en Dieu.

A l’époque, la formation spirituelle initiatique du mouride était alors confiée aux mains de trois principaux maitres : le Cheikh Tahlim se chargea de l’enseignement coranique, le Cheikh Tarbiya enseigne les sciences religieuses telles que la jurisprudence, la théologie, les hadiths (paroles du prophète psl), à la Sira (histoire prophétique) et le Cheikh Tarqiya qui s’occupe de l’élévation de l’âme.

Aujourd’hui, ce système éducatif se modernise avec l’émergence des Instituts Al Azhar. Selon Serigne Khadim Moustapha Abdourahmane Lo, Directeur de l’Institut Al Azhar de Diamaguene, la mise sur pied de ces institutions islamiques est la matérialisation d’un vœu pieux de Serigne Touba qui était de libéraliser le Savoir. Car, nous explique t-il, la configuration sociétale de l’époque, faisait que la quête du savoir n’était réservée « qu’aux doomous sokhna ». Ceux-ci ne vivaient dans l’opulence et les travaux champêtres étaient à la charge des autres castes rangées dans la bassesse. Serigne Touba est venu révolutionner et briser ces clichés, insistant sur le fait que la Tarbiya « l’éducation » doit précéder le Savoir. Pour lui, l’éducation n’appartient à aucune race ou ethnie. Elle doit être à la portée de tout le monde. C’est pour cela qu’il a créé une petite ville aux abords de Touba (à 3km) nommée Darou Alimoul Khabir où l’on ne s’attelait qu’à l’apprentissage et à l’enseignement du Coran. Il confia la supervision de la formation à Serigne Dame Abdourahmane Lo. Au sortir de cette daara, le disciple devrait rejoindre la daara des Sciences religieuses mise sous la tutelle de Serigne Mbacké Bousso. Ce qui ne l’empêche pas de suivre Cheikh Ibra Falla dans l’initiation aux fondamentaux du travail et du dévouement. Ces trois étapes étaient cruciales dans la construction de l’homme mouride et aucune d’entre elles ne devrait faire défaut.

Serigne Khadim Lo, par ailleurs, maitrisard en Gestion et Finances Islamiques à l’Université d’ Al Azhar de l’Egypte, montre que le simple fait que plusieurs ouvrages islamiques de référence de l’époque soient traduits en poésie par Serigne Touba est une preuve de la volonté du Cheikh d’éparpiller le savoir et de le rendre accessible.
C’est ce que son Khalife Serigne Cheikh Mbacké Gaindé Fatma avait compris en ouvrant la première école islamique à Diourbel en 1957. Il sera suivi dans ce sillage par Serigne Mourtada Mbacké avec notamment la création depuis 1974 des Instituts Islamiques Al Azhar du nom d’une ville charnière entre Touba et Mbacké.

Aujourd’hui, on compte plus de 300 instituts islamiques au Sénégal recrutant prés de 500 enseignants dont quatorze coopérants venus de l’Egypte et de la Mauritanie. Les Instituts Al Azhar ont pu s’installer également en Gambie, au Cameroun et en Cote d’Ivoire grâce au dynamisme du marabout.

Mieux, il met en palaces d’autres filiales (Azhar Voyage, Azhar Oil, Azhar Transport, Al Azhar Assurance, Al Azhar Mines et Carrières) pour financer ses projets entrepris dans le domaine de l’éducation. Ceci, pour recruter les diplômés qui trouvaient parfois de la peine à s’intégrer dans des fonctions nécessitant la maitrise de la langue française.

S’il est vrai que tout projet éducatif vise la formation d’un type d’homme, il faut dire que le point focal des Instituts Al Azhar est de former des musulmans ayant une bonne maitrise de leur religion tout en ayant des connaissances académiques leur permettant d’être utiles à la société et de gagner honnêtement leur vie. C’est ainsi qu’a coté des matières religieuses enseignées, on trouve aussi des cours dispensés dans l’enseignement académique comme la géographie, la science de la vie et de la terre, l’histoire, etc.

Pour marquer la continuité de ce projet éducatif entamé depuis, Serigne Mamor Mbacké engage la formation Supérieure et professionnelle par l’ouverture prochaine d’une Université Serigne Touba pour permettre aux bacheliers des Instituts Al Azhar de continuer leur cursus. En effet, depuis 1993, ces écoles enregistrent des bacheliers qui, n’ayant pas des structures pour continuer leurs études supérieures, sont contraints d’explorer d’autres créneaux. Les plus chanceux se partagent les rares bourses offertes par les universités maghrébines.

En outre, un nouveau programme en parfaite cohésion avec les exigences actuelles de l’enseignement au Sénégal a été élaboré. A en croire Serigne Khadim Lo, membre de l’initiative, le projet a été validé par Serigne Saliou Mbacké et Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké. Il devra combiner entre autres l’enseignement de la langue française, l’éducation dans les Madjalis, et l’apprentissage des sciences coraniques.

Cheikh Saad Bou SEYE



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