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"L’Enseignement Supérieur Sénégalais à l’heure de la réforme" par M.Olivier SAGNA, Directeur des études, des politiques et de la coopération (DEPC), Ministère de l’Enseignement

Mercredi 21 Mai 2014

" L’année 2013 constitue, à n’en pas douter, un tournant majeur dans l’histoire de l’enseignement supérieur au Sénégal. Durant cette année, nous avons en effet assisté à deux évènements majeurs à savoir d’une part à l’organisation de la Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur (CNAES), assises nationales inclusives ayant procédé à un diagnostic du système et mené une importante réflexion sur l’avenir du système et au part à la tenue d’un Conseil présidentiel sur l’enseignement supérieur, premier Conseil présidentiel du genre depuis l’accession du Sénégal à l’indépendance, qui a défini une feuille de route pour les dix prochaines années. Ce regain d’intérêt pour l’enseignement supérieur s’inscrit dans la volonté politique du Président de la République, Macky Sall, de faire de l’enseignement supérieur et de la recherche le levier du développement économique et social du Sénégal.

Un contexte favorable au changement :
Le vent de réforme qui souffle actuellement avec force sur l’enseignement supérieur sénégalais tire ses origines des réflexions menées à la fin de la première décennie du XXIème siècle et qui ont débouché sur l’élaboration du « Document de stratégie pour l’Enseignement supérieur au Sénégal : 2011–2016 » adopté en janvier 2011. Ce document était construit autour de deux axes stratégiques à savoir améliorer l’efficacité de l’enseignement supérieur et développer un cycle d’enseignement professionnel court. Dans le cadre du premier axe stratégique, la vision s’articulaient autour de trois questions majeures suivantes, (1) la régulation des flux d’entrée dans le supérieur, (2) la limitation de la durée de séjour des étudiants dans le système et (3) la promotion de l’enseignement supérieur privé. A la même époque, une importante réforme a été progressivement menée dans les universités sénégalaises suite au vote de la loi n° 2011-05 du 30 mars 2011, relative à l’organisation du système Licence, Master, Doctorat (LMD) qui permet de mettre le système d’enseignement supérieur sénégalais avec ses homologues, en Afrique et dans le monde . Enfin, l’année 2011 a également vu la signature du Projet de gouvernance et de financement de l’enseignement axé sur les résultats (PGF-Sup) entre le gouvernement du Sénégal et la banque mondiale en mai 2011. Le PGF-Sup comporte deux grandes composantes à savoir :

1. Une composante « renforcement du système de gouvernance dans l’enseignement supérieur » avec création de la Direction générale de l’enseignement supérieur (DGES) et de l’Autorité nationale d’assurance qualité de l’enseignement supérieur (ANAQ-Sup), bras technique du ministère de l’Enseignement supérieur en matière de contrôle de la qualité, qui est chargée des habilitations et accréditations des programmes et des établissements d’enseignement supérieur, la mise en place d’un système de suivi et d’évaluation et la conduite d’études visant au développement de la connaissance du secteur ;

2. Une composante « amélioration de l’efficacité des institutions universitaires » avec signature de contrats de performances (CDP) entre l’Etat et les universités, la diversification et l’accroissement de l’offre de formation professionnalisante avec la construction de l’Institut supérieur d’enseignement professionnel (ISEP) de Thiès et l’amélioration de l’environnement d’apprentissage avec la construction de la 2ème université de Dakar, la réhabilitation de l’infrastructure pédagogique de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) et de nouvelles constructions sur les campus de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB), de l’Université de Thiès (UT), de l’Université Alioune Diop de Bambey (UADB) et de l’Université Assane Seck de Ziguinchor (UASZ) ainsi que le renforcement de l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) avec l’interconnexion des universités, le déploiement de réseaux Wifi sur les campus pédagogiques et sociaux et le développement des cours en ligne.

Une dynamique de réforme insufflée par la CNAES :
Afin d’apporter des réponses durables et efficaces aux problèmes structurels et aux défis auxquels fait face l’enseignement supérieur, le gouvernement sénégalais a décidé d’organiser une Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur (CNAES). Pour ce faire, il a désigné un comité de pilotage composé de quinze (15) membres provenant de toutes les composantes de la société (universitaires, chercheurs, entrepreneurs, parlementaires, membres de la société civile, etc.) dirigé par le Prof. Souleymane Bachir Diagne, secondé par quatre (4) vice-présidents et trois (3) rapporteurs. De décembre 2012 à mars 2013, le Comité de pilotage a mené une série d’auditions avec les acteurs de l’enseignement supérieur comme avec les différentes composantes de la société sénégalaise, travail qui a débouché sur un document intitulé « Réorienter le système sénégalais d’enseignement supérieur » et organisé autour de cinq (5) grandes thématiques à savoir (1) la gouvernance de l’enseignement supérieur et de la recherche, (2) le financement de l’enseignement supérieur et de la recherche , (3) l’internationalisation et l’ouverture au marché de l’emploi, (4) offre de formation et qualité et (5) Recherche/Innovation. Les réflexions tournant autour de ces axes ont été soumises à l’appréciation de la Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur qui s’est déroulée du 6 au 9 avril 2013. Les travaux, organisés autour des cinq thématiques susmentionnées, ont permis d’aboutir à l’élaboration de soixante-dix-huit (78) recommandations adoptées par un large consensus et que le Président de la république s’est engagé à mettre en œuvre. Après avoir été retravaillées, ces recommandations ont été présentées au Président de la république qui a convoqué le 14 aout 2013, un conseil présidentiel sur l’enseignement supérieur et la recherche à l’issu duquel il a adopté onze (11) directives présidentielles et s’est engagé à soutenir le Plan de développement de l’enseignement supérieur et de la recherche (PDESR) couvrant la période 2013-2017 qui en découle.

Les grands axes de la réforme :
Le plan de développement de l’enseignement supérieur et de la recherche ébauché sous la houlette du Prof. Mary Teuw Niane, Ministre de de l’enseignement supérieur et de la recherche depuis octobre 2012, constitue une feuille de route dont le déroulement s’étale sur la prochaine décennie. A ce titre, il est le premier véritable plan stratégique de développement de l’enseignement supérieur et de la recherche adopté depuis l’accession du Sénégal à l’indépendance. Il a pour ambition de mettre fin au pilotage à vue qui a prévalu dans le secteur pendant des décennies et qui est en grande partie responsable des problèmes structurels auxquels le système fait actuellement face.

Privilégier les STEMS et les formations professionnelles courtes
La principale orientation de cette réforme est la réorientation du système d’enseignement supérieur sénégalais vers les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques (STEMS) ainsi que la promotion des formations professionnelles courtes. Il s’agit par-là de mettre fin au déséquilibre actuel du système qui fait que chaque année le rapport entre le nombre de bacheliers littéraires et scientifiques est de 70% en faveur des premiers contre seulement 30% en faveur des seconds. Bien entendu, des mesures devront être reprises en amont dans l’enseignement primaire et secondaire pour procéder à ce rééquilibrage, mais d’ores et déjà les autorités veulent inverser cette tendance à travers la mise en place d’une politique de bourses incitatives, la création de nouvelles filières et l’orientation de bacheliers littéraires vers des formations scientifiques et techniques qui à renforcer au préalable leurs bases dans les disciplines scientifiques. Un autre volet de cette orientation consiste en la création d’un réseau d’instituts supérieurs d’enseignement professionnel (ISEP), articulés au potentiel socio-économiques des territoires, à raison d’au moins un ISEP par région. La création de la deuxième université de Dakar, spécialisée sur les sciences, celle de l’Université du Sine-Saloum à Kaolack (USSK) centrés sur l’agriculture et celle de l’Université du Sénégal oriental à Tambacounda (USOT), s’inscrivent également dans cette perspective.

Améliorer le pilotage du système d’enseignement supérieur et réformer sa gouvernance
Les principaux textes qui régissent actuellement l’enseignement supérieur au Sénégal datent souvent de plusieurs décennies, quand ils ne remontent pas à l’Indépendance, et sont pour la plupart devenus totalement obsolètes et surtout inadaptés pour faire face aux nouveaux défis qui interpellent l’enseignement supérieur et la recherche qu’ils s’agisse de l’internationalisation de l’enseignement supérieur, du développement de l’enseignement supérieur privé, de la formation tout au long de la vie, des progrès de la formation à distance, de la nécessité d’une meilleure adéquation entre les institutions d’enseignement supérieur et leur environnement, etc. Pour remédier à cette situation, il a été décidé d’élaborer une loi d’orientation de l’enseignement supérieur, de la recherche, de la science et de la technologie, de rédiger une loi-cadre fixant le cadre organisationnel des universités, de créer une conférence des recteurs et directeurs d’établissements d’enseignement supérieur, de mettre en place un Conseil national de l’enseignement supérieur, de la recherche, de l’innovation de la science et de la technologie (CNERIST), de créer un Office national du baccalauréat, d’étendre les missions de l’ANAQ-Sup à la recherche, de réviser le régimes financier des universités, de créer un comité interministériel de concertation et de coordination entre les ministères en charge du préscolaire, de l’élémentaire, du moyen, du secondaire, des langues nationales, de l’enseignement technique, de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur et enfin de construire la Cité du Savoir, sur un site de 12 hectares dans la zone de Diamniadio, pour y réunir les structures de gouvernance et d’évaluation que sont les services centraux du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, la Direction générale de l’enseignement supérieur (DGES), la Direction générale de la recherche (DGR), le siège du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’ANAQ-Sup, l’Office national du baccalauréat, la direction des bourses, le Centre national des œuvres universitaires (CNOUS) et le siège de l’Université virtuelle du Sénégal (UVS).

Mettre les TIC au cœur du développement de l’enseignement supérieur et de la recherche
A l’heure où la société de l’information et du savoir s’impose un peu partout à travers le monde et que les technologies de l’information et de la communication (TIC) envahissent chaque jour un peu plus tous les secteurs de l’activité humaine, l’enseignement supérieur et de la recherche ne peuvent rester en marge de ce phénomène. En vue d’améliorer la qualité de l’enseignement comme de la recherche, de faciliter l’accès aux ressources numériques, d’appuyer le développement de l’enseignement à distance et surtout de mieux armer les étudiants en vue d’une insertion réussie dans le monde du travail, il a été décidé d’investir massivement dans les TIC. C’est ainsi que les autorités ont décidé d’interconnecter tous les établissements d’enseignement supérieur, de créer une bibliothèque nationale virtuelle afin d’offrir un accès partagé à des ressources numériques, de mettre en place, dès janvier 2014, l’Université virtuelle du Sénégal (UVS) s’appuyant sur des espaces numériques ouverts (ENO) dans chacune des régions et à termes dans chacun des départements, de créer un centre de mutualisation et de partage (CMP) des infrastructures et des ressources destinées à l’enseignement supérieur et à la recherche, d’encourager les différentes catégories de personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche à utiliser les TIC et enfin de mettre en place un Système d’information et de gestion de l’enseignement supérieur et de la recherche (SYSGER).

Etendre et diversifier la carte universitaire
Depuis plusieurs années, les capacités d’accueil universités publiques ont atteint leur seuil de saturation alors que le nombre d’étudiants que compte le Sénégal représente tout jute 50% de ce qu’il devrait être au regard des normes internationales. Par ailleurs le nombre de nouveaux bacheliers ne cesse de croitre sous les effets du Plan décennal de l’éducation et de la formation (PDEF) qui a concouru à accroitre le taux de scolarisation, réduire le taux de redoublement et accroitre le taux d’achèvement des différents cycle. Afin de faire face à cette demande croissante d’accès à l’enseignement supérieur, les autorités ont décidé de procéder à l’extension de la carte universitaire avec la création de la 2ème université de Dakar avec l’appui de la Banque mondiale, la création, sur le budget national, de l’Université du Sine-Saloum de Kaolack (USSK) à vocation agricole avec des campus à Kaolack, Fatick, Kaffrine et Diourbel, le projet de création de l’Université du Sénégal oriental à Tambacounda (USOT) axée sur les métiers des mines avec des campus à Tambacounda, Bakel et Kédougou. Il a également été retenu de diversifier l’offre d’enseignement supérieur avec la création d’instituts supérieur d’enseignement professionnel (ISEP) articulés avec le potentiel socio-économique des régions et reposant sur un enseignant en alternance dispensé à part dans les établissements et dans le monde du travail. Un effort important est également fait pour amener les universités à professionnaliser un certain nombre de filières et à créer de nouvelles filières à vocations professionnelles (Licence et Master professionnels). Cela étant, conscient que malgré tous les efforts consentis par le gouvernement, les institutions d’enseignement supérieur publiques ne seront pas en mesure d’accueillir tous les nouveaux bacheliers dans les années à venir, les autorités, considérant que l’enseignement supérieur public et l’enseignement supérieur privé sont d’égale dignité, ont décidé d’orienter une part croissante des nouveaux bacheliers vers les établissements privés d’enseignement supérieur (EPES) offrant des filières accréditées par le CAMES.

Améliorer les conditions d’étude et de vie de l’étudiant et favoriser sa réussite
Les forts taux d’échec enregistrés notamment durant les deux premières années du premier cycle (L1 et L2) s’expliquent grandement par les difficultés d’adaptation que rencontrent les étudiants lors de leur passage de l’enseignement secondaire à l’enseignement supérieur ainsi que par les mauvaises conditions d’études et de vie auxquelles ils font face sur les campus pédagogiques et sociaux. Afin de remédier à cette situation, il a tout d’abord été retenue de mettre en place une politique d’amélioration d’accueil et d’accompagnement des étudiants à travers la création de bureaux d’accueil, d’orientation et d’information (BAOI) ainsi que la mise en place de bureaux de la vie étudiante (BVE). L’Etat s’est également engager à renforcer les infrastructures d’hébergement des étudiants par différents mécanismes (investissements publics, initiatives privées, partenariat public privé) et à Créer un Centre national des œuvres universitaires et sociales (CNOUS) auquel seront rattachés les Centres régionaux des œuvres universitaires et sociales (CROUS) qui seront créés dans toutes les universités publiques. Au-delà de ces actions, il a également été décidé de rationaliser et d’améliorer la gestion des bourses, lancer un programme national intitulé « un étudiant, un ordinateur », rendre l’enseignement de l’anglais obligatoire durant les trois premières années d’études afin de favoriser la mobilité internationale des étudiants et faciliter l’implication d’enseignants provenant du monde anglophone dans leur formation. Last but not least, il s’agira de renforcer le partenariat entre les établissements d’enseignement supérieur publics et privés et le monde du travail, notamment à travers la création d’incubateur et/ou de centres de transfert technologiques.

Comme chacun pourra le constater, le mouvement de réforme, dont le signal de départ a été donné lors du Conseil présidentiel sur l’enseignement supérieur, est très ambitieux. Il devrait déboucher sur une véritable refondation du système sénégalais d’enseignement supérieur et de recherche, condition sine qua non pour qu’il devienne le moteur du processus devant conduire le Sénégal vers l’émergence économique et sociale.

Prof. Olivier Sagna Directeur des études, des politiques et de la coopération (DEPC) Direction générale de l’Enseignement supérieur (DGES) Ministère de l’Enseignement


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