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LE NAIN BOITEUX (6)

Samedi 16 Mars 2013

« Virginité ?!... Laissez nous rire ! » rétorqua t-on dans un autre groupe, « il y a longtemps que son artiste est passé par là ! », une cascade de rires suivit ces paroles méchantes,

« Le pauvre, il paraît qu’il a perdu l’appétit et le sommeil depuis qu’il a appris la terrible nouvelle ; Coumba lui aurait même demandé de cesser de la voir ; et pourtant ils semblaient tellement amoureux l’un de l’autre ! C’est triste ! Ah ! là !là ! l’argent est un vrai fléau, il peut détruire même les choses les plus belles ! » commentait-on dans un autre groupe.

« En tout cas, moi, pour rein au monde je n’aurais accepté un pareil marché ! Vous vous imaginez un peu : partager la couche de ce nain gluant ? Ah ! Quelle horreur ! J’ai la chair de poule rien que d’y penser ! Cette Coumba est vraiment dégoûtante et son père un vieillard sans scrupules !... »

« Tu as tout à fait raison, Marième ! l’Amour, même dans la pauvreté vaut mille fois mieux que l’argent ! Coumba ne tardera pas à s’en apercevoir à ses dépens et regrettera amèrement son vilain geste ! » approuva Coura Mbissane, la meilleure amie de Coumba à qui elle n’adressait d’ailleurs plus la parole depuis qu’elle était au courant de son projet de mariage avec le nain. Ainsi, ragots et potins fusaient de la bouche des commères du quartier qui s’en donnaient à cœur joie, ayant trouvé l’exutoire idéal à leurs mauvais penchants qui les rendaient mesquines, méchantes et les poussaient irrésistiblement à la médisance.

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Arriva le jour du mariage. Ndiaga Niaaw, le nain boiteux, avait mis les petits plats dans les grands et n’avait pas lésiné sur les moyens, non seulement pour faire plaisir et éblouir l’élue de son cœur, mais aussi pour montrer aux habitants de Pikine qu’il était l’homme le plus riche du quartier, pour leur administrer la preuve que malgré sa difformité et sa laideur repoussante, il pouvait tout obtenir grâce à son argent. Tout. Même l’amour d’une jeune fille belle et désirable entre toutes.

Ce mariage célébré en grandes pompes était la plus parfaite illustration de l’adage populaire selon lequel « Un homme n’est jamais laid, l’essentiel est qu’il ait les poches pleines ». La noce avait été grandiose, fastueuse et de mémoire de Pikinois, l’on en avait jamais vu de semblable dans le quartier. Toutes les grandes « Dryankés » du coin étaient là, chamarrées d’or, dépigmentées, maquillées et poudrées comme des actrices de Nô Japonais, vaniteuses comme de paons de basse-cour et rivalisant de poses ostentatoires. Distribués à tour de bras, les billets de banque s’envolaient allègrement avant de disparaître comme par enchantement dans les poches des griots venus chanter d’hypocrites louanges à Ndiaga Niaaw et son épouse, la belle Coumba Sira.

Aucun qualificatif ne parut assez fort à ces thuriféraires professionnels qui déployèrent tout leur art de la flatterie pour titiller l’orgueil des nouveaux mariés et obtenir d’eux de royales rémunérations. Ndiaga Niaaw était « l’homme le plus généreux, le plus riche, le plus noble de Pikine et même de tout Ndar Gééj ! » (mais personne n’osa dire le plus beau !). Dans son for intérieur Ndiaga Naaw ne pouvait s’empêcher de se sentir flatté à l’extrême. ( à suivre…)