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LES EVALUATIONS STANDARDISEES : un vœu pieux, une mise en œuvre qui déraille.

Mardi 7 Février 2017

« Rien ne ressemble plus à la vive persuasion que le mauvais entêtement : de là, les partis, les cabales, les hérésies. » La Bruyère, Les Caractères, 1688.


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Depuis quelques années, les établissements moyens et secondaires du Sénégal sont soumis à l’organisation d’évaluations standardisées. Il s’agit, au niveau communal ou départemental, de donner des sujets communs pour chaque niveau d’enseignement et dans les différentes disciplines. Ces évaluations concernent aussi bien ce qui est communément appelé devoirs (évaluations formatives), que les compositions (évaluations sommatives). Dans son esprit, une telle initiative ne peut être que salutaire.

L’un des avantages est, par exemple, de préparer les élèves aux éventuels examens en les mettant dans les conditions similaires. C’est pourquoi, l’idée fut favorablement saluée par tous les collègues enseignants. D'ailleurs, cette harmonisation se faisait à l’interne dans le cadre des cellules pédagogiques même si, il faut l’avouer, on sait que ces cellules n’existent parfois que de nom.

Cependant, si, dans son principe, cette démarche est souhaitée, sa mise en œuvre demeure encore loin des résultats escomptés. Certes, tout début est difficile, mais cela n’est pas une raison pour ne pas attirer l’attention sur les failles du système en vue de mieux agir.


En effet, la décision d’instituer les évaluations standardisées est tombée comme un couperet, c’est-à-dire, sans consultations préalables des enseignants, encore moins, informations des élèves, premiers concernés dans un système qui se veut inclusif et participatif (Cf. le PAQUET). Ce qui a pour conséquence de manquer de faire adhérer des collègues à la démarche, voire même certains établissements qui ont complètement décliné l’invite pourtant émanant de l’autorité académique.

Ce qui fragilise l’administration éducative, fausse le principe d’équité et compromet la valeur d’un enseignement de qualité pour tous. Si une circulaire n’est appliquée que par une partie du corps des agents concernés au mépris des autres, quelle est alors la valeur de cette administration à double vitesse ? A plus forte raison, celle qui régit le système éducatif, et qui doit reposer sur un cadre cohérence.


Deuxièmement, la décision fut donnée, bien après l’ouverture des classes, c’est dire que les cours étaient déjà commencés. Chaque prof a éventuellement commencé et progressé selon le niveau de ses classes. Or, il n’est pas évident que l’on soit, urbi et orbi, dans des mêmes niveaux de difficultés. A l’intérieur d’une même classe, la pédagogie différencie (PD) s’impose très souvent du fait de la différence de niveau des élèves.

A plus forte raison, quand il s’agit d’harmoniser à une échelle plus vaste. Cette même difficulté d’harmonisation se pose quand on mesure le gap entre des classes à forte densité pléthorique (90 à 100 élèves) et des classes au nombre d’élèves pédagogiquement acceptable (40 à 50 élèves). Cela ne veut pas dire qu’il est donc impossible d’harmoniser, mais qu’il faut commencer par le commencement au risque de mettre les charrues avant les bœufs. Il s’agit donc de travailler à harmoniser à l’interne les enseignements d’abord, les évaluations ensuite avant de les externaliser progressivement par groupes d’établissement de proximité ainsi de suite.


Mieux encore, en ce qui concerne les disciplines, le Français par exemple, on sait que le programme donne un éventail de propositions. Il revient à l’enseignant le soin de procéder au choix qui lui parait le plus adéquat pour mener à bien son cours et atteindre ses objectifs. Ainsi, il est fréquent de constater le traitement d’œuvres différentes et l’application de méthodes différentes, pour des classes de même niveau dans un même établissement.

Alors, si on peine à harmoniser à l’interne qu’en sera-t-il pour plusieurs établissements ? Or, si les cours ne sont pas harmonisés dès les premiers jours de classes, comment pourrait-on harmoniser des évaluations ? Dispose-ton d’une grille d’évaluation critériée voire standardisée, pour chaque discipline ?


C’est à cause de tous ces impairs qu’on en est arrivé à donner des sujets qui n’ont eu pour méritent que de révéler les incohérences « d’un jeu où l’on ne fixe les règle qu’après le démarrage ». Il est évident qu’une telle attitude ne manque pas de causer des désagréments. Pour donner encore l’exemple du Français, en Terminale, les collègues savent que le programme tourne autour de l’esthétique des genres à savoir, la poésie (le Surréalisme y compris), le roman et le théâtre. En général, les collègues démarrent avec la poésie ou le Surréalisme pour harmoniser à l’interne les compositions du 1er semestre et rester, autant que faire se peut, fidèles à la démarche du programme.


Malgré cette précision, le sujet de dissertation proposé lors des compositions standardisées de l’année dernière portait sur la littérature en général. Or, un tel sujet serait plus pertinent en deuxième semestre lorsque l'on aura fait le tour des questions sur les genres littéraires en général pour que les élèves aient la latitude d’illustrer leurs argumentaires en se fondant justement sur tous ces genres qui font et fondent la littérature. Ce qui n’a pas été le cas, d’où leur déroute. Cette année, le sujet en s’articulant autour de la littérature et de l’informatique est, quant à lui, hors programme des classes de Terminale pour ne pas dire hors sujet.


Aucune ligne du programme officiel en Terminale n’évoque la question des rapports entre Littérature et Informatique. A la limite, on peut s’attendre à ce sujet dans l’épreuve du résumé suivi de discussion, où le texte argumentatif peut déborder le cadre strictement limité à la littérature. Mais ni dans le commentaire encore moins en dissertation.


Au-delà de ces manquements de fond, les évaluations standardisées de l’année dernière ont donc causées plus de problèmes qu’elles en ont résolus. L’organisation forcée a aussi entraîné, entre autres déconvenues : interruptions volontaires de cours, distributions et redistributions sauvages de copies (du fait que ces dernières devaient être corrigées réciproquement d’un établissement à un autre), disparition de celles-ci, éparpillement de celles-là, et le tout sanctionnée par une pluie de notes catastrophiques des élèves corrigés par des professeurs qui n’ont aucune idée de leur niveau à ce stade de l’évaluation.


Les potaches n’ont eu finalement leurs yeux que pour pleurer en s’adonnant auprès de leurs profs à la mendicité déguisée de points par des « Monsieur, +2 ! Monsieur +3 ! Monsieur jaap si ! ). Ce qui, au cas échéant, encourage le culte de la médiocrité. Certains Profs ont dû réorganiser d’autres évaluations, selon leur matière, en évacuant d’emblée les notes données par des « correcteurs fantômes ». D’autres se sont contentés de donner des notes à défaut de voir ce qu’ils allaient évaluer réellement. Moi, personnellement je me suis retrouvé, ironie du sort, avec les copies de ma propre classe qui devaient être corrigées ailleurs! Je ne sais par quelle alchimie ? Pour dire la situation de méli-mélo généralisé dans laquelle ces évaluations se sont déroulées.

Pourtant, les responsables de cellules avaient pris acte de toutes les remarques pour les transmettre à la hiérarchie. Cette année, on devait donc prendre très tôt les devants pour éviter de connaître les mêmes déboires car "errare humanum est, perseverare diabolicum" (l’erreur est humaine, la répéter est démoniaque). Or, vu la façon dont les choses se déroulent encore, la réalité donne à voir ce qui s’est déjà passé.


Non seulement, l’on n’a pas démarré à temps et en même temps, mais aussi, les notifications administratives ne sont venues que bien après le démarrage des cours. Comme qui dirait les évaluateurs ne se sont pas évalués. Or, aucun projet n’est viable si l’auto-évaluation n’est pas inscrite dans le dispositif qui le structure.

Enfin, cette année, la suppression des corrections mutuelles ( en tout cas à Saint-Louis) n’est pas le seul problème qu’il fallait régler pour remettre les pendules à l’heure. L’évaluation est une composante trop sérieuse dans l’architecture pédagogique qu’on ne saurait la réduire à un simple contrôle de routine policière. C’est plus complexe que cela (voir à ce sujet Olga Vaulbert et Patrick Démery, Evaluer…. Quoi ? Pourquoi ? Comment ?).

Elle mérite donc une concertation plus large, inclusive et responsable, un travail en amont, une meilleure coordination, une communication interactive, bref, pour employer le maître-mot de Senghor, méthode et organisation dans toute la force de l’expression.

Abdoulaye Sall, Lycée Charles de Gaulle

 


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