Connectez-vous
NDARINFO.COM
NDARINFO.COM NDARINFO.COM
NDARINFO.COM
Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable
Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte

Le périple africain de DE GAULLE d'août 1958. Par Ngor DIENG

Mardi 23 Août 2016

1958 fut une année historique dans l’histoire de la décolonisation. Elle fut l’année ou le référendum de septembre 1958 a été organisé pour soit, rester dans la communauté française (OUI) soit prendre immédiatement l’indépendance (NON).



 Pendant plusieurs jours, le général de Gaule, chef du gouvernement français, voyage avec sa suite à travers l’Afrique et Madagascar pour présenter lui-même, en signe de respect, son projet de constitution aux populations d’outre-mer et solliciter directement leur approbation massive. Il y a  environ vingt mois que les colonies françaises vivent sous le régime de la loi-cadre connue aussi sous le nom de loi Defferre, loi-programme visant à créer l’autonomie interne des territoires sous le contrôle d’un gouvernement territorial dirigé par le chef du parti dominant en réservant certains pouvoirs importants au gouverneur. L’esprit de la loi-cadre, c’est de préparer les colonies à gérer leurs propres affaires, donc à préparer les Africains aux grandes fonctions de responsabilité administratives.

En une dizaine de jours de Fort Lamy (devenu Ndjamena) au Tchad à la place Protêt de Dakar au Sénégal (26 août), en passant par Alger, Brazzaville (23 août), Tananarive (Antananarivo) à Madagascar, Abidjan (dimanche 24 août), Conakry (25 août), revenu aux affaires à la fin du mois de mai 1958, comme président du Conseil, Charles de Gaulle entame le 20 août un périple africain de 20. 000 km  dans les colonies françaises d’Afrique pour le triomphe du OUI au référendum du 28 septembre 1958.

C’est alors que la Guinée de Sékou Touré entra dans l’histoire en votant pour le NON fatidique qui signifie choix de l’honneur, de la dignité et de la liberté. Le face à face entre le sily de Conakry et l’ « homme du 18 juin » ou le leader de la croix de Lorraine, celui qui s’appelait lui-même le « symbole vivant de l’espérance de la France » atteindra son paroxysme quand Sékou Touré, démontrant ainsi son don exceptionnel, prononça, tel une étincelle qui jaillit d’une torche incandescente, le maître-mot, la formule magique lapidaire « NOUS PREFERONS LA PAUVRETE DANS LIBERTE A LA RICHESSE DANS L’ESCLAVAGE » au milieu des acclamations de la foule hypnotisée.

Pour beaucoup de gens, cette phrase idéaliste, pleine de défi et d’orgueil, et désormais fameuse reste l’essence même du discours du 25 août, le symbole de la geste et de la pensée de Sékou Touré. On la cite, on la psalmodie. Mais, qu’elle est lourde de conséquences !

On peut donc comprendre dès lors la portée des discours de Sékou Touré et du général de Gaule à l’assemblée territoriale de Conakry le 25 août 1958. Ces deux allocutions par deux personnages charismatiques retentissent comme deux chocs grandioses représentant deux conceptions différentes du nationalisme et de l’histoire. Le dialogue était possible, mais le caractère et la personnalité sont entrés en jeux pour empêcher un accord pourtant souhaité de part et d’autre. En somme, les accidents, la méprise et les traits de caractère individuels jouent un rôle dans la manifestation des forces historiques.

Quoi qu’il en soit, le mythe de Sékou Touré comme champion de la cause africaine symbolisant le courage, la témérité et les grands rêves, voit le jour à cette date. Le 2 octobre 1958 marqua la déclaration solennelle de l’indépendance guinéenne.
La coopération française se retira pour abandonner la Guinée à elle seule. Sékou Touré fut alors appelle à de dignes fils du continent pour venir soutenir la jeune République de Guinée indépendante par l’intermédiaire de son émissaire et ministre de la justice Tibou Tounkara. Ainsi une vague d’intellectuels, d’universitaires, de cadres rejoignirent la Guinée. Ils pensaient qu’il fallait aller en Guinée. Ce n’était pas la carrière, selon Jacqueline Ki-Zerbo, c’est être fidèle à son idéal et à son engagement. Ils avaient pour nom, entre autres : Joseph Ki-Zerbo (premier agrégé noir d’histoire), son épouse Jacqueline Ki-Zerbo, Abdou Moumouni (premier agrégé noir de physique et futur président du Niger, Mame Ndiack Seck de Mauritanie, Yves Benot et Jean Suret Canal de la France. Le professeur Boubacar Barry qui n’avait que 15 ans à l’époque, était élève au lycée de Donka. « En fait, je dirais qu’en 1958, le lycée de Donka de Conakry avait le plus grand nombre d’agrégés au mètre carré, en tout cas plus que tout autre établissement français » va-t-il écrire.


De Gaule quitta Conakry pour Dakar où il fut accueilli à la place Protêt devenue aujourd’hui Place de l’indépendance en l’absence de Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia. Valdiodio Ndiaye, représentant du conseil du gouvernement du Sénégal, alors ministre de l’intérieur et de l’information prononça un discours resté mémorable devant une foule immense infiltrée massivement par des porteurs de pancartes. Il n’avait que 35 ans. Et pour cet avocat de formation : « l’indépendance est un préalable. Elle n’est pas une fin en soi. Elle n’est pas un idéale en elle-même, mais pour ce qu’elle rend possible. Elle ne véhicule pas une volonté de sécession. Elle ne recèle aucune intention d’isolement ni de repliement sur soi. »

De gaule prit la parole à la suite de Valdiodio Ndiaye pour prononcer ces mots restés mémorables : « Je vois que Dakar est une ville vivante et vibrante : je ne me lasserai pas de la saluer en raison des souvenirs qui m'y attachent, en raison, aussi, des espérances que j'y ai placées. Je veux dire un mot d'abord aux porteurs de pancartes : s'ils veulent l'indépendance à leur façon, qu'ils la prennent le 28 septembre. Mais s'ils ne la prennent pas, alors, qu'ils fassent ce que la France leur propose : la communauté franco-africaine. »

Amady Aly Dieng, 26 ans à l’époque fut témoin oculaire de cet instant historique. Il relate cet épisode dans ses Mémoires. Il était déjà élève à l’ENFOM[[1]]url:#_ftn1 quand il fut désigné par la FEANF[[2]]url:#_ftn2 pour participer à la campagne pour le triomphe du NON au référendum de septembre 1958. Il a partagé le même chemin du retour que le marabout Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma. Ce dernier (le marabout) avait laissé son véhicule et son chauffeur à Sandaga pour faire le reste du chemin aller-retour menant à la place Protêt à pieds.

Cette participation de feu Amady Aly Dieng lui avait valu son exclusion de l’ENFOM où il était avec Cheikh Hamidou Kane, Babacar Ba, Christian Valentin…Les autorités français lui ont fait savoir qu’un futur administrateur de la France d’Outre-mer ne pouvait pas défendre des positions anti-françaises. C’est pourquoi, elles lui ont mis à la porte.
La FEANF en a profité pour l’envoyer à Accra, la représenter à la conférence des peuples. Il y a rencontré Lumumba pour la première fois, avec lequel il a longuement discuté. Amady Aly Dieng se dit souvenir encore de Karim Gaye, de Doudou Thiam, d’Abdoulaye Ly, d’Ernest Ouandié, de Tom Boya, de Pierre Djomi, le compagnon de Lumumba.
Senghor était en vacances en Normandie alors que son ami Mamadou Dia était en Suisse où il passait, lui aussi, ses vacances. Est-ce que une volonté de ne pas assumer la responsabilité historique d’accueillir de Gaule à Dakar pour accepter de voter pour le OUI alors que la masse populaire aspirait profondément à l’indépendance par une campagne notoire pour le NON ?

De toute façon, là où la Guinée a choisi de voter pour le NON, le Sénégal vota pour le OUI et resta dans la « communauté franco-africaine ». Il prit son indépendance en 1960 dans le cadre de la fédération du Mali qui regroupait le Sénégal et l’ancien Soudan français. Cette fédération n’a pas fait long feu. Elle était minée par de profondes questions d’orientations politiques et des querelles de positionnement entre Senghor et Modibo Keita. Finalement elle éclatera la nuit du 20 septembre 1960 et le Sénégal retient la date du 4 avril (transfert du pouvoir) pour fêter son indépendance.  

De la même manière que la cohabitation entre maliens et sénégalais n’a pas pu réussir et résister au temps, de la même manière la cohabitation entre Senghor et Dia n’a pas fait long feu à la tête de la jeune nation sénégalaise indépendante. En décembre 1962, éclata la crise entre Senghor et Mamadou Dia. Le premier accusa le second de préparer un coup d’Etat…Cette crise de 1962 a pesé lourdement sur l’histoire politique et sociale du Sénégal et continue aujourd’hui d’avoir des répercussions dans la trajectoire historiques du pays de notre pays.
 
Ngor DIENG
Psychologue conseiller
ngordieng@gmail.com

 
Références bibliographiques
1. Mémoires d’un étudiant africain. Volume I : De l’école régionale de Diourbel à l’Université de Paris (1945-1960). Amady Aly Dieng. Dakar, CODESRIA, 2011, 194 p
2. Mémoires d’un étudiant africain. Volume II : De l’Université de Paris à mon retour au Sénégal (1960-1967). Amady Aly Dieng. Dakar, CODESRIA, 2011, 202 p
3. Kaba Lansiné : Le ‘’non’’ de la Guinée à De Gaule, vol 1, Editions Chaka, Paris
4. Au professeur Joseph Ki-Zerbo : Hommages et Témoignages, série Etudes et recherches, n°277, Dakar.
 
[[1]]url:#_ftnref1 Ecole Nationale de la France d’Outre-mer
[[2]]url:#_ftnref2 Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France


Nouveau commentaire :
Facebook Twitter

Merci d'éviter les injures, les insultes et les attaques personnelles. Soyons courtois et respectueux et posons un dialogue positif, franc et fructueux. Les commentaires injurieux seront automatiquement bloqués. Merci d'éviter les trafics d'identité. Les messages des faiseurs de fraude sont immédiatement supprimés.