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Les législatives de juillet 2017 : sens et portée d'un scrutin si spécial. Par Papa Demba CISSOKHO

Samedi 20 Mai 2017

« Tout homme qui a du pouvoir est tenté d’en abuser. Il faut faire de telle sorte que, par la force des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Ce principe de la séparation des pouvoirs théorisé par Montesquieu dans son ouvrage intitulé « De l’esprit des lois » a fondé l'État de droit et donné par la même occasion la naissance du pouvoir constituant dérivé, par opposition au pouvoir constituant originaire que constitue le peuple sénégalais. Sous nos tropiques, ce pouvoir porte le nom de pouvoir législatif et est incarné par les députés à l’Assemblée nationale.


Les législatives de juillet 2017 : sens et portée d'un scrutin si spécial. Par Papa Demba CISSOKHO
Au Sénégal, les députés sont élus au suffrage universel direct à un seul tour mais suivant deux procédés différents. D’aucuns sont élus à l’échelle départementale et sur la base d’un scrutin majoritaire (la majorité absolue n’est pas exigée), tandis que d’autres passent par un scrutin de liste proportionnelle au nombre de suffrages engrangés et en fonction du quotient électoral. Le quotient électoral est égal au rapport entre le nombre total de suffrages exprimés dans la circonscription électorale et le nombre de sièges à pourvoir.

Chaque liste aura droit à un siège autant de fois que le quotient électoral se trouve dans le nombre de voix obtenues par elle. Quoi qu’il en soit, une élection législative demeure une échéance importante dans la vie politique d’une nation. Celle à laquelle nous serons conviés prochainement aura lieu le 30 juillet 2017. Cette élection-là sera déterminante pour l’avenir.

L’enjeu de cette élection de juillet n’est pas de la remporter tout simplement. Il est ailleurs. Le système électoral est tel qu’il sera facile pour la coalition au pouvoir (Benno Bok Yakaar) d’avoir une majorité confortable à l’Assemblée nationale pour accompagner la politique définie par le Président de la République Macky SALL (105 députés seront élus sur la liste majoritaire et la simple majorité relative suffit). Mais l’enjeu c’est d’éviter le syndrome de Wade en 2009.

En effet, lors des élections locales de 2009, le PDS et ses alliés avaient gagné plus de collectivités locales que la coalition des partis de l’opposition d’alors. Mais en faisant le cumul des suffrages valablement exprimés, on s’était rendu compte que c’était une victoire de façade et que la cote de popularité du Président d’alors (Abdoulaye Wade) tournait autour de 35%. C’est ce même résultat qui s’est répercuté en 2012 lors de l’élection présidentielle et qui a valu un second tour à l’issue duquel Wade a été défait. Il ne suffit donc pas de gagner mais de gagner avec une majorité absolue.

A défaut, la cacophonie va régner dans le pays car le Président de la République voudra anticiper la campagne électorale pour renverser la tendance et n’aura pas le temps de se concentrer sur ses grands projets. Ce qui va revigorer ses adversaires et risque de l’indisposer en 2019.

Pour éviter ce scénario apocalyptique, il faut deux choses selon moi. Il faut d’une part démocratiser le choix des personnes devant figurer sur les listes électorales pour éviter au maximum les frustrations et le vote sanction. D’autre part, il faut aussi choisir de grands électeurs, ceux-là même qui ont un leadership politique confirmé et qui sont capables de gagner dans leurs localités respectives. On ne cherche pas tout simplement à participer mais à gagner.


Pour ce faire, nul besoin de recourir au gerrymandering ou de jouer la carte du loup solitaire qui croit avoir suffisamment de pouvoir pour faire ce qu’il veut sans aucune entrave. Le climat politique est assez chargé pour ne pas en rajouter une couche. Il faut plutôt jouer la carte de l’apaisement, du dialogue et du consensus. Il faut surtout garder à l’esprit que le choix des candidats est un élément important de la confiance que les électeurs accordent au futur élu. En effet, les électeurs souhaitent de plus en plus pouvoir contrôler, ou au moins participer à la désignation des candidats. Ainsi, plus les électeurs auront été associés au choix des candidats,  mieux la communication s’établira une fois le vote effectué.

Malheureusement, les partis politiques ont préféré donner priorité aux besoins partisans en négligeant les aspirations de l’opinion publique. Le parachutage n’a évidemment pas joué en faveur d’un développement de la communication politique et d’une clarification des règles du jeu politique. Cela a entraîné dans le même sillage une absence de renouvellement de la plupart des hommes politiques. Il est dommage que le « marketing politique » n’ait pas permis d’introduire une plus grande transparence dans la vie politique.

« Les nouveaux défenseurs du régime Macky Sall»

L’autre problème que je voudrais évoquer concerne les oiseaux granivores qui veulent subitement s’ériger en défenseurs du Président de la République alors qu’ils n’ont pas bonne presse. En investissant l’espace public, ces « bannis de la République » risquent de faire perdre plus au Président de la République qu’ils ne le feront gagner. D’abord ils sont de mauvaise foi et ensuite ils sont étiquetés transhumants et ne représentent pas grand-chose aux yeux de l’opinion sénégalaise. Il faut qu’ils arrêtent ! S’ils ont eu la chance d’être recyclés, ils doivent tout de même se tenir à carreau et persévérer dans leur longue hibernation. Il ne faudrait surtout pas qu’ils portent la communication du parti encore moins celle du gouvernement.

Le reproche qu’on fait souvent à l’actuelle majorité gouvernante c’est d’avoir plébiscité d’anciens adversaires au détriment des compagnons de lutte. Il est vrai qu’en politique, l’addition est la meilleure opération mathématique à côté de la multiplication et parfois de la division. Cependant, nous pensons qu’un rôle spécifique doit être assigné à cette catégorie de personnes tout en leur interdisant d’apparaître de manière ostentatoire  dans l’espace public. Cela ne fera que réconforter les détracteurs du Président de la République dans leur position.

Je tenais vraiment à exprimer mon opinion sur ce sujet quand j’ai vu, il y a deux semaines, un ancien collaborateur du Président de la République, qui l’avait quitté pour rallier Wade et qui est ensuite retourné à l’APR quand ce dernier a perdu le pouvoir, monter au créneau pour comparer l’APR à une armée mexicaine. Ces genres de chose doivent cesser.

« Les législatives in concreto »

Pour revenir aux législatives du 30 juillet prochain, je dois dire qu’il s’agit d’un tournant décisif à bien des égards. La cohabitation n’aura pas lieu certes mais le fauteuil présidentiel aura été jaugé à l’issue de ces élections. Ces dernières sont loin de ressembler à un référendum où l’on demande aux citoyens de répondre à une question précise. Elles seront un plébiscite, car l’électeur ne choisira plus son ou ses représentants, mais il ratifiera la présentation d’une équipe de gouvernement. Les législatives vont constituer donc une réponse à une politique et la confiance accordée à une équipe de gouvernement. Mais, on saura aussi à l’issue de ces élections, quelle est la meilleure légitimité entre la légitimité « sélective » et la légitimité « catholique ».

Papa Demba CISSOKHO
Maitre ès Sciences juridiques
Journaliste diplômé du CESTI
Responsable politique APR/Saint-Louis

 


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