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Ndar Gueth (Saint-Louis-du-Fort), porte-océane du Waalo

Dimanche 19 Février 2012

Ndar Gueth (Saint-Louis-du-Fort), porte-océane du Waalo
En ce mois de décembre 2009, la commune de Saint-Louis va souffler les bougies du 350e anniversaire de sa fondation. S’il s’agira pour les autorités municipales et les Saint-Louisiens de célébrer les trois siècles et demi de cet ancien comptoir colonial français, qui fut LA première capitale du Sénégal moderne, mais pour nous, les populations du Waalo, ce sera le moment de se remémorer de l’installation des Français au niveau de cette Île, porte océane de l’ancien royaume du Waalo. Situé sur le delta du fleuve Sénégal, le Waalo a toujours été le Finistère où se terminèrent toutes les migrations venant du nord et de l’est, passant tout au long de la vallée. Le Waalo est aussi la première région tropicale humide après le Sahara, un point de rencontre entre le monde arabo-berbère et l’Afrique noire au niveau de cette région de l’extrême occident africain.

Pendant des siècles, la seule forme d’échanges entre les populations riveraines du fleuve Sénégal et l’extérieur passait par le commerce transsaharien. Les caravanes almoravides, à travers le Sahara, reliaient les côtes méditerranéennes aux rives du fleuve Sénégal, apportant en échange des produits comme des draps, des dattes, des parfums en échange d’or, d’ivoire et d’esclaves. Au milieu du 15e siècle, les caravelles portugaises de Ca Da Mosta apparurent sur les côtes sénégalaises. Et elles commencèrent à supplanter la caravane au niveau des liaisons commerciales entre l’Europe et les rives du fleuve Sénégal, en emmenant des quantités de marchandises bien plus importantes et de meilleure qualité. C’est à cette période que le pôle des activités commerciales de tous les royaumes sénégambiens se déplaça de l’intérieur du continent vers les côtes atlantiques. Afin de faciliter leurs relations commerciales avec l’Occident, les royaumes sénégambiens autorisèrent la création de ports comptoirs sur leur côte atlantique (pour le Cayor et le Baol, ce fut les ports de Rufisque et Saly Portudal, pour le Waalo, ce fut le comptoir de Ndar)

Tout au long du 16e siècle, une féroce concurrence opposait les nations maritimes européennes (France, Espagne, Portugal, Angleterre, Hollande) pour le contrôle de ces sites côtiers afin d’y installer des comptoirs. Ce fut la période mercantiliste, celle de la traite des esclaves pendant laquelle l’Europe, grâce à un commerce triangulaire entre elle et les continents africains et américains, se fut enrichie de façon vertigineuse avec une accumulation primitive du capital lui permettant d’amorcer la première révolution industrielle. Le schéma de ce commerce était simple. Des ports européens comme Nantes, La Rochelle, Liverpool, Amsterdam, des armateurs affrétaient des navires remplis de pacotilles (verroterie, miroirs, etc.), d’armes à feu et d’alcool, destinés au comptoir de Saint-Louis. Ces marchandises venant d’Europe étaient échangées tout au long des escales du fleuve Sénégal comme Dagana, Podor, Bakel contre de la gomme arabique, de l’or, de l’ivoire, du cuir et surtout des esclaves qui étaient vendus aux Amériques. Les navires revenaient à leurs ports d’attache d’Europe leurs cales remplies de produits exotiques comme le rhum, le coton, le café et le sucre. Le capital de départ investi apportait des profits de valeur de 800 %. Jamais, dans l’histoire, un capital n’a été aussi rémunéré.

Ainsi l’histoire de la ville de Saint-Louis reste confondue et constitue une partie, un pan des relations maritimes entre les nations coloniales anglaise, française et de celle de l’ancien royaume du Waalo, berceau de la civilisation wolof.

Au début du 17e siècle, en 1626, le Cardinal Richelieu fonda la Compagnie normande, une association des marchands de Dieppe et de Rouen qui était chargée de la traite au niveau des vallées des fleuves du Sénégal et de la Gambie. En 1638, le Brack Naatago Fara Ndiack Mbodj autorisa au Français d’origine normande Thomas Lambert l’établissement d’un comptoir, la construction d’une ‘habitation’ sur les terres du Kaddj (Prince Héritier du royaume du Walo) dans l'île de Bocos, à proximité de l'embouchure du fleuve Sénégal.

En 1658, quand la Compagnie normande fut dissoute, ses actifs furent rachetés par la Compagnie du Cap-Vert et du Sénégal, qui reçut l’autorisation du Brack régnant (le frère du précèdent) Tagne Fara Ndiack Mbodj, de transférer le comptoir de Bocos à la grande île de Ndar, long de 2 kilomètres et large de 300 mètres, située plus en aval. Proche de l'océan et bien protégée des crues, l’île de Ndar constituait un site stratégique quasi imprenable et grâce au fleuve, un bon point de départ pour toutes sortes d'expéditions vers l'intérieur des terres de la vallée. Le sieur Louis Caullier, normand d’origine, en 1659, fut chargé d’y édifier à l'emplacement de l'actuelle Gouvernance un fort. En hommage au jeune Roi français de l'époque, Louis XIV, l'île de Ndar fut baptisée Saint-Louis-du-Fort du nom de son homonyme et aïeul le Roi Saint-Louis.

Pour l’occupation de l’île de Ndar, la protection de son commerce et sa libre navigation sur le fleuve Sénégal, le comptoir de Saint-Louis-du-Fort payait chaque année des redevances et autres taxes au Brack du Waloo appelées à l’époque coutumes. Un esclave de la couronne qui avait le titre de Alkaati était chargé par le Brack des percevoir en son nom ces taxes et redevances. Aucun navire ne pouvait remonter le fleuve sans payement préalable de taxes à l’alkaati qui résidait à l’île de Sor. Tout au long des deux siècles de la période mercantiliste des comptoirs (1600 -1800), le royaume du Walo eut à affirmer et défendre sa souveraineté sur l’île de Ndar.

Voulant renégocier à la hausse ses redevances, le Brack Yérim Mbagnick Arame Bakar Mbodj, accompagné de 300 soldats, envahit et occupa l’île de Saint-Louis et mit aux arrêts tous les Français du comptoir et leur chef Saint-Robert du 24 août au 3 septembre 1722. C’est seulement après avoir obtenu satisfaction, que le brack les relâcha et demanda à son alkati Ndieumba Gaye d’autoriser à nouveau la libre circulation et le commerce des Français à travers le fleuve Sénégal. L’année suivante, le 9 février 1723, le même Brack Yérim Mbagnick Arame Bakar Mbodj accompagné cette fois-ci de 100 soldats tiédos armés, occupa encore l’île, exigeant aux Français de lui fournir une barque pour son port fluvial de Ndiangué sous peine d’être expulsés.

Lors de la première occupation anglaise du comptoir de Saint-Louis, le Gouverneur anglais John Barnes relate dans une correspondance datée du 6 mai 1764, adressée à ses supérieurs, que le Brack Naatago Arame Bakar Mbodj avait fait un blocus autour de l’île de Saint-Louis avec près de 1 500 hommes empêchant toute navigation fluviale. Le chef de la garnison du comptoir de Saint-Louis, le Capitaine Bumbury fut contraint d’accepter de payer à la hausse les redevances dues au Waalo et de laisser le Brack confisquer les redevances du Damel du Cayor Meissa Bigué Ngoné Fall qu’il avait vaincu pour que le blocus fût levé.

Tout au long du 19e siècle la classe dirigeante continua cette politique de revendication de la souveraineté du Waalo sur la ville de Saint-Louis et les îles environnantes. Dans un rapport daté du 15 janvier 1837 sur la situation du comptoir de Saint-Louis, le Gouverneur Guillet se plaint ‘du fait que le Brack Fara Péinda Adam Sall Mbodj continue de demander aux gens de Guet Ndar de lui payer des impôts en tant que sujets’. Dans le même registre, dans une correspondance adressée le 23 mai 1851 à Faidherbe, la Linguère Ndatté Yalla Mbodj s’exprimait en ces termes : ‘Le but de cette lettre est de vous faire connaître que l’Ile de Mboyo m’appartient depuis mon grand-père jusqu’à moi. Aujourd’hui, il n’y a personne qui puisse dire que ce pays lui appartient, il est à moi seule’. En 1847, elle s’opposa au libre passage des Sarakolés qui ravitaillaient l’île de Saint-Louis en bétail et adressa une lettre au gouverneur exprimant sa volonté de défendre le respect de sa souveraineté sur la vallée en ces termes : ‘C’est nous qui garantissons le passage des troupeaux dans notre pays ; pour cette raison, nous en prenons le dixième et nous n’accepterons jamais autre chose que cela.’

Le 5 novembre 1850, la Linguère Ndatté Yalla interdit aux Français de l’île de Saint-Louis tout commerce à travers le fleuve Sénégal. Ce fut un casus belli pour le Gouverneur Faidherbe qui, le 31 janvier 1855, partit de Saint-Louis avec une colonne de 1 100 hommes pour atteindre le 25 février les environs de Nder où il battit les troupes de la Linguère Ndatté Yalla et fit du Walo la première colonie française d’Afrique noire.

On dit que le doyen saint-Louisien ‘Collot’ Diakhaté aime souvent répéter que ‘chaque Sénégalais, Africain doit un tant soit peu à Saint-Louis, car l’Aof s’est nourrie dans le sein intelligent, raffiné et rationnel que Saint-Louis distillait à tous’. Nous nous préférons dire : ‘Ndar kou fa bakhe waalo waalo la’.Toutes les vieilles familles domou ndar s’honorent et se prévalent de leur origine walo walo ; les Diaw Chimère Sénégal et les Tall sont du village de Ndiao, la famille de Me Lamine Guèye de Nder, les Gaye, Wade de Thiénou, etc. La majeure partie des familles métisses saint-louisiennes (Pellegrin, Page, D’Erneville, Potin) ont des racines walo walo. C’est de ce fond ethnique walo walo où se sont greffés d’autres apports humains (bambara de Pommou Khor, maures de Gokhou Mbathie, peul de Saanar, colons français) qui a été le terreau fertilisant d’où naquit ladite civilisation saint louisienne, cette téranga qu’offrait la Linguère Ndatté Yalla à ses hôtes.

Le Walo, berceau de la civilisation wolof, a enfanté Saint-Louis, sa fille océane, cosmopolite, gourmette, et mulâtre. Si le passé de Saint-louis reste confondu avec celui du Walo, son devenir ne sera florissant que si elle sera redevenue porte atlantique de son arrière-pays, ancrée dans le tissu économique et social de sa niche environnementale immédiate, le Waalo, et la moyenne et haute vallée. Comme leurs ancêtres laptot qui remontaient le fleuve jusqu’à Ngalam, la jeunesse saint-louisienne devra orienter ses activités économiques vers la vallée dans le secteur des services et de l’agro-industrie. Saint-Louis n’est pas une île perdue au milieu de l’océan, mais sera toujours un lieu de rencontres, d’échanges et de métissages entre l’Occident, l’Orient et l’Afrique.

Amadou Bakhaw DIAW
Historien traditionnaliste du Waalo
diaogo.nilsen@gmail.com


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