À chaque fois que je passe devant la gare, le spectacle affligeant de son état de délabrement avancé me fend le cœur et m’attriste profondément. Et pourtant que je sache, grâce à son patrimoine architectural unique, Saint-Louis est depuis l’an 2000 classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Personnellement cette décision m’a procuré beaucoup de satisfaction ; mais je dois avouer qu’elle me laisse un peu sur ma faim ; car je n’arrive pas à comprendre pourquoi l’UNESCO ne faisait rien pour sauver la gare qui est en train de partir en lambeaux.
Les questions ne manquent pas. Pourquoi la Commune a laissé des commerçants investir la gare sans autre forme de procès ?
Par hasard au cours d’un forum organisé par la Commune de Saint Louis, l’occasion m’a été donnée de me rapprocher du Maire d’alors, M. Bamba DIEYE et de lui poser le problème de la gare. Dans sa réponse, il me fit savoir que Saint Louis Patrimoine de l’humanité ne concernait en fait que l’île. A cet instant précis c’est comme si le ciel m’était tombé sur la tête ; car je me suis dit non seulement Saint Louis ne se réduit pas à l’île. Mieux quand je pense que c’est le Sénégal qui a proposé de classer Saint-Louis sur la liste du patrimoine mondial, je me suis demandé si nos dirigeants qui ont négocié cette inscription maîtrisaient vraiment leur sujet. En effet, il est avéré que le faubourg de Sor recèle en son sein plusieurs éléments du patrimoine :
Avant tout il est important de savoir que Saint-Louis fut la porte d’entrée de la colonisation française au Sénégal et en Afrique occidentale française (AOF) et que tout est parti de notre gare. Ne serait-ce que pour cette raison, nous estimons qu’elle mérite bien d’être restaurée à l’instar du marché Kermel qui, faut-il le rappeler, après avoir a été dévasté par un incendie, a été restauré à l’identique. Cependant il faut garder à l’esprit qu’une reconstruction à l’identique, ce n’est pas du patrimoine.
La gare de Saint Louis a perdu son prestige, car ayant été durant de nombreuses années le centre d’une activité économique principale, source de revenus pour de nombreuses familles au niveau de la ville et de son arrière-pays. Les rails sont ensevelis pour toujours sous leur linceul de sable du côté de Linguère.
Malheureusement « Autoraillou Peulh » qui, jadis, a joué un grand rôle dans l’économie de la ville ne sifflera plus entrant en gare ; de même on ne verra plus le train « Arrigoni ». Le réseau s’est progressivement dégradé et après avoir agonisé pendant longtemps, a fini par rendre l’âme.
Ce qui me chagrine c’est le fait que le train n’arrivera plus dans la capitale du nord. De ce fait pour réhabiliter la gare qui n’est plus utilisée, il faut lui trouver une destination à l’image de celle de Coky qui a été restaurée pour devenir un complexe pour les femmes et les jeunes. Dans ces conditions pourquoi ne devrait-on pas trouver une destination pour la gare de Saint Louis ? A mon humble avis elle pourrait, par exemple, abriter, à l’étage, un musée des chemins de fer, qui, à l’image de celui de Thiès pourrait présenter quelques pièces autrefois en usage : outils, uniformes, machines d’émission des tickets, « téléphone omnibus », bâton-pilote (système de pointage du passage des trains), pétards de détresse en cas d’obstacles sur la voie. Tout un ancien monde pourrait, ainsi, renaître dans cette salle d’exposition. Car le musée pourrait, donc retracer aussi l’histoire de la lutte des cheminots, qui, pendant longtemps ont revendiqué auprès de l’autorité coloniale l’égalité salariale, l’intégration des travailleurs auxiliaires maintenus dans un statut précaire, ainsi que les allocations familiales dont le personnel venu de métropole était le bénéficiaire.
Et au rez-de-chaussée, la gare pourrait abriter un musée d’art contemporain qui, du reste manque cruellement à notre ville. D’autant que Saint Louis regorge de nombreux artistes très talentueux. En tout cas il est hors de question que des édifices ou des bâtiments chargés d’histoire soient détruits en un tournemain pour être remplacés par du neuf. En essayant d’en savoir un peu plus dans cette histoire de patrimoine, j’ai appris que le classement de l’UNESCO concerne aussi les zones tampons de l’Île que sont la corniche de Sor nord et sud et les corniches de la Langue de Barbarie nord et sud. Ce qui veut dire que la gare et tous les édifices au niveau de ces zones à l’image des Blocs 22, construits après la Seconde Guerre mondiale de 1947 à 1957 doivent impérativement être protégés.
Hélas, il est vraiment malheureux de constater qu’ici au Sénégal et plus largement en Afrique, nous n’avons pas la notion de patrimoine. Contrairement aux pays Européens, nos villes n’ont aucun cachet ancien, tout simplement parce que nous démolissons toujours pour remplacer par du neuf. Paris, par exemple, a gardé intacts ses édifices et ses monuments au temps où il s’appelait Lutèce. On y trouve encore des vestiges de la présence Romaine. Il en est de même de Montréal qui, d’ailleurs, est beaucoup plus jeune que Saint Louis.
Par exemple, le balcon d’où le Général De Gaulle s’était écrié : « Vive le Québec libre » est toujours comme il était, du moins, en 1994, alors que je séjournais au Canada. Et j’imagine qu’il l’est toujours.
Dommage, on ne verra plus les « Blocs 22 ». Le futur tribunal est en train de renaître sur ses cendres! Du n’importe quoi! Et pourtant le 19 janvier 2016, le Gouverneur de la Région de Saint-Louis du Sénégal Alioune Aidara NIANG avait signé un Arrêté interdisant toute opération de démolition de bâtiments anciens au niveau des zones, inscrites sur la liste du patrimoine mondial en 2000. Cet arrêté constituait également une réponse adéquate aux recommandations du Comité du patrimoine mondial (Décision 38 COM 7B.54) demandant notamment de renforcer les mesures institutionnelles de protection et de conservation du site. Il devait sans nul doute contribuer à préserver le patrimoine architectural, confronté à de nombreuses menaces. Il devait également conduire à réduire la disponibilité d’espaces pour la construction de nouveaux ensembles immobiliers qui, ces dernières années ont tendance à porter atteinte à l’intégrité du site.
Toujours au niveau du faubourg de Sor, outre la gare, nous pouvons citer la première École des Otages créée à Saint-Louis par le gouverneur Faidherbe en 1855. Elle est aujourd’hui en péril. Pourtant elle constitue un pan important dans l’Histoire coloniale. Les écoles des otages étaient des établissements scolaires créés par le colonisateur Français au Sénégal et au Soudan Français où étaient recrutés de force les fils de chefs et de notables afin de les surveiller et les former pour devenir des auxiliaires au pouvoir colonial.
L’Ecole des Otages de Saint-Louis a été restaurée par arrêté du 05 mars 1861 pour y élever des fils ou parents de chefs. Elle revit le jour le 31 mars 1892 sous la dénomination de Collège des fils de Chefs et d’Interprètes. La façade du bâtiment est agrémentée de faïences importées de France. Solidement installée, l’administration coloniale remplaça le collège des fils de chefs par la Médersa en 1909.
Les locaux seront ensuite affectés au collège des jeunes filles Ameth FALL jusqu’en 1965 avant d’abriter l’école élémentaire Khayar Mbengue.
Dans cet établissement scolaire, le fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba, y a également séjourné et la chambre qui l’y accueillait fait aujourd’hui l’objet de plusieurs visites par de nombreux étrangers.
À Sor, on peut également noter Notre Dame de Lourdes, la deuxième église de la ville et qui fut achevée vers la fin du 19ème siècle en 1895. Elle est aujourd’hui menacée de tomber en ruine.
En définitive, on se rend compte qu’il se pose un véritable problème de conservation et d’entretien du patrimoine bâti de Saint-Louis tant au niveau de l’Île qu’au niveau du faubourg de Sor.
Saint-Louis souffre d’une incurie en politique culturelle que les différents gouvernements, conseils municipaux et résidents insouciants de cette richesse lui imposent sans discontinuer, depuis de nombreuses années. Nos compatriotes ne savent pas respecter les consignes. Ils démolissent à tout va, alors qu’il y a bien des dispositions contraignantes imposées par l’UNESCO. Après les démolitions et réhabilitations tout azimut, des pans entiers de l’histoire de la ville s’écroulent au fil des ans.
Notre patrimoine est menacé par les Saint-Louisiens eux-mêmes parce qu’ils démolissent et construisent en ne respectant pas les normes du patrimoine et en foulant du pied les engagements de l’Etat et de la commune. Et cela concerne de hautes personnalités Saint-Louisiennes qui sont au cœur de l’Etat et a priori censées donner le bon exemple. Si de tels agissements continuent, Saint-Louis est menacée de déclassement et la vieille cité risque d’être inscrite sur la liste du patrimoine en péril. Dès lors on comprend bien que là, il faut prendre des mesures d’urgence pour que cesse cette déconstruction de notre patrimoine.
Il faut, donc sauver le patrimoine de Saint-Louis et redorer son blason. Ce qui est sûr c’est que c’est nous société civile, conseils de quartier, associations…, qui devons nous battre de toutes nos forces pour préserver et réhabiliter notre ville. C’est nous qui sommes les sentinelles du patrimoine de notre chère Ndar-Guedj. C’est nous qui devons tirer la sonnette d’alarme car estimant qu’il faut agir et réagir afin d’éviter que le pire n’arrive.
Debout Saint Louisiens !!!
Jean DIOUF
Les questions ne manquent pas. Pourquoi la Commune a laissé des commerçants investir la gare sans autre forme de procès ?
Par hasard au cours d’un forum organisé par la Commune de Saint Louis, l’occasion m’a été donnée de me rapprocher du Maire d’alors, M. Bamba DIEYE et de lui poser le problème de la gare. Dans sa réponse, il me fit savoir que Saint Louis Patrimoine de l’humanité ne concernait en fait que l’île. A cet instant précis c’est comme si le ciel m’était tombé sur la tête ; car je me suis dit non seulement Saint Louis ne se réduit pas à l’île. Mieux quand je pense que c’est le Sénégal qui a proposé de classer Saint-Louis sur la liste du patrimoine mondial, je me suis demandé si nos dirigeants qui ont négocié cette inscription maîtrisaient vraiment leur sujet. En effet, il est avéré que le faubourg de Sor recèle en son sein plusieurs éléments du patrimoine :
Avant tout il est important de savoir que Saint-Louis fut la porte d’entrée de la colonisation française au Sénégal et en Afrique occidentale française (AOF) et que tout est parti de notre gare. Ne serait-ce que pour cette raison, nous estimons qu’elle mérite bien d’être restaurée à l’instar du marché Kermel qui, faut-il le rappeler, après avoir a été dévasté par un incendie, a été restauré à l’identique. Cependant il faut garder à l’esprit qu’une reconstruction à l’identique, ce n’est pas du patrimoine.
La gare de Saint Louis a perdu son prestige, car ayant été durant de nombreuses années le centre d’une activité économique principale, source de revenus pour de nombreuses familles au niveau de la ville et de son arrière-pays. Les rails sont ensevelis pour toujours sous leur linceul de sable du côté de Linguère.
Malheureusement « Autoraillou Peulh » qui, jadis, a joué un grand rôle dans l’économie de la ville ne sifflera plus entrant en gare ; de même on ne verra plus le train « Arrigoni ». Le réseau s’est progressivement dégradé et après avoir agonisé pendant longtemps, a fini par rendre l’âme.
Ce qui me chagrine c’est le fait que le train n’arrivera plus dans la capitale du nord. De ce fait pour réhabiliter la gare qui n’est plus utilisée, il faut lui trouver une destination à l’image de celle de Coky qui a été restaurée pour devenir un complexe pour les femmes et les jeunes. Dans ces conditions pourquoi ne devrait-on pas trouver une destination pour la gare de Saint Louis ? A mon humble avis elle pourrait, par exemple, abriter, à l’étage, un musée des chemins de fer, qui, à l’image de celui de Thiès pourrait présenter quelques pièces autrefois en usage : outils, uniformes, machines d’émission des tickets, « téléphone omnibus », bâton-pilote (système de pointage du passage des trains), pétards de détresse en cas d’obstacles sur la voie. Tout un ancien monde pourrait, ainsi, renaître dans cette salle d’exposition. Car le musée pourrait, donc retracer aussi l’histoire de la lutte des cheminots, qui, pendant longtemps ont revendiqué auprès de l’autorité coloniale l’égalité salariale, l’intégration des travailleurs auxiliaires maintenus dans un statut précaire, ainsi que les allocations familiales dont le personnel venu de métropole était le bénéficiaire.
Et au rez-de-chaussée, la gare pourrait abriter un musée d’art contemporain qui, du reste manque cruellement à notre ville. D’autant que Saint Louis regorge de nombreux artistes très talentueux. En tout cas il est hors de question que des édifices ou des bâtiments chargés d’histoire soient détruits en un tournemain pour être remplacés par du neuf. En essayant d’en savoir un peu plus dans cette histoire de patrimoine, j’ai appris que le classement de l’UNESCO concerne aussi les zones tampons de l’Île que sont la corniche de Sor nord et sud et les corniches de la Langue de Barbarie nord et sud. Ce qui veut dire que la gare et tous les édifices au niveau de ces zones à l’image des Blocs 22, construits après la Seconde Guerre mondiale de 1947 à 1957 doivent impérativement être protégés.
Hélas, il est vraiment malheureux de constater qu’ici au Sénégal et plus largement en Afrique, nous n’avons pas la notion de patrimoine. Contrairement aux pays Européens, nos villes n’ont aucun cachet ancien, tout simplement parce que nous démolissons toujours pour remplacer par du neuf. Paris, par exemple, a gardé intacts ses édifices et ses monuments au temps où il s’appelait Lutèce. On y trouve encore des vestiges de la présence Romaine. Il en est de même de Montréal qui, d’ailleurs, est beaucoup plus jeune que Saint Louis.
Par exemple, le balcon d’où le Général De Gaulle s’était écrié : « Vive le Québec libre » est toujours comme il était, du moins, en 1994, alors que je séjournais au Canada. Et j’imagine qu’il l’est toujours.
Dommage, on ne verra plus les « Blocs 22 ». Le futur tribunal est en train de renaître sur ses cendres! Du n’importe quoi! Et pourtant le 19 janvier 2016, le Gouverneur de la Région de Saint-Louis du Sénégal Alioune Aidara NIANG avait signé un Arrêté interdisant toute opération de démolition de bâtiments anciens au niveau des zones, inscrites sur la liste du patrimoine mondial en 2000. Cet arrêté constituait également une réponse adéquate aux recommandations du Comité du patrimoine mondial (Décision 38 COM 7B.54) demandant notamment de renforcer les mesures institutionnelles de protection et de conservation du site. Il devait sans nul doute contribuer à préserver le patrimoine architectural, confronté à de nombreuses menaces. Il devait également conduire à réduire la disponibilité d’espaces pour la construction de nouveaux ensembles immobiliers qui, ces dernières années ont tendance à porter atteinte à l’intégrité du site.
Toujours au niveau du faubourg de Sor, outre la gare, nous pouvons citer la première École des Otages créée à Saint-Louis par le gouverneur Faidherbe en 1855. Elle est aujourd’hui en péril. Pourtant elle constitue un pan important dans l’Histoire coloniale. Les écoles des otages étaient des établissements scolaires créés par le colonisateur Français au Sénégal et au Soudan Français où étaient recrutés de force les fils de chefs et de notables afin de les surveiller et les former pour devenir des auxiliaires au pouvoir colonial.
L’Ecole des Otages de Saint-Louis a été restaurée par arrêté du 05 mars 1861 pour y élever des fils ou parents de chefs. Elle revit le jour le 31 mars 1892 sous la dénomination de Collège des fils de Chefs et d’Interprètes. La façade du bâtiment est agrémentée de faïences importées de France. Solidement installée, l’administration coloniale remplaça le collège des fils de chefs par la Médersa en 1909.
Les locaux seront ensuite affectés au collège des jeunes filles Ameth FALL jusqu’en 1965 avant d’abriter l’école élémentaire Khayar Mbengue.
Dans cet établissement scolaire, le fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba, y a également séjourné et la chambre qui l’y accueillait fait aujourd’hui l’objet de plusieurs visites par de nombreux étrangers.
À Sor, on peut également noter Notre Dame de Lourdes, la deuxième église de la ville et qui fut achevée vers la fin du 19ème siècle en 1895. Elle est aujourd’hui menacée de tomber en ruine.
En définitive, on se rend compte qu’il se pose un véritable problème de conservation et d’entretien du patrimoine bâti de Saint-Louis tant au niveau de l’Île qu’au niveau du faubourg de Sor.
Saint-Louis souffre d’une incurie en politique culturelle que les différents gouvernements, conseils municipaux et résidents insouciants de cette richesse lui imposent sans discontinuer, depuis de nombreuses années. Nos compatriotes ne savent pas respecter les consignes. Ils démolissent à tout va, alors qu’il y a bien des dispositions contraignantes imposées par l’UNESCO. Après les démolitions et réhabilitations tout azimut, des pans entiers de l’histoire de la ville s’écroulent au fil des ans.
Notre patrimoine est menacé par les Saint-Louisiens eux-mêmes parce qu’ils démolissent et construisent en ne respectant pas les normes du patrimoine et en foulant du pied les engagements de l’Etat et de la commune. Et cela concerne de hautes personnalités Saint-Louisiennes qui sont au cœur de l’Etat et a priori censées donner le bon exemple. Si de tels agissements continuent, Saint-Louis est menacée de déclassement et la vieille cité risque d’être inscrite sur la liste du patrimoine en péril. Dès lors on comprend bien que là, il faut prendre des mesures d’urgence pour que cesse cette déconstruction de notre patrimoine.
Il faut, donc sauver le patrimoine de Saint-Louis et redorer son blason. Ce qui est sûr c’est que c’est nous société civile, conseils de quartier, associations…, qui devons nous battre de toutes nos forces pour préserver et réhabiliter notre ville. C’est nous qui sommes les sentinelles du patrimoine de notre chère Ndar-Guedj. C’est nous qui devons tirer la sonnette d’alarme car estimant qu’il faut agir et réagir afin d’éviter que le pire n’arrive.
Debout Saint Louisiens !!!
Jean DIOUF