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Revisiter l'héritage des assises pour apaiser le climat sociopolitique. Par Nioxor TINE

Dimanche 13 Août 2017

Au-delà des péripéties électorales, il est plus que temps pour la classe politique et la société civile de s’interroger sur les voies et moyens de revivifier notre processus démocratique, qui bat de l’aile, depuis plus d’une décennie, après la crise politique consécutive aux présidentielles de 2007. La tenue des Assises Nationales, les révoltes citoyennes pré-électorales et finalement l’accession de Benno Bokk Yakaar au pouvoir, n’ont pas permis de redresser la barre, du fait d’une absence de politiques de rupture par rapport à la gouvernance wadiste.



Au-delà des péripéties électorales, il est plus que temps pour la classe politique et la société civile de s’interroger sur les voies et moyens de revivifier notre processus démocratique, qui bat de l’aile, depuis plus d’une décennie, après la crise politique consécutive aux présidentielles de 2007. La tenue des Assises Nationales, les révoltes citoyennes pré-électorales et finalement l’accession de Benno Bokk Yakaar au pouvoir, n’ont pas permis de redresser la barre, du fait d’une absence de politiques de rupture par rapport à la gouvernance wadiste.
REVENIR A L’ESPRIT DE LA CHARTE DE GOUVERNANCE DÉMOCRATIQUE
Dans ce document signé par la quasi-totalité des leaders de l’Opposition d’alors, y compris par l’actuel chef de de l’Etat, figurait un engagement fort à œuvrer à la consolidation/institutionnalisation de la démocratie participative. Plus tard, le dépouillement des questionnaires de la CNRI avait permis d’établir une quasi-unanimité au sein des partis politiques et organisations de la société civile sur la nécessité de rendre effective la participation citoyenne dans la gestion des affaires publiques. Or, à quoi assistons-nous actuellement si ce n’est à la mise en place d’un pouvoir de plus en plus autoritaire, allergique à toute contestation et à toute concertation.
En lieu et place de cadres consultatifs dans les villages et quartiers pour rapprocher l’administration des citoyens ou d’une éducation à la citoyenneté, on mise plutôt sur - si ce n’est un usage excessif de la violence d’Etat-, tout au moins sur une dissuasion contre toute forme de défiance contre une gouvernance arbitraire !
Là où la Charte préconisait de placer la lutte contre la corruption au cœur des politiques publiques, nous constatons que la reddition des comptes est plombée par le caractère sélectif des poursuites ne ciblant pratiquement que des adversaires politiques et par le dépérissement graduel des organismes de contrôle par la nomination à leur tête de personnalités complaisantes vis-à-vis du pouvoir en place.
Concernant les droits et libertés fondamentaux, il y a certes des balbutiements relatifs à la présence de l’avocat lors de la garde à vue et à une volonté politique proclamée de mettre fin aux lenteurs dans le traitement des affaires judiciaires.
Néanmoins, on ne peut que déplorer la propension à user de longues détentions préventives arbitraires à l’encontre de citoyens jugés mal-pensants, contrastant avec la facilité avec laquelle certains artistes de renom et chefs coutumiers ou religieux bénéficient de liberté provisoire.  Cela s’oppose à la nécessité, maintes fois rappelée par la CNRI, d’instituer un Juge des Libertés.
Par ailleurs, des rumeurs persistantes et concordantes font état d’une collusion de certains secteurs de la Presse avec le pouvoir actuel, qui compte en son sein beaucoup d’hommes de Presse. Cette assertion, si elle se vérifiait, irait à l’encontre des recommandations des Assises allant dans le sens de garantir une liberté de presse totale, tout en préservant la pluralité médiatique pour raffermir la démocratie et le caractère unitaire de la nation.
Les dernières élections du 30 juillet dernier, caractérisées par un manque de transparence et une confusion extrêmes, semblent constituer le couronnement de toute cette dynamique antidémocratique contraire au projet de mise en place d’une "Charte des libertés et de la démocratie, gage de l’attachement de notre pays aux libertés publiques…".
GARANTIR L’EQUILIBRE ET LA SÉPARATION DES POUVOIRS
L’hypertrophie de l’Institution incarnée par le Président de la République, déplorée par le mouvement national démocratique depuis la crise politique de 1962, s’est trouvée accentuée par la nature hégémonique du régime de Benno Bokk Yaakar. Cette coalition est, en effet, caractérisée un unanimisme grégaire et une volonté farouche d’annihiler toute velléité d’opposition sur la scène politique. Autant dire que la proposition de la CNRI de séparer la fonction présidentielle de celle de chef de Parti s’est heurtée à la boulimie pouvoiriste du premier magistrat de la Nation.
Un refus catégorique a également été opposé à la réforme du mode de scrutin aux élections législatives. Résultats des courses : en 2017 Benno Bokk Yaakar avec 49% des suffrages a 125 députés alors que la Coalition Sopi, en 2007, avec un score électoral de 69% et un boycott de tous les partis de l’Opposition significative n’avait récolté que 6 députés de plus, soit un total de 131.  Si ce n’est pas de la magie, c’est sûrement dû à une stratégie de fraude éprouvée, basée sur les rétentions de cartes combinées à leur distribution sélective et à un mode de scrutin inique.
Pour ce qui est du pouvoir judiciaire, il reste plus que jamais sous la coupe de l’Exécutif, malgré les soubresauts de certains jeunes et fougueux magistrats. La réforme de la Justice, à travers un projet de loi organique portant Statut de la magistrature et celui sur le Conseil supérieur de la Magistrature, loin de promouvoir la transparence dans le choix des fonctionnaires de justice, renforce plutôt la mainmise de l’Exécutif sur la Magistrature, dont les éléments les plus âgés (pas forcément les plus conservateurs) bénéficient d’un allongement de l'âge de départ à la retraite, au-delà de la date fatidique du 24 Février 2019, censé correspondre au premier tour de la prochaine élection présidentielle.
La restauration du caractère républicain de l’Administration se fait désirer dans la mesure où la politique gouvernementale en la matière repose sur les mêmes critères politiciens et clientélistes, qui ont toujours eu cours en son sein, depuis l’accession de notre pays à la souveraineté nationale. On peut même dire, que la déstabilisation et la désorganisation de l’Administration ont connu leur apogée entre 2000 et 2012.
Le désir proclamé par l’actuel régime de moderniser l’Administration se heurte à ses propres errements que constituent les recrutements politiciens, les nominations de complaisance, parfois sur des bases ethnicistes. A preuve, le refus du pouvoir actuel de procéder à la généralisation et la systématisation de l’appel à candidature pour les emplois de haute direction dans la fonction publique et le secteur parapublic.
GÉRER LES FINANCES PUBLIQUES AU PROFIT DES MASSES POPULAIRES
Concernant les finances publiques, leur gestion est devenue certes moins désordonnée et frauduleuse par rapport à la période d’avant 2012, mais elle est loin de prendre en compte les besoins de base des populations.
C’est ainsi qu’au moment où le programme des bourses de sécurité familiale et la couverture maladie universelle bénéficient de généreuses subventions, il arrive que l’eau courante, le matériel pédagogique dans les établissements scolaires et universitaires, des médicaments essentiels, des réactifs pour examens biologiques ou des consommables d’usage courant ne soient pas disponibles pour les populations, sans oublier les retards de paiement des salaires et primes de fonctionnaires et contractuels.  Ces dysfonctionnements sont aussi en rapport avec les coupes sombres dont sont victimes les budgets des structures socio-sanitaires, des établissements scolaires et des autres structures déconcentrées. Tous les moyens de la Nation sont orientés vers les programmes phares d’un pouvoir qui a choisi de miser sur le populisme et l’électoralisme primaire.
Comment ne pas s’interroger sur la pertinence d’investissements tels que le centre de conférences de Diamniadio, l’autoroute Illa Touba, le Train Express Régional… ?
Le respect des principes et règles de bonne gouvernance reste un vœu pieux si on prend l’exemple la gestion cahoteuse de nos futures ressources pétrolières et gazières marquée par  la radiation de l’inspecteur Sonko, le limogeage de Mme Nafi Ngom KeIta et la démission de l’ancien ministre de l’Énerge, qui a d’ailleurs rompu les amarres avec son ancien Parti qu’il accuse de tous les maux d’Israël.
QUID DU PROJET DE CONSTITUTION DE LA CNRI ?
Bien que signataire de la Charte de Gouvernance Démocratique et soutenu par le Peuple des Assises au deuxième tour de l’élection présidentielle de mars 2012, le président Sall n’en rejettera pas moins le projet de Constitution de la CNRI en prétextant de la solidité de "l’assise démocratique de notre système politique" au niveau duquel, il se refuse de provoquer une rupture normative, se contentant de préconiser quelques "changements consensuels appropriés". De fait, dans son projet de réforme constitutionnelle publié en prévision du référendum, il n’avait initié que quelques réformettes, qui brillaient par leur caractère désarticulé et leur absence de cohérence. Il s’agissait, en réalité d’un subterfuge pour endiguer la dynamique citoyenne née des Assises Nationales tout en rejetant l’Avant-projet de constitution de la Commission Nationale de Réforme des Institutions. C’est ce refus délibéré de rompre avec l’Ordre ancien, qui nous vaut la persistance de la crise politique, qui a eu raison du régime de Me Abdoulaye Wade.
Cette même crise nous promet des lendemains agités malgré la pseudo-victoire de Benno Bokk Yakaar aux dernières législatives. En vérité, plus que par des mécanismes démocratiques, c’est plutôt par la corruption et la terreur que le régime actuel se maintient tant bien que mal au pouvoir, en attendant la prochaine déflagration sociale.
NOTRE PAYS SE TROUVE DANS L’IMPASSE 
Malgré les apparences, notre système politique se trouve dans une impasse. Au-delà de la veillée d’armes entre un camp présidentiel minoritaire et quotataire et une opposition affaiblie, incapable de s’entendre sur un programme alternatif, il y a la grande majorité silencieuse, qui est loin d’être dupe et est habitée par une sourde colère contre cette gouvernance désastreuse.
Le dialogue social censé réduire les conflits entre employeurs et travailleurs souffre de plusieurs maux. Il y a d’abord la propension idéologique des gouvernants à satisfaire les employeurs nationaux mais surtout les multinationales étrangères au détriment des travailleurs nationaux, sous le fallacieux prétexte d’amélioration du climat des affaires et de promotion de l’investissement. D’un autre côté, les leaders syndicaux sont, pour la plupart, embourbés dans les méandres de la collaboration de classe. De plus, grâce aux avantages tirés de leurs fonctions de représentation, ils ont un mode de vie, qui les rapproche davantage du patronat que des simples travailleurs.
Sans méconnaître la constitution progressive au niveau de plusieurs collectivités locales, d’équipes municipales, qui font un apprentissage graduel de leurs prérogatives, il faut reconnaître un déficit patent de ressources humaines et une insuffisance des capacités administratives pour faire face à la complexité des compétences transférées particulièrement, celles relatives à la Santé et à l’Éducation. En outre, on note une dotation insuffisante des collectivités locales en ressources financières (impôts locaux, dotations garanties par l’état, autres), qui accentue leur précarité aggravée par une tutelle pesante alors qu’elles sont censées jouir de l’autonomie de gestion. Qu’en-est-il d’un des slogans favoris de nos gouvernants, à savoir la territorialisation des politiques publiques ? Elle est loin d’être effective, non seulement parce que l’acte 3 décentralisation, en plus d’être un acte mort-né, avait surtout des arrière-pensées politiciennes, eu égard à la volonté d’affaiblir le maire de Dakar, qui reste un des adversaires les plus sérieux du président actuel lors des prochaines présidentielles. De plus, on note la modicité du financement des collectivités locales (3,5% de la Tva du Sénégal qui sont affectés au FDD et 2% au FECL).
Les relations entre l’Etat et les communautés religieuses sont loin de reposer sur des bases saines, dans la mesure où elles sont sous-tendues par un clientélisme politicien, qui nuit quelque peu à la fonction de régulation attendue des familles religieuses. Les récents événements à Touba nous édifient sur les risques induits par l’implication de larges segments de certaines confréries dans des querelles purement politiciennes. Cela aboutit à l’impossibilité de fait pour l’État central, de rester équidistant par rapport aux communautés religieuses.
LE DIALOGUE POLITIQUE DEVRA ÊTRE CENTRÉ SUR LE RENOUVEAU DÉMOCRATIQUE
Au sortir du simulacre de scrutin qui s’est tenu le 30 juillet 2017, certains militants de Benno Bokk Yakaar ont prôné la nécessité d’un dialogue politique. Mais celui-ci n’aura de sens que s’il est centré sur la nécessité d’un renouveau démocratique, d’une émergence citoyenne et d’un respect scrupuleux des libertés collectives et individuelles.
La mise en place d’une Haute Autorité de la Démocratie s’avère urgentissime. Elle contribuera à rétablir la confiance entre acteurs politiques et sera chargé de veiller à l’adoption de critères pertinents de création des partis politiques, de la promotion de la participation citoyenne et du suivi du processus électoral.
Les critères de mise sur pied d’un Parti politique devront être rationalisés, en exigeant, comme pour les candidatures indépendantes, un nombre déterminé de signatures à répartir en plusieurs régions.
Une autre question centrale dans le cadre du renouveau démocratique de notre Nation est le financement des Partis, à partir des fonds publics, et le plafonnement des dépenses lors des campagnes électorales. Cette réforme contribuera à éradiquer la corruption électorale, qui permet aux Partis au pouvoir ou disposant de riches sponsors d’obtenir des majorités factices ne correspondant à aucune réalité ni politique ni sociologique, fragilisant ainsi les Institutions. Cette question doit d’autant plus être prise au sérieux que notre pays est en voie de devenir un pays pétrolier avec tous les risques politiques qui sont attachés à ce nouveau statut.
Le mode de scrutin doit être réformé d’urgence par la suppression du scrutin majoritaire à un tour qui pourra être remplacé par un scrutin majoritaire, à deux tours, combiné ou non à une certaine dose de proportionnelle, ce qui permettra aux députés de s’affranchir de la tutelle du pouvoir en place ou des appareils de Parti et d’être plus redevables vis-à-vis de leurs électeurs.
A défaut de réformes courageuses s'inspirant largement de l'esprit des Assises Nationales, notre pays risque de sombrer dans un naufrage qui risque de s’avérer préjudiciable à l’émergence économique tant chantée et de compromettre durablement l’avenir des générations montantes.
NIOXOR TINE


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