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SAINT-LOUIS, la décadence

PERTE DES VALEURS, PATRIMOINE VÉTUSTE, CONJONCTURE...

Samedi 6 Septembre 2014

Saint-Louis n’est plus ce qu’elle était. L’ancienne capitale de l’Afrique Occidentale Française et du Sénégal a perdu une partie de ce qui faisait son attrait légendaire et son charme naturel. Le légendaire “takusaanu Ndar” et le traditionnel “Ceebu Jën Penda Mbay” ont perdu leurs valeurs, du fait de cette nouvelle génération laissée à elle-même et qui ne sait plus où mettre les pieds.


Petit à petit, la ville du bon goût et de l’élégance agonise. Saint-Louis est à l’épreuve de la conjoncture mondiale, comme la plupart des grandes villes. Trois personnes sur quatre sont frappées par la pauvreté. Quotidiennement, le citoyen lambda est à la recherche de la pitance pour survivre et faire survivre les autres.

La vie à Saint-Louis n’est plus comme du temps des colons où des années qui ont suivi l’indépendance. Tout est perdu dans cette ville réputée pour son plat local (fameux Ceebu jën) et le port vestimentaire de ses fils. Le Saint-Louisien se différenciait des autres à travers son comportement et sa façon de s’habiller.

L’élégance était le socle de cette société métissée, comme l’attestent ces septuagénaires trouvés à la place Faidherbe. “Ah ! le bon vieux temps !” s’exclame Moustapha Ndiaye, ancien instituteur. Le regard pointé vers l’horizon, il se remémore :

“Quand nous étions jeunes, nous rivalisions d’élégance dans le port vestimentaire. Hélas ! De nos jours, nos fils s’habillent différemment. A l’époque, aucun jeune n’osait mettre des habits qui gênent la conscience générale, sous risque d’être corrigé par son père et le voisin. On vivait en communauté”.

Comme les autres sages de son âge assis à ses côtés, il pointe la fuite de responsabilités des parents. “SaintLouis a tout perdu de son histoire, avec l’agression grandissante de la culture occidentale”, lance un autre vieux. Son ami Amadou Bâ de demander aux jeunes de la ville ancienne de s’ouvrir aux autres, tout en gardant les valeurs intrinsèques de leur histoire. Au moment où nous quittions ces vieux assis sous l’arbre à palabre,

près du lycée Cheikh Omar Foutiyou Tall ex-Faidherbe qui a formé des sommités de ce pays, des garçons vêtus de pantalon taille basse, les têtes coiffées à la “dabala”, passaient pour rallier certainement la plage de l’hydrobase, en cette période de forte canicule. Cette apparition suscitera encore de vifs commentaires sous l’arbre.

Takusaanu Ndar

Sur l’île, il y a les quartiers Lodo et Sindoné et une bande de terre dénommée La langue de Barbarie qui est le centre des affaires. Ici les hommes et les femmes se croisent et rivalisent de charme. Dans le temps, les hommes se distinguaient avec leur costard, pipe à la bouche et la canne à la main. Un peu comme ces dandys marseillais en dilettante sur la Cannebière aux bords du Vieux-Port.

Les femmes de l’ancienne capitale de l’Aof avaient l'art de porter la jupe longue bouffante, chemisier de rigueur, le tout assorti d’un long chapeau serti d'une plume posée délicatement sur la tête. Et une fois bien habillée, elles se dandinaient à pas de caméléon dans les rues, sur les allées du pont Faidherbe, appréciant le coucher du soleil. C’était le takusaanu Ndar.

Amadou Faye, originaire de Kaolack, 69 ans, a vécu “cette originalité bien saint-louisienne qui amenait les hommes à tomber dans les bras d’une doomu Ndar”. “Lorsque j’ai été affecté dans cette ville, j’ai été attiré par ce takusaan et c’est de là que je suis tombé amoureux d’une nymphe qui m’a donné huit bouts de bois de Dieu”, révèle-t-il.

Pour lui, la femme de Saint-Louis de l’époque avait un charme de grande royale. Aujourd’hui, tout cela aurait disparu. Au contact des civilisations, les femmes de Ndar ont perdu leur “mokk pooc” (savoir-faire) et mènent la vie à l’occidentale.

La nouvelle génération a troqué ce savoir-être traditionnel avec les pantalons jeans, “jumbax out”, “dangal” et “pàcàl”. Une dame rencontrée à quelques jets de la place Faidherbe de souligner qu’à l’époque, il y avait des maisons d’éducation, comme celles de feu Soukeyna Konaré, où on inculquait aux jeunes filles les valeurs qui faisaient d’elles “de bonnes femmes saint-louisiennes”.

La conjoncture dévalue le “Penda Mbaye”

La ville de Saint-Louis est irrémédiablement associée à son fameux “Penda Mbaye”. Et quand les nostalgiques en parlent, la salive leur vient à la bouche. Jadis les femmes se rendaient très tôt le matin au marché de Teen jigeen pour acheter les légumes de Gandiol ou de Khor fraîchement cueillis des champs ou des jardins.

Les “coof” ou poissons nobles faisaient le bonheur de ces dames. Le poisson séché de Sine, “gejji Sine”, était là pour assurer une saveur légendaire aux plats. “Il n’existait pas de bouillons”, se rappelle Fatou Diop. “Et chose importante, aucune femme n’osait quitter la cuisine au moment de la préparation du repas. Elle veillait au grain et à petit feu sur ce repas qui allait être offert aux membres de la famille et aux invités”, explique-t-elle.

Le partage des mets, cet acte de noblesse perdu

A Saint Louis, le partage des mets était un acte de noblesse. Mais hélas ! tout cela s’est effrité. Au fil du temps et du fait de la conjoncture, le fameux “ceebu jën Penda Mbay” servi “à midi zéro minute a perdu sa saveur”. Rien que pour préparer ce plat local, les dames y passaient un temps fou. Mais, de nos jours, trouver du poisson noble et tous les ingrédients qui vont avec est devenu un véritable parcours du combattant.

Les jeunes générations ne préparent pas le “ceebu jën” comme leurs aînées. Non seulement elles sont pressées de terminer la cuisine pour vaquer à d'autres occupations, mais elles ne disposent pas de tous les ingrédients, pour préparer un bon “ceeb”.

A cela s’ajoute la rareté du poisson. Les pêcheurs de Guet Ndar ne ramènent plus du poisson noble, à cause d’une mer sans poisson. “Les eaux sénégalaises ne sont plus poissonneuses, du fait du non-respect de la période de repos biologique”, explique Moulaye Diop.

De plus, les rares poissons de choix pêchés sont vendus aux hôteliers au prix fort, hors de portée des bourses des jeeg (grandes dames). Leurs goorgoorlu (époux débrouillards) n’arrivent plus à joindre les deux bouts à cause de la conjoncture.

Le patrimoine bâti et culturel : le cri du cœur de Golbert Diagne

“Beaucoup de maisons sur l’île de Ndar croulent sous le poids de l’âge”, se désole Alioune Badara Diagne Golbert. Celui qu’on surnomme “le totem de Ndar” demande aux propriétaires de rentrer au bercail refaire leurs maisons familiales.

D’autant que, dit-il, “ils veulent tous, à la fin de leur jour, être enterrés, soit au cimetière Thiaka Ndiaye ou Marmiyal”. Il lance ce cri du cœur : “Cette ville est bénie par Dieu. C’est un paradis terrestre. Venez vite avant que ça ne soit tard”.

Avec leur architecture coloniale, la plupart de ces demeures sont aujourd’hui délaissées. Leurs propriétaires n’ont pas les moyens de les réhabiliter et vivent dans la hantise d’un effondrement des bâtisses. D’autres se sont établis hors de la ville, préférant vendre leurs maisons. Tous sont allés s’installer à Ngallèle, cité Niax et Pikine. L’île est désertée, faute de moyens pour refaire les maisons.

Les menaces de l’Unesco

Mais, le plus désolant est que ces maisons sont acquises, pour la plupart, par de nouveaux riches peu soucieux de préserver le style architectural d'origine. Or, il est fait obligation de maintenir la construction initiale, sur l’île. Les autorités municipales qui devaient veiller au respect de la directive ne font pas montre de poigne à ce propos. Ce laisser-aller a fini par exaspérer l’Unesco qui a menacé de déclasser l'île de Saint-Louis.

La ville a été érigée Patrimoine mondiale de l'Humanité en 2000, après un premier classement en 1976 comme secteur sauvegardé par le Président Léopold Sédar Senghor. A côté du bâti, le culturel souffre. Le théâtre et la littérature se meurent. Le Fanal n’attire plus faute de moyens. Le seul legs historique culturel perd annuellement ses repères.



Fara Sylla | http://www.enqueteplus.com


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1.Posté par Fili le 06/09/2014 15:34
Il ne faut surtout pas oublier de parler de cette saleté ambiante et de cette indiscipline que l'on observe dès que l'on entre dans la ville.
Les berges du fleuve sont devenues un vaste dépotoir d'ordures ménagères,et ce spectacle ne semble gêner personne.
L'Avenue du Général de Gaulle offre le spectacle d'une favela où automobilistes,piétons et marchands se disputent l'espace,sous le regard indifférent des autorités municipales.
IL EST VRAIMENT URGENT DE REAGIR.AU FORCEPS SI NECESSAIRE.

2.Posté par Pharoah le 07/09/2014 12:16
Si je comprends bien les St Louisiens aisés ne faisaient que copier le colon Français qui n'avait d'autres choses à faire que parader dans les artères principales , on reconnait bien la le gout du Sénégalais dans le paraitre plutot que dans le travail........en ce temps béni le colon tenait la ville propre ! quelle décadence depuis .....

3.Posté par Luilui le 07/09/2014 16:22
Pharoah, ce que tu ne peux piger, c'est qu'il est possible d'allier élégance avec travail et discipline. Les Saint-louisiens d’antan étaient éduqués dans le culte du travail et du bon vivre. Peut être que tu as du mal à comprendre mais c'était bien ainsi.

4.Posté par Pharoah le 07/09/2014 18:05
Avec le colon il fallait travailler dans la discipline , tout était propre et entretenu .....l'indépendance arrive et tout tombe en ruine : Pont Faidherbe , la gare , le centre ville , les ordures s'accumulent ....hé hé hé le St Louisien a repris sa vraie nature !

5.Posté par Bessel le 08/09/2014 19:24
AU SECOURS!
Après le tintamarre,le folklore et les opérations coups de poings,la saleté reprend ses droits à l'entrée du Général de Gaulle,avec les vendeuses de poissons.
CHASSEZ LE NATUREL,IL REVIENT AU GALOP.

6.Posté par bipandar le 08/09/2014 21:19
Allez faire un tour sur le quai Giraud, après le pont en construction, c'est horrible! Des montagnes d'ordures dégagent nuit et jour une odeur pestilentielle au grand dam des riverains qui n'arrivent même plus à respirer. On a beau l'aimer mais franchement cette ville devient de plus en plus invivable!

7.Posté par Madieyna Coundoul le 09/09/2014 18:10
D'accord avec Bipandar mais pas avec Pharoah, dont les sarcasmes sont limites. Selon lui les Sénégalais sont sales en fait, alors que les blancs sont propres, de nature. Allez faire un tour dans les villes, les métros français, vous y humerez des odeurs inconnues du Sénégalais lambda...J'ai vécu 17 ans en France et j'ai un jour apostrophé un quidam, dans un supermarché, qui dégageait une odeur pestilentielle qui s'accrochait aux rayonnages plusieurs minutes après son passage! Le type ne s'était pas lavé pendant des mois, tout bonnement...alors l'ironie à deux francs six sous de Pharoah, on s'en passe. Je rappelle que du temps "béni" des colons, l'ordre et la propreté étaient maintenus au forceps, grâce notamment au travail forcé...
Ce qui explique le désordre et la saleté de Saint-Louis c'est que cette ville est désorganisée, manque cruellement de moyens, d'une vraie politique des déchets et aussi, il est vrai, d'incivisme, il faut le dire. Beaucoup de gens, qui sont très propres sur eux, n'ont pas les bons comportements: ils jettent, à longueur de journées, tout ce qui les gêne, par terre. Où sont les poubelles publiques dans cette ville? Les rares qui existent débordent ou se désagrègent.
Cela gêne beaucoup de Saint-Louisiens, alors que la majorité est indifférente; chacun voit son intérêt individuel et ne fait pas les efforts nécessaires. Alors on attend des autorités UNE VRAIE POLITIQUE, DES SENSIBILISATIONS AUX BONNES PRATIQUES, DES MOYENS FINANCIERS ET DE LA REPRESSION SI NECESSAIRE

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