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Saint-Louis - Média : Aida Coumba Diop a remporté le prix annuel du meilleur reportage en presse écrite de la CJRS.

Mardi 18 Décembre 2012

Saint-Louis - Média : Aida Coumba Diop a remporté le prix annuel du meilleur reportage en presse écrite de la CJRS.
La Convention des Jeunes Reporters du Sénégal (CJRS) a remis le prix du meilleur reportage de l'année, en presse écrite, à la journaliste saint-louisienne, Aida Coumba Diop, correspondante du quotidien Walf.

Notre consoeur a recu sa distinction au cours de la 4e édition du gala de la convention des jeunes reporters (Cjrs) organisé, samedi 15 décembre.

Voici son reportage

Reportage - Guet Ndar : Un quartier aux mille maux

Quartier débordant de vie, Guet Ndar installé sur une bande de sable est situé au milieu de deux plans d’eau disparates : le bras calme du fleuve Sénégal et les eaux déferlantes de l’océan Atlantique. Situé sur la langue de Barbarie, ce quartier de la ville de Saint-Louis vit au rythme de la pêche, sa principale activité qui regroupe hommes, femmes et enfants. A côté des vieilles bâtisses qui gardent constamment leurs restes de beauté, Guet Ndar est un maelström qui cache mille maux. L’avancée de la mer, l’insalubrité manifeste et la promiscuité constituée par un embouteillage humain… sont entre autres problèmes du quartier. Reportage !



(Correspondance) - Populeux quartier de pêcheurs, Guet Ndar, avec toute sa splendeur, s’affiche juste à la descente du pont Moustaph Malick Gaye, qui grouille de monde à toute heure de la journée. Impossible de mettre les pieds dans ce coin sans tomber sous le charme de ses vieilles maisons multiformes, de ses plusieurs dizaines de ruelles étroites, anarchiques et constamment en ébullition.Tel un capharnaüm, Guet Ndar, engoncé entre le plan d’eau calme du fleuve Sénégal et le grand large de l’océan Atlantique, vibre de mille et une activités débordantes. De jour comme de nuit, il vit une animation quasi trépidante dans ce quartier long d’un kilomètre et large de 250 m. Ses habitants, comme des fourmis, se pressent sans fin et ses animaux domestiques traînassent inlassablement. Des bambins, dans un charivari monstre, jouent et s’égaillent dans toutes les directions, sans souci, entre les véhicules et des charrettes qui sont obligés de louvoyer pour ne pas les caramboler. Un groupe, portant avec candeur leur innocence, déboule des maisons. Debout sur ses cinq berges, l’un des mioches, pieds et torse nus, se lance dans une course effrénée. Au bout de quelques mètres, il se jette dans le fleuve, complétant ainsi l’autre groupe de sa génération qui s’adonnait à une partie de baignade dans un brouhaha insupportable. Tandis que d’autres s’affairent dans les pirogues laissées en cale sèche, filets de pêche ou poissons en main.

Dans ce quartier, où la pollution sonore est omniprésente, la pêche est la principale activité des populations. Elle garantit l’existence de dizaines de milliers de personnes, qui en dépendent, directement et indirectement. Et il n’est pas surprenant d’assister, du matin au soir, à un défilé incessant de porteurs, de cageots ou de paniers prenant la direction de la rive où les pirogues, qui revenaient de marées, débarquaient les poissons capturés. Avec la rareté du poisson, une longue file de camions frigorifiques, venus de Richard Toll, Matam, Thiès, Dakar, Kaolack, Mali et Gambie, stationnés le long du cimetière Thiaka Ndiaye, attendent depuis des semaines pour effectuer leur chargement, encombrant ainsi obstinément cette voie qui mène à l’hydrobase.C’est dès le bas âge que les garçons maîtrisent les rudiments de la pêche dans cette partie de la langue de Barbarie. Très fréquemment, ils passent des nuits en haute mer, en compagnie des plus grands lors des sorties.

A Guet Ndar, les effluves de poisson taquinent inlassablement les narines du visiteur qui s’aventure à cet endroit. Et ils deviennent plus intenses au fur et à mesure qu’il progresse vers les séchoirs de poissons, où de nombreuses femmes, sous des tentes de fortune, s’affairent à préparer du poisson sur des vieilles planches de bois, polluant l’atmosphère de cette fumée âcre s’échappant de leurs fourneaux. Les femmes de ce quartier, très actives, sont occupées, en grande majorité, par la transformation du poisson. Mais leur travail relève d’énormes difficultés. L’écoulement est l’une des contraintes de cette chaîne de transformation. Fatou Bintou Sarr, Présidente de l’Union des femmes transformatrices de Guet Nar, qui regroupe mille femmes, est l’une de ces braves dames qui fréquentent nuit et jour la mer et le fleuve en quête du poisson, malgré ses 56 berges. Cette dame sollicite l’assistance des autorités étatiques pour une amélioration de leurs conditions de travail. Nullement incommodés, des pêcheurs, intermédiaires, marchandes et autres acteurs du monde cosmopolite de la pêche attendent désespérément le retour des pirogues parties en mer.

L’avancée de la mer, un problème récurrent

A Guet Ndar, comme Santhiaba et Gooxu Mbacc d’ailleurs, l’avancée de la mer constitue l’une des craintes des populations. Beaucoup de familles, dont les maisons font front avec la mer, vivent dans la psychose de l’avancée de l’océan, qui, jadis, se trouvait à des centaines de mètres. Mais en moins d’un siècle, la mer avait grignoté les terres de sorte qu’aujourd’hui, la distance qui la sépare des habitations demeure infime. «Il y a plus d’une centaine d’années, la terre ferme avait gagné plus de deux kilomètres sur la mer à hauteur de Guet Ndar», nous a confié le vieux El Hadji Moune Daour Dièye, sur la foi de ce que lui ont raconté ses parents. Accoudé sur le côté gauche, les cheveux poivre - sel, le débit lent et l’œil dans le vide, notre interlocuteur, vêtu d’un ensemble gris, a tenu à nous dire que aussi longtemps qu’il se souvienne, la terre ferme a dû perdre, environ 300 mètres devant la furie des eaux. A cause d’une érosion côtière accentuée et une houle de fond impitoyable. Faisant une évocation historique, M. Dièye se rappelle que la mer s’est déchaînée pour la première fois contre Guet Ndar en 1949. Depuis, la mer ne leur fait plus de cadeau. Et en 2010, les eaux de l’océan ont encore assailli Guet Ndar et certains riverains avaient assisté impuissants à la destruction de leurs maisons.

Dans sa furie, la mer a englouti des bâtiments, des murs de clôture, des salles de classe et de nombreux autres biens immobiliers. Cette année, plus de trente maisons avaient été détruites par les vagues de la mer qui parfois, arrivaient même jusqu’au milieu du quartier. L’alerte était sévère. Vingt-et-un titres fonciers furent donnés à la suite de ce cataclysme par la commune de Saint-Louis aux victimes.L’endiguement et la protection de la langue de Barbarie en général demeurent une fixation pour le vieux Dièye qui n’ose même pas imaginer les conséquences de l’érosion finale de Guet Ndar. C’est la raison pour laquelle le vieil homme, du haut de ses 77 hivernages, plaide pour la construction d’un mur de clôture comme ce fut le cas naguère. Un mur qui ceinture ce qui reste de terre. Témoin catastrophé de ce drame qui se joue entre la terre ferme et la mer, M. Dièye appelle de tous ses vœux les pouvoirs publics, la communauté internationale, la société civile et les bonnes volontés à protéger le lopin de terre qui reste, mais demeure à la merci de cette mer vorace et meurtrière.

Relogement des habitants, un casse-tête

Dans le cadre de la sécurisation de l’habitat, la commune de Saint-Louis entend soustraire les cinquante foyers les plus exposés à la frénésie de l’océan. C’est ainsi qu’après un forum international sur les changements climatiques, initié par la mairie en décembre 2010, une voie de solution avait été dégagée. A l’issue de ce conclave, Onu/Habitat avait décidé d’octroyer 100 logements sociaux à la commune de Saint-Louis dont les 50 seraient affectés aux populations les plus exposées à l’érosion côtière dans le quartier de Guet Ndar. Mais la population de Guet Ndar ne l’entendait pas de cette oreille, malgré la menace patente de la mer. Très attachés au quartier, ces habitants rechignaient à partir. Mais, le Conseil de quartier parviendra à les convaincre de quitter, après moult tractations. «La population de Guet Ndar, qui était réticente à quitter le quartier, est prête à se déplacer vers même les autres collectivités telles que Rao, Mpal là où le cadre de vie est aussi très intéressant», a laissé entendre Djiby Guèye, président du Conseil de quartier.Ainsi, toutes les familles qui logent à 30 m du mur de protection, de la place Pointe à Pitre à l’école élémentaire Cheikhou Touré, devront quitter leurs concessions pour aller occuper les 50 logements sociaux situés à Bango. Un effectif bien insignifiant par rapport au nombre de logements et de familles situés dans cette partie de Guet Ndar. Evalués à 15 millions l’unité, ces logements seront rétrocédés aux populations cibles à cinq millions. Un coût qui est payable en plusieurs mois.

Toutefois, l’affectation de ces logements n’est pas sans problème. Le hic se dessine déjà. Les logements sociaux risquent de ne pouvoir supporter le nombre incalculable d’âmes que loge une maison de Guet Ndar. «On a rencontré des chefs de familles qui réclament trois ou quatre logements parce qu’ils ont sous leur toit ici 50 personnes. Là ou d’autre qui n’ont que quatre enfants auront un logement», informe M. Guèye. «Nous allons rencontrer mille problèmes», ajoute le Président du conseil de quartier. Qui précise qu’un seul logement doit, en principe, être affecté par famille. Selon lui, des démarches sont en train d’être effectuées auprès des communautés rurales avec qui la commune de Saint- Louis a développé l’intercommunalité afin d’avoir plus de terres pour reloger les populations restantes. Et le lot d’incommodité lié à l’affectation de ces logements est loin d’être exhaustif. D’autres complications vont surgir, selon les explications du Président du conseil de quartier. «Au moment de l’enquête, nous avons visité des maisons où nous avons trouvé des occupants qui sont des locataires. Les propriétaires sont en Mauritanie ou dans les autres pays. Et la question qui se pose, c’est à qui faut-il donner ce logement». En principe, explique Djiby Guèye, le logement devrait revenir aux propriétaires et non aux locataires. Signe que là également, un bras de fer risque de s’installer. Mais cela constitue une autre paire de manches…

Promiscuité, mariages précoces, grossesses non désirées…

A Guet Ndar, le décor n’est guère reluisant. L’insalubrité est réelle et le cadre inesthétique. Et c’est la berge qui en pâtit le plus. Les restes et saumures s’échappant des poissons asséchés, les sachets de plastique, les cageots isothermes, les poissons en décomposition et bien d’autres choses encore polluent la berge suspendue juste au niveau de la mer.Un pullulement humain incroyable caractérise ce quartier qui, de jour comme de nuit, grouille de monde. Surpeuplé et très dynamique, ce quartier loge environ 25 mille 450 habitants et représente 16 % de la population communale. Il détient l’une des plus grandes densités de population au monde avec près de 700 habitants au kilomètre carré. Pour se rendre d’une demeure à l’autre, il faut emprunter un véritable labyrinthe. Les habitations s’entremêlent et logent plusieurs âmes. Fait important à souligner : toutes les demeures de Guet Ndar connaissent une promiscuité très poussée de par le nombre de ses occupants. De sorte que dans certaines maisons, des familles sont obligées de s’entasser comme des sardines. Pis, plusieurs générations cohabitent sous le même toit.

Fait hors norme, selon le Président du conseil de quartier : «Nos enquêtes nous ont révélé des choses extraordinaires. Nous sommes rentrés dans une maison, après calcul on a trouvé 72 habitants. On n’y a pas cru. Nous sommes revenus pour vérification et avons dénombré cette fois-ci 102 occupants dans une maison de 20 à 40… m2». Un fait qui s’explique d’une part, selon M. Guèye, par les mariages intrafamiliaux. L’émigration au long cours marque Guet Ndar d’un sceau profond et impacte sur le taux d’occupation du quartier. Il rythme aussi la vie de ce quartier calqué sur les allers et retours de ses fils. A en croire notre interlocuteur, il y a des cas de grossesses non désirées qui se font jour. Ceci étant l’une des conséquences directes de la longue absence des époux de leurs foyers. Les mariages précoces sont quant à eux très nombreux, révèle toujours M. Guèye. L’autre point noir est, selon lui, la déperdition scolaire chez les garçons qui sont formatés inconsciemment pour devenir des pêcheurs de marée (entre huit à dix mois en mer) ou pour émigrer.

Aïda Coumba DIOP



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