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Tapha TOURE alias "Ton’s", artiste-comédien : « Ma troupe, c’est mon numéro de téléphone»

Mercredi 23 Novembre 2016

Son humour pétillant, pimenté par son verbe typique des «Ndar-ndar», a séduit plus d’un. A l’œuvre, il gesticule, vacille, trémousse du haut de ses 35 ans comme une feuille. La comédie n’a pas de secret pour Moustapha Touré, c’est un jeu d’enfant auquel il s’adonne avec nonchalance. Son jeu naturel dans les séries «Ndiol Toth Toth», Tons ou «bari Pekhé» qui l’a dévoilé au public sénégalais. Dans cet entretien, le «ndar-ndar» nous livre un scénario explicite de sa vie, ses débuts dans l’art, son succès, ses états d’âme et ses projets dans le monde du théâtre. Pour lui, le théâtre est devenu un tremplin pour n’importe qui, alors qu’aucun n’artiste n’a de salaire au Sénégal. Raison pour laquelle il continue à le faire vu qu’il n’a pas d’autres choix. Mais, il déplore le fait que sa région natale, Saint-Louis, ne dispose même pas d’un centre culturel au vrai sens de l’expression.


Tapha TOURE alias "Ton’s", artiste-comédien : « Ma troupe, c’est mon numéro de téléphone»
Tapha Toure, présentez-vous à nos lecteurs?
Tapha Touré est un jeune artiste comédien originaire de Saint-Louis, vrai un «gnégno balamagnésé». J’exerce aussi le métier de tailleur car j’ai abandonné l’école en classe de Ce1. On m’a initié dans la couture en me disant que l’art n’est pas un métier, mais plutôt un domaine de loisir.

Parlez-nous de vos débuts dans le théâtre.
J’ai été initié dans le théâtre par ma grande sœur, Mada Touré, une artiste comédienne, qui a travaillé avec beaucoup de troupes comme Soleil levant et Daaray kocc.  À l’époque, elle était membre de la commission culturelle de Asc Téranga et ils recrutaient de jeunes artistes. J’ai tenté ma chance et j’ai été retenu pour faire des prestations avec la troupe théâtrale de l’Asc Téranga. Cela, grâce à ma passion pour l’art.  

Comment avez-vous opéré le passage des spectacles de quartier aux séries télé ?
Tout est parti du théâtre Navétane où j’ai été reconnu meilleur artiste. Au fil du temps, on se faisait inviter par les autres Asc pour faire des prestations un peu partout dans les  différents  quartiers de Saint Louis. En 2003, avec la création du Fesnac, une délégation qui devait faire une tournée en Casamance m’avait sélectionné pour que je représente ma région. Après cela, j’ai eu la chance de rencontrer le réalisateur Saliou Ndiaye qui m’a invité à jouer dans les téléfilms. Il était à Saint-Louis pour sélectionner des comédiens,  et c’est  à cette occasion, avec l’intermédiaire d’un ami Billi Dem, que j’ai été pris avec d’autres artistes comédiens comme Yacine, Djiby Sèye, et Gnagna. C’est avec cette sélection qu’on a créé «Diamanoy Legui», mon premier téléfilm qui passait à la Rdv.

La suite vous a fait émerger auprès du public ?
Le succès de «Diamanoy Legui» nous a conduits au-devant de la scène. Et Saliou Ndiaye a décidé de créer «Ndiol Toth Toth» qui passait à la 2stv et qui était aimé aussi par tous les Sénégalais.  C’est grâce à ce téléfilm que je me suis fait remarquer par le public à travers la 2stv. Apres «Ndiol Toth Toth», a  suivi «Bari Pékhé», puis «Tons» où j’ai été l’acteur principal avec mes deux épouses Coumba Seck et Gnagna Ndiaye. J’ai réussi à séduire les Sénégalais avec mon  propre langage, mes astuces et mes «feem Ndar Ndar».  C’est à ce moment que j’ai commencé à jouer avec les Diop Fall, Kombé et Ada Guiry dans «Keur Gui ak Koor Gui» durant le mois de Ramadan. Puis, j’ai joué avec eux dans «Wadial  Tabaski». Donc c’est ce qui explique ma collaboration avec certains artistes qui ne sont pas des Saint-Louisiens. D’ailleurs, je ne suis membre d’aucune troupe.

 

Pourquoi vous ne voulez pas vous identifier à un groupe ?
Parce que dans les troupes tout n’est pas toujours rose comme le pensent les Sénégalais. Il y existe des fois des problèmes de jalousie qui installe la haine et le mépris entre les artistes.  C’est comme si nous étions en compétition et vu que moi je n’aime pas les disputes ni les tiraillements, j’ai décidé de n’appartenir à aucune troupe, pour ne pas m’attirer des problèmes. Ma troupe c’est mon numéro téléphone et si quelqu’un a besoin moi, il n’a qu’à m’appeler.

Donc c’est ce qui explique votre séparation avec les acteurs de «Ndiol toth toth» ?
Nous n’étions pas une troupe au vrai sens du terme, c’était juste une sélection qui a été faite par Saliou Ndiaye pour jouer dans des séries. C’est ce qui explique notre séparation mais on entretient toujours de bonnes relations. D’ailleurs on a même des  projets ensemble. J’entretiens de bonnes relations avec tous les artistes, je n’ai aucun problème avec qui que ce soit. Ils sont tous des amis. Et même si on essaye de m’attaquer ou de me provoquer j’encaisse calmement.

Qu’est ce qui explique le fait que des artistes comme vous, quittent leurs villes d’origine pour venir s’installer à Dakar ? N’y a-t-il pas des opportunités de réussir dans le milieu là-bas?
Personnellement, je regrette de ne pas être venu à Dakar plus tôt, car il y a beaucoup plus d’opportunités  de réussite. Depuis que j’ai débuté ma  carrière, j’ai fait presque le tour de toutes les chaines de télés et de radios. Mais c’est la première fois que je suis invité par un journal. Si c’était dans les régions, je n’aurais pas cette opportunité. Imaginez une très grande région comme Saint Louis n’a même pas de Centre culturel, ni une salle de répétition pour les artistes. Pourquoi ? Parce que toutes les autorités, qui sont dans le domaine de la culture et même le ministre de la culture, Mbagnick Ndiaye, croient que les artistes ne sont qu’à Dakar. De ce fait, ils oublient même des fois ceux qui sont dans les autres régions, ce qui explique l’émergence des artistes à Dakar.  

Le théâtre saint-louisien a fait les beaux jours de la télé vers les années 98. Qu’est ce qui a changé aujourd’hui ?
Le théâtre ne s’est pas développé à Saint-Louis. Mais c’est une des régions où il y a de grands artistes qui voyagent partout dans le monde grâce à leur talent. Nos artistes remportent des trophées mais cela ne veut pas dire que le milieu de l’art connait un réel épanouissement. Quand on parle de développement du théâtre, on doit être en mesure de justifier cela avec des réalisations palpables. Sauf que Saint Louis n’a pas d’espace culturel. Il n’y a plus de production, donc on ne voit plus les «ndar-ndar» au-devant de la scène.

 

Vous vivez aujourd’hui du théâtre ?
Non, c’est tout à fait le contraire. Le théâtre nous fait gagner beaucoup d’argent, mais c’est la répartition qui pose problème. En effet, l’artiste reçoit des miettes après la répartition, entre la télévision, le producteur, les monteurs, les cadreurs…. A la fin, il ne reste plus rien pour nous. C’est ce qui fait que certains disent que le théâtre ne nourrit pas son homme. Cependant, il y a des artistes qui s’en sortent grâce aux relations qu’ils ont avec des gens important et non grâce à  leur travail. Donc ce n’est pas l’art qui les rend riches, mais les personnes qu’ils connaissent grâce à l’art.  Ce sont nos relations qui nous enrichissent. Au Sénégal,  aucun artiste n’a de salaire.

Avant, le théâtre éduquait, éveillait et conscientisait les gens au-delà de l’humour. Aujourd’hui on parle de déclin ? Pourquoi ?
Personnellement, je me refuse de dire des choses qui ne sont pas utiles, même quand je délire. Ce sont les Sénégalais qui ne distinguent pas l’utile de la médiocrité. C’est-à-dire qu’au Sénégal, les gens suivent ceux qui font le fou. Quand on est sérieux on ne réussit pas. Pire, ce sont les gens qui n’apportent rien de nouveau à  l’édifice de ceux qui réussissent mieux. Les gens se donnent la peine de présenter un produit qui contribue à l’éveil de la conscience collective, à la sensibilisation mais ils n’arrivent même pas à avoir un sponsor. Dans ce cas, on est obligé de rejoindre la masse et de présenter au public ce qu’il veut. C’est le public qui ne veut pas qu’on l’éduque encore moins les sensibiliser sous prétexte qu’ils ne veulent pas être stressés d’avantage. D’ailleurs, ce sont ces  genres de comportement qui ont permis à certains artistes comme Sanex de se frayer un chemin et imposer sa personnalité au-devant de la scène. D’ailleurs, les anciens comédiens ont eu moins de chance que la jeune génération, alors que leur travail était plus rigoureux, instructif et sérieux.  Il faut que les artistes sachent qu’on a pour mission d’éveiller la conscience des populations. Si le théâtre n’éveille pas et n’éduque pas, elle n’est que leurre.

Quels sont vos projets du moment ?
Mon plus grand projet c’est de venir en aide aux enfants de la rue. Avec ce monde cruel où la perte des valeurs et la dégradation des mœurs dictent leur loi, on doit encadrer les enfants et les guider sur le chemin de la réussite. Aujourd’hui, les parents essayent tant bien que mal de prendre leur responsabilité, mais le train-train quotidien les empêche de le faire pleinement. J’aimerais créer des daaras et des jardins pour les enfants afin qu’ils puissent, dès le bas âge, s’orienter vers les études et penser à un avenir meilleur...

Qu’en est-il de vos ambitions artistiques ?
Pour l’art, j’y suis parce que je n’ai pas le choix. Le théâtre ne marche pas au Sénégal et les artistes ne sont pas respectés. Il fut un moment où le président de la République honorait les artistes pour leur professionnalisme et leur talent, mais cela n’existe plus.

Donc pourquoi continuez-vous à faire du théâtre ?
On est aussi professionnel que les anciens. Mais le problème est qu’à leur temps, il était facile pour eux de se distinguer car le milieu de l’art n’était pas aussi saturé. Maintenant le théâtre n’est plus seulement l’affaire des artistes, mais celui de n’importe qui. Certains le font parce qu’ils sont beaux ou grâce aux relations qu’ils ont avec les réalisateurs d’autres sont devenus comédiens pour obtenir un visa ou par simple envie. Ceci, parce que le milieu n’est pas professionnalisé, il est ouvert à tout le monde. Il n’y a pas d’organisations.

Le milieu du théâtre «n’est pas organisé». Mais à qui la faute ?
Il faut que Mbagnick Ndiaye sache qu’il a l’obligation de gérer des intellectuels, des personnes qui éduquent, éveillent et installent la joie dans le quotidien des Sénégalais. Il doit se rapprocher des artistes car c’est dans son intérêt. Pour réussir sa mission il doit s’allier avec les artistes. La culture est la clé du développement et de l’émergence. Mais le problème est que Mbagnick n’est pas là pour les artistes, sauf si ce n’est pour certains. Moi je n’ai jamais rencontré Mbagnick Ndiaye. Je lui ai une fois envoyé une lettre pour solliciter son soutien sur un scénario que j’avais écrit. Vous savez ce qu’il m’a répondu ? Il m’a dit qu’il n’avait pas les moyens d’aider qui que ce soit. Cela veut dire qu’il ne se préoccupe pas des artistes. S’il ne peut pas m’aider, il pouvait au moins m’encourager.

Quel est le message que vous aimeriez lancer à l’endroit de votre public ?
Il faut que les Sénégalais sachent que le travail que nous faisons est très difficile. Donc qu’ils évitent de nous blâmer trop vite, il faut faire preuve de compréhension. On est des êtres humains et ce n’est pas tous les jours qu’on est dans notre assiette.

msfaye@lequotidien.sn


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