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VIES DE CHIEN (29)

Mardi 13 Mars 2012

Mais il n’en laissa rien paraître, comme il sied à un vrai soldat. La cérémonie de prise d’armes et de remise du drapeau tricolore précédant le départ des conscrits eut lieu à l’ancienne place du général Pétain devenue place Faidherbe après la libération, juste en face du palais du gouverneur qui était venu en personne y assister avec d’autres personnalités officielles. La fanfare militaire était également là et jouait des airs martiaux qui rendaient l’ambiance encre plus émouvante et solennelle.

Une foule compacte se tenait à distance du lieu de la prise d’armes, des deux côtés de la place Faidherbe, et observait le défilé militaire dans un silence religieux. De petits détachements de chacun des corps d’armée paradaient les uns à la suite des autres le long de la rue André Lebon, avant de venir s’immobiliser au beau milieu de la place où se tenaient debout les tirailleurs du bataillon d’infanterie qui devait quitter Saint-Louis pour rejoindre Dakar et de là, embarquer à bord du « Leclerc » pour la lointaine péninsule indochinoise.

Poitrine bardée de médailles, képi militaire bien vissé sur la tête, Malick avait très fière allure dans sa tenue d’officier de l’armée de terre française. Il était droit comme un mât de misaine et rien dans son port ne laissait transparaître le terrible drame intérieur qu’il était en train de vivre. C’était un vrai soldat ! En un moment donné, la fanfare se tut et un roulement de tambour prolongé s’éleva dans le silence pesant de cette matinée du mois de Mai 1952. Puis la fanfare reprit en sourdine un poignant lamento dominé par la voix rauque d’un officier qui lança à toute volée un vibrant : « Armes sur l’épaule !...Présentez armes !... »

Un claquement sec de fusils venant frapper simultanément l’épaule des hommes de troupe qui se raidirent, se fit entendre en même temps qu’un sourd bruit de bottes. L’officier qui avait donné l’ordre s’avança alors vers Malick, fit le salut militaire et lui remit un fanion aux couleurs bleu, blanc et rouge, rugissant de nouveau d’une voix tonitruante : « Lieutenant d’infanterie Malick Sy, vous allez une fois de plus défendre l’honneur de la France, à la tête d’un détachement militaire de cent cinquante tirailleurs…Au nom de la république je vous souhaite d’accomplir victorieusement votre patriotique mission… »

Puis il claqua les talons et fit de nouveau le salut militaire à l’endroit de Malick qui le lui rendit d’un geste tout aussi martial. Après quoi l’officier recula de trois pas en arrière comme le voulait le protocole militaire. C’est alors que Malick fit un geste qui surprit et émut tout le monde : s’approchant de Liza, il la prit par la taille et l’embrassa longuement sur la bouche avant de poser ses lèvres sur le front de son fils qui riait avec innocence, heureux de recevoir tant de tendresse de son père. Après cet ultime baiser d’adieu à sa femme et à leur enfant, le lieutenant Malick Sy monta à bord de la jeep qui se mit à la tête du convoi composé de trois camions où avaient déjà pris place les tirailleurs mobilisés. Le cortège s’ébranla alors sous les vivats et les applaudissements de la foule soutenus par le roulement des tambours de la fa

nfare militaire. Debout à l’avant de la jeep, la main droite en visière sur le front, le torse bombé, Malick fit le salut militaire, d’abord à son épouse, puis aux officiels, aux officiers, sous-officiers et hommes de troupe des différents corps d’armes venus rendre le honneurs à ceux qui partaient au front pour défendre la patrie. Au prix d’efforts surhumains, Liza parvint à retenir les sanglots qui se formaient dans sa poitrine oppressée…