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17 DÉCEMBRE 1962 - MAMADOU DIA ACCUSÉ DE «COUP D’ÉTAT» : Volonté de défense des institutions ou logique de conservation du pouvoir?

Samedi 15 Décembre 2018

Une crise institutionnelle inédite que les trois protagonistes, Léopold Sedar Senghor (1er Président de la République du Sénégal), Me Lamine Guèye (1er Président de l’Assemblé nationale) et le principal mis en cause, Mamadou Dia (Président du Conseil), auront marqué d’une tâche indélébile, à travers les rôles qu’ils ont respectivement eu à incarner, dans cette douloureuse et délicate parenthèse de l’évolution de la démocratie sénégalaise, riche en enseignements pour la Postérité, et qui n’en aura pas moins failli faire basculer le «Pays de la Téranga» vers des lendemains incertains !


17 DÉCEMBRE 1962 - MAMADOU DIA ACCUSÉ DE «COUP D’ÉTAT» : Volonté de défense des institutions ou logique de conservation du pouvoir?
Suite à l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, le 04 avril 1960, Mamadou Dia, tout nouveau président du Conseil (Premier ministre) était une des personnifications au sommet de l’État d’un singulier système politique bicéphale. Il avait en charge la sécurité intérieure et la politique économique, pendant que la politique extérieure était dévolue au Président de la République, Léopold Sedar Senghor.

Mamadou Dia, qui militait pour une rupture radicale d’avec l’ancienne puissance coloniale, concocta un désengagement progressif du Sénégal du modèle de production agricole, imposé par la Métropole, et qui fondait toute l'économie du pays sur une seule culture de rente (essentiellement destinée à l'exportation, en raison de la masse de devises qu'elle génère) : la culture arachidiére. Ce qui desservait les intérêts de l’ancien colonisateur. Et indisposait également une certaine élite politico-maraboutique.


Mamadou Dia prôna, dans un discours historique radical, tenu le 8 décembre 1962 à Dakar, axé sur «Les diverses voies africaines du socialisme», le «rejet révolutionnaire des anciennes structures» et une «mutation totale, aux fins de substituer à la société coloniale et à l’économie de traite une société libre et une économie de développement». Cette déclaration motiva des députés à déposer une Motion de censure contre le gouvernement, qu’il dirigeait. Jugeant cette motion irrecevable, Mamadou Dia tenta d’en empêcher son examen par l’Assemblée nationale, préférant que cette tâche fût dévolue au Conseil national de son Parti (Ups).

Il fit évacuer manu militari le Parlement, le 17 décembre 1962, et en fit bloquer l’accès par la Gendarmerie. Mais l’Assemblée nationale fut rapidement dégagée par l'Armée, restée fidèle au président Senghor, pendant que le président de l'Assemblée, Me Lamine Guèye, était «protégé» par une foule de manifestants, venue en bouclier envahir l’Hémicycle. La tentative du Président du Conseil, Mamadou Dia, de démettre le Parlement de ses prérogatives ayant échoué - en dépit de son coup de force, alors qualifié de «tentative de coup d'État» -, la motion de censure fut votée dans l'après-midi au domicile du président de l’Assemblée, Maître Lamine Guèye.


Arrêté le lendemain, avec quatre de ses compagnons (Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye et Alioune Tall), par un détachement de paras-commandos, le Président du Conseil, Mamadou Dia, fut traduit devant la Haute Cour de justice. Lors de son procès, qui s’est tenu du 9 au 13 mai 1963, il compta parmi ses avocats Me Robert Badinter (ancien Ministre de la Justice du Gouvernement de François Mitterrand), et un certain… Me Abdoulaye Wade. Mamadou Dia fut lourdement condamné, à la perpétuité. Peine qu’il devra purger dans une enceinte fortifiée à Kédougou, après une courte transition à la Prison de l’Ile de Gorée.


Durant son incarcération, des personnalités occidentales de premier plan et de célèbres intellectuels, dont Jean-Paul Sartre, François Mauriac, René Cassin (Prix Nobel de la Paix), Aimée Césaire et le Pape Jean XXIII, ont demandé sa libération. Mais Senghor resta de marbre. Ce n’est que 12 années plus tard, le 26 Mars 1974, qu’il consentit à le gracier, avant de l’amnistier, en avril 1976, à la faveur d’une réforme constitutionnelle, qui institua le multipartisme au Sénégal – alors limité à quatre courants de pensée (Socialiste, Libéral, Marxiste, Conservateur).


«Celui qui, en tant que Président du Conseil, détenait presque tous pouvoirs entre ses mains, avait-il véritablement besoin d'un coup d’État», s’interrogera plus tard le Général Jean Alfred Diallo (chef d’État-major des Armées au moment des événements du 17 décembre 1962): «Mamadou Dia n'a jamais fait de coup d’État contre Senghor. C'est de l’affabulation»!


Il n'empêche que le (1er) Premier ministre du Sénégal, Mamadou Dia, fait toujours l'objet d'un ostracisme qui ne dit pas son nom. Aucun édifice public (avenue, stade, école...) ne porte son nom. Son œuvre est quasiment occulté par certains historiens, au point qu'il est presque un inconnu pour la génération montante. 


Il est grand temps de réhabiliter la mémoire et l’œuvre de ce grand patriote, qui s'est battu sans relâche pour notre véritable indépendance économique; pour la liberté des peuples d'Afrique de décider par eux-mêmes et pour eux-mêmes des modèles de développement qu'ils estiment les mieux adaptés à nos réalités socio-culturelles!

Mame Mactar Guéye
mamemactar@yahoo.fr


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1.Posté par Sakhéwar le 15/12/2018 02:17 | Alerter
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Voici un article utile, en ce sens qu'il se préoccupe de rechercher la vérité historique, tout en relatant les faits réels de décembre 1962.
Les deux protagonistes de ces événements sont décédés.
Un débat objectif et serein peut prendre place.
Les avis formulés, bien plus tard, par Jean Alfred Diallo, Chef d'État-Major de l'Armée au moment des faits et Ousmane Camara, Procureur Général à la Haute Cour de Justice chargée de juger Mamadou Dia, ont contribué à l'apaisement et à une réflexion objective.
Y a-t-il eu coup d'état ? Dans la forme, oui; dans le fond, non, car Mamadou Dia n'avait pas l'intention de renverser Senghor, puisqu'il détenait les principaux leviers de commande.
Senghor, en fin politicien, a exploité la faille, et la forme a fait condamner Mamadou Dia.
Abdoulaye Wade, président, a eu une velléité de faire réviser le procès de Mamadou Dia.
Il y a finalement renoncé pour deux raisons :
- sa formation de juriste lui commandait le respect de la chose jugée,
- Mamadou Dia lui-même n'a pas demandé la révision du procès, préférant s'exprimer dans un livre.
Mais les historiens et les citoyens sont libres de s'interroger sur l'événement.
Pourvu que la recherche de la vérité l'emporte sur les élans de la subjectivité.

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