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Dièle-Mbam : Quand l’ostréiculture fait vivre tout un village( Reportage).

Samedi 4 Janvier 2014

L’ombre vespérale commence à se répandre sur Dièle-Mbam. Dans cette localité de la communauté rurale de Ndiébéne-Gandiole située à une vingtaine de kilomètres de la capitale du Nord, c’est le moment opportun pour la jeune dame N.P. Boye de dresser le bilan des activités commerciales dune journée de dur labeur. A 18 heures, elle enregistre déjà une marge brute de commercialisation de 50.000 F après avoir vendu à Saint-Louis une quantité importante d’huîtres récoltées dans la mangrove située à quelques encablures de son village. Elle est obligée de faire ses comptes dès le crépuscule parce que tout simplement, cette partie du Gandiolais n’est pas encore connectée au réseau électrique. Un village difficilement accessible par une piste quasi impraticable, escarpée, sinueuse, ellipsoïdale…
Reportage de Mbagnick Kharachi Diagne


Les retombées économiques et sociales de l’achat et de la revente des huîtres collectées dans la mangrove de Dièle-Mbam, sont difficilement quantifiables. Ce village de près de 2000 habitants abrite plus de 80% des populations qui, du fait de l’érosion côtière et maritime, ont déserté depuis deux ans l’île de Doune Baba Dièye. Ces familles sinistrées se sont retrouvées à Dièle-Mbam avec leur ancien chef de village, Ameth Sène Diagne, qui collabore étroitement avec l’actuel chef de villade de Dièle-mbam, Ousseynou Diop. Et grâce au projet Fem/Compact de lutte contre l’érosion côtière et maritime à Doune Baba Dièye, Ameth Sène Diagne et une centaine de membres du Gie « Bokk Jom » de cette île abandonnée, ont pu mener des opérations de reboisement sur 40 ha, qui ont permis le retour dans cette mangrove des huîtres, des carpes et des crevettes.

Des actions de grande envergure de la conservation de la biodiversité qui ont favorisé la réapparition des huîtres que les populations de ce terroir arrivent actuellement à revendre sur place où à Saint-Louis à 2000 F au moment où il faut nécessairement débourser au Saloum 6000F, à Dakar, 7000 à 9000 F, pour avoir la même quantité d’huîtres. L’ostréiculture leur permet ainsi de réaliser de bons chiffres d’affaires et de subvenir aux besoins de leurs progénitures.

L’espoir renaît dans cet endroit idyllique et paradisiaque où il n’y a presque plus de chômeurs. Le seul problème est le manque criard d’électricité et la grande difficulté à laquelle les visiteurs sont quotidiennement confrontés pour accéder à ce village.
A 17 heures, à bord d’une vieille guimbarde poussive et brinquebalante, remplie à ras-bord de marchandises de toutes sortes et de cageots de sardinelles (Yaaboye en ouolof) restants et congelés, nous avons déjà fini de passer en revue les villages de Bountou Ndour, Keur Barka et Mbambara. Nous allons assister à une réunion d’évaluation du projet Fem/Compact mis en œuvre (pour une durée de deux ans) dans cette zone depuis septembre 2012.

La nature verdoyante et luxuriante de Dièle-Mbam est en harmonie avec un tapis herbacé qui sec déroule à nous couper le souffle. Dans cet écrin de verdure, les images insolites se déplacent à tout bout de champ, les autotrophes et autres espèces végétales et les hétérotrophes (les hommes et les animaux) s’épanouissent. Ici, les villageois sont très accueillants et présentent une mine joviale mais, ravinée par la fatigue et burinée par les intempéries.

De temps à autre, malgré le froid qui enveloppe actuellement le département e Saint-Louis, il règne une chaleur de cheminée dans cette partie du Gandiolais. Les lustres de c e village perdu dans l’anonymat sont écrasants comme des couronnes d’épines. Nous avons même l’impressuion de nous mirer à la dérobée dans le regard ce terroir atypique où le modernisme côtoie l’archaïsme de façon très enrichissante. Nous sommes émerveillés par cette beauté à la fois citadine et paysanne. Des maisons en banco, de vieilles baraques, des cases de fortune faites de paille, de branches d’arbres, de typha australis (herbes sauvages appelées barakh en ouolof) font face au ciment jeté et à quelques constructions futuristes qui n’ont rien à envier à l’architecture des grandes villes.

Il fait presque 18 heures. Mais cette belle localité de Dièle-Mbam est toujours fière de nous accueillir en déroulant sa belle carte sur une vaste étendue de plaines et de prairies. Tout est harmonie et synthétique dans cet hymne de couleurs, cette beauté rare et poignante, cette splendeur exceptionnelle.

C’est le moment de suivre attentivement les explications de la jeune dame N.P. Boye, qui précise que même les hommes arrivent à gagner 2500 à 5000 f par jour s’ils parviennent à remplir 10 ou 20 sacs d’huîtres (à raison de 500F le sac). Séance tenante, ces braves femmes de Dièle-Mbam leur remettent ces espèces sonnantes et trébuchantes en les invitant à aller chercher du bois mort pour la transformation du yaaboye en kéthiakh (poisson fumé) et la valorisation des huîtres. Les plus amortis préfèrent regagner leurs grandes concessions pour se reposer. Parce qu’ils sont un peu âgés et qu’ils peuvent céder la place aux plus jeunes, chargés de convoyer la marchandise vers Saint-Louis.
Sa voisine renchérit : « Avec l’ostréiculture, nous entretenons nos familles et nous arrivons à rassembler l’argent qui nous permet d’aller acheter une grande quantité de sardinelles à Diamalaye (quai de débarquement du poisson de Guet-Ndar) que nous revendons avant le crépuscule au grand marché du faubourg de Sor ».


La plus dégourdie et agressive, ajoute, sans protocole : « S’il y a de la matière, les huîtres et la sardinelle nous permettent de gagner tous les jours entre 50 et 60.000 F et de faire travailler les vieux pêcheurs qui ne peuvent plus aller en mer et les jeunes qui ne veulent pas rester oisifs ».
Selon Ameth Sène Diagne, ces femmes ont pu démarrer leurs activités génératrices de revenues à partir d’un fonds de 2 millions Cfa (qui est utilisé sur la base du système de crédit-revolving) mis en place par le micro projet/Fem/Compact qui est d’un coût global de 18 millions Cfa. Un programme qui a permis de mobiliser une pelle mécanique en vue de rendre un peu praticable la seule piste d’accès au village. Une piste cahoteuse qu’il faut nécessairement réhabiliter pour permettre aux braves populations de Dièle-Mbam et de Mbambara de mener en toute quiétude leurs activités économiques.

L’autre problème, a-t-il poursuivi, c’est la principale difficulté à, connecter ce village au réseau électrique. Toutes les démarches effectuées dans ce sens, sont vaines. Ameth Sène diagne est obligé d’acheter toutes les semaines 3000 f de gas-oil pour faire fonctionner son groupe électrogène.

Et même avec ce sacrifice, il ne peut pas regarder le petit écran pendant deux jours. Une dizaine d’autres familles nanties font fonctionner leur groupe une fois par an, à l’occasion du grand gamou que ce village organise au mois de juin.

Le défi de la conservation de la biodiversité

Le but du projet Fem/Compact, a rappelé Ameth Sène Diagne au cours de cette réunion d’évaluation, est de contribuer à la protection côtière de cette ile qui, à travers l'avancée de la mer, a subi une forte dégradation de son environnement avec la perte d'espace d'habitat et de zones d'agriculture. La réalisation d'activités de protection de la berge marine et de régénération du couvert végétal ainsi que la mise en oeuvre d'activités génératrices de revenus pour les femmes, vont contribuer à réduire les problèmes environnementaux de ce village. Déjà, 600 pieds de filao ont été plantés dans cette zone où des milliers de propagules ont été repiquées.

Avec la remonté de la salinité, qui a causé l'abandon des 144 jardins maraîchers, une forte réduction du tapis herbacé causant ainsi une dissémination du bétail, la modification de la direction des vents sur l'île, les populations de Doune Baba Dièye ne savaient plus où donner de la tête.

Ces effets dus pour l'essentiel à l'action anthropique, a-t-il poursuivi, ont été aggravés en 2010 par la montée des eaux de mer de 300 m, occasionnant ainsi une érosion côtière sans précédent, marquée par une perte des habitations (27 maisons occupées par 71 ménages, soit 274 habitants), une perte de filaos, qui constituaient une barrière de protection du village et de la zone côtière, l'exode des habitants avec des pertes de biens, de bétails etc, l'aggravation de la remonté de la salinisation, la perte d'espaces, l'absence d'eau douce depuis deux ans.
La mangrove, située sur sa partie sud-est au niveau de l'affluent du fleuve Sénégal, à en croire M. Diagne, a longtemps souffert de l'action anthropique avec une exploitation abusive du coquillage et les nouvelles installations des populations de cette île relogées progressivement à Dièle Mbam.

De l'avis d’Ameth Sène Diagne, la conservation et la régénération de cette bande de mangrove unique au sud de Saint-Louis, permettront de développer davantage l'ostréiculture, de protéger les tortues vertes, marines, migratrices et leurs œufs et autres ressources fauniques en voie de disparition. L’approche participative visant à intégrer les populations locales dans la gestion de leur environnement, permet une plus grande protection de ce milieu.

Avec le reboisement des plantes rampantes effectué au niveau de l’îlot de reproduction des oiseaux migrateurs, les pélicans blancs et gris, les sternes, les aigrettes, etc, ont recommencé à fréquenter cet endroit. Les piroguiers qui guident les touristes, préfèrent actuellement se limiter au niveau de cet îlot de reproduction des oiseaux de Doune Baba Dièye.
Le reboisement des filaos joue aussi un rôle très important dans la zone de Mbokhoss. Cette plantation a permis de réduire petit à petit les effets de l’érosion éolienne dans cette zone.



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1.Posté par Magatte Faye le 04/01/2014 16:47
Voilà un très beau reportage très enrichissant. Merci Mbagnick

2.Posté par fay le 02/07/2019 13:40 (depuis mobile)
Super récit, valorise la vie de cette localité

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