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Disparition du train voyageurs: ces cités devenues fantômes.

Jeudi 6 Mars 2014

La disparition du train a anéanti toute la vie économique et sociale qui s'organisait le long du chemin de fer. Des cités jadis prospères et vivantes ont sombré progressivement dans l'enclavement, la pauvreté et l'anonymat. Pendant ce temps, le domaine ferroviaire des centres urbains fait l'objet d'aliénation et enrichit certains au moment où les trains restent à quai. La laborieuse privatisation de la société des chemins de fer tarde à apporter ses fruits alors que les populations guettent le retour du train pour faire concurrence à la route.

L’axe Dakar - Saint-Louis, la première ligne de chemin de fer de l'Afrique de l'Ouest, fut inauguré en juillet 1885. Cette réflexion d’un citoyen de la vieille ville selon laquelle, « avec la disparition du train de la ville de Saint-Louis, c’est un pan de l’histoire du Sénégal qui s’éclipse », résume le sentiment le plus partagé dans la cité de Mame Coumba Bang. Depuis plusieurs années, les locomotives ne vrombissent plus à la gare ferroviaire de la cité tricentenaire. Symbole de l’histoire du train au Sénégal, l’édifice est aujourd’hui un immense bazar. Construite en face du Pont Faidherbe, autre monument centenaire, elle est défigurée par la « cantinisation » à outrance qui enrichit la société concessionnaire, les collectivités locales et quelques intérêts privés (voir par ailleurs). Ces derniers bénéficiaires de baux du domaine ferroviaire, construisent et louent magasins et autres patrimoines immobiliers à des tiers. Les bureaux du chef de gare, la billetterie et le hall n’y échappent pas. A Louga, Diourbel et Thiès, le boulot de la société concessionnaire ne varie pas beaucoup.

Entre nostalgie et regrets Il faut dire que le décor est planté dès l’entrée de la cité. Tout au long du chemin de fer, des édifices sortent de terre. Le plus souvent, en l’absence de tout titre légal de construction, voire même de propriété. C’est le cas dans les quartiers de Guinaw-Rail et Médina-Courses où les maisons ont fini d’engloutir la voie ferrée. Mais au fur et à mesure que l’on s’approche du centre-ville, c’est le domaine foncier de l’ex-Régie des chemins de fer du Sénégal qui voit émerger des constructions neuves : habitations, commerces, écoles de formation, etc. Mêmes les immenses entrepôts sont exploités par des particuliers. Ce sont des documents délivrés par la SNCS qui leur donnent droit de cité. Ici, personne ne pense au retour du train. «Faudra détruire des quartiers», s’exclame Pape Moussa qui tient un magasin de vente de matériels informatiques.

Un pessimisme qui tranche d’avec les propos de ces retraités qui ont l’habitude de se retrouver les après-midis dans leur «grand-place» de la rue de Paris. «Le train était le lien ombilical entre le centre et le Centre-ouest du Sénégal », résume M. Daouda Diop, directeur d’école à la retraite. « Avec le passage du train, des villes et villages connaissaient un essor économique avec les haltes et gares. C’était le marché tous les jours. Un grand apport pour les paysans qui parvenaient à écouler leurs produits », réplique son collègue et ami El Hadji Moctar Seck. A chaque gare on pouvait remplir son panier avec des produits exotiques des terroirs traversés. Ces fonctionnaires retraités se remémorent leurs voyages en train, nantis de réquisitions gouvernementales. Ils parvenaient à rejoindre leurs postes au Fouta, y compris par l’axe Saint-Louis – Louga – Linguère.

Chez ces Saint-Louisiens qui ont vécu cet âge d’or, la viabilité économique du chemin de fer n’est pas discutable : « des milliers d’emplois de mécaniciens, chefs de train, manouvres, ouvriers, marchands étaient créés. Le fret de marchandises était développé. Des conteneurs débarqués dans les grands entrepôts, étaient par la suite acheminés sur la Mauritanie par des camions. A chaque fois que le train ‘’Express’’ débarquait, il y avait un monde fou à la gare. » On se souvient du « Saxarou Peul », un train qui venait de Linguère et approvisionnait la capitale du nord en produits laitiers pour repartir au Djoloff avec du poisson.
Une meilleure manière de connaître le pays

L’autre argument qui milite en faveur du train, c’est la sureté du moyen du transport, avec moins d’accidents, contrairement à la boucherie qu’on observe sur les routes. D’autre part, des facteurs historiques sont avancés pour le maintien du symbole. Certes, la légende dit que Lat-Dior, damel du Cayor avait juré que son cheval Malaw ne verrait jamais les rails. Au-delà de cette opposition au projet colonial, c’est aussi un acte symbolique de courage d’un résistant devenu héros national. S’y ajoute que la plupart de nos grands chefs religieux ont voyagé par le chemin de fer pour joindre Saint-Louis. "Il en est ainsi de Cheikh Ahmadou Bamba, El hadji Malick Sy, Cheikhna Cheikh Sadbou », argumente Ie vieux Iba Kane.

« Voyager en train, c’était aussi une meilleure manière de connaître le pays et ses paysages pittoresques », souligne l’enseignant qui affirme que c’était dans l’air du temps d’énumérer les noms mythiques des gares : Rao, Mpal, Sakal, Gouyar, Louga, Kelle, Mékhé, Tivaouane, Pout, Rufisque...

Si on en croit nos interlocuteurs, la mort du train n’est pas attribuée à un défaut de rentabilité, mais plutôt par les retards intempestifs, la vétusté progressive du matériel, la fraude et les passe-droits. Malgré tout, il faut, à tout prix, faire revenir le train, car, on ne peut citer un seul exemple de pays développé, sans le chemin de fer. Le cas du Sénégal est d’autant plus prégnant que le transport fluvial qui se développait parallèlement tout long de la vallée du fleuve avec des navires comme le Bou El Mogdad et le Boufflers, est aussi passé à trépas. C’est en cela qu’ils trouvent pertinent le rêve du président Abdoulaye Wade de doter le Sénégal de TGV et autres trains à grands écartements.
Voyageurs attendent train

Les deux horloges obsolètes comme les heures qu’elles affichent, sont suspendues au préau de la gare. Signe que le temps des trains n’est plus la préoccupation du moment. Dans le bureau principal de l’édifice, le personnel d’administration se réduit à un seul individu : le chef de gare. Interrogé sur les activités de sa plateforme, ce dernier nous renvoie à la direction de la Communication de Transrail à Thiès, ‘’la capitale du rail’’.

Depuis 2007, les Etats sénégalais et malien ont confié la gestion de cette société concessionnaire du chemin de fer à la firme belge Vecturis SA. Cette derrière a été choisie suite à l’échec du premier repreneur qui avait hérité de la société au terme de la privatisation de 2003. Ici, pas besoin de beaucoup de bras pour faire le travail qui se réduit au fret, à l’affranchissement et à la livraison postale, pourrait-on dire. Plus de trains de voyageurs depuis quelques années. Sur les voies, des ouvriers s’affairent autour d’une tête de rame. Ils parviennent péniblement à la faire changer de voie à la force de leurs bras.

En face, des personnes réfugiées à l’ombre d’un arbre, semblent peu intéressées par la scène. Amené à donner son point de vue sur l’arrêt des trains voyageurs, le vieux Iba Faye, 70 ans, témoigne: « Diourbel était une cité rendue prospère par l’essor du maraîchage grâce aux dépressions du bras du fleuve Sine. Le chemin de fer permettait d’acheminer et de vendre les produits vers d’autres cités et on ramenait du lait. » Il souligne que tout cela a disparu avec les effets de la sécheresse sans compter que la ville a vu la SEIB, son fleuron industrielle, péricliter.

L’absence des trains n’a fait ‘’qu’achever’’ Diourbel devenue ‘’une ville très pauvre’’. Comme la capitale régionale, les commerçants, artisans, paysans de Bambey, Ndoulo, Ngabou, Sata-Mala, Darou-Khafour et Mbacké, sont aussi très éprouvés par l’absence des trains qui a tué la micro-économie qui s’organisait autour de ces gares. A ses côtés, son ami Mame Thierno nous interpelle en désignant un édifice. C’est un abri surmonté d’une dalle en béton et ciment, long d’une quinzaine de mètres au bord des rails. « C’est le colon qui l’avait construit en l’honneur de Serigne Mouhamadou Moustapha, le 1er Khalif de Khadimou Rassoul, lorsque ce dernier, supervisait, sous le chaud soleil, les travaux de construction du chemin de fer Diourbel -Touba. Ce sont les mourides qui ont construit de leur sueur cet axe long de 45 km.» Pour ce disciple, rien que pour cela, le train doit revenir pour transporter les fidèles à Touba.

Les rails de la sueur

Il faut rappeler que ce sont les travaux de construction de la grande mosquée de Touba, entamés en 1931 sous la supervision de Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké qui ont été à l’origine de ce projet de chemin de fer. En effet, la lourdeur des matériaux et l’absence d’une route bitumée l’amenèrent à entreprendre la construction d’une ligne de chemin de fer. C’est dans ces circonstances que fut installée, en un temps record, la voie ferrée qui sera conduite jusqu’à Mbacké avant d’être prolongée plus tard jusqu’à Touba sous le khalifat de Serigne Fallou Mbacké. Les travailleurs, des disciples le plus souvent, donnaient leur labeur comme Adi ‘Ya (don) au nom de Serigne Bamba.
Un axe lourdement chargé

La région de Louga était l’une des mieux servies en matière d’infrastructures ferroviaires. Elle avait même le privilège d’être traversée par deux axes à savoir, Louga-Dahra-Linguère et Louga-Saint-Louis qui desservaient également Kébémer. Un immense apport sur le plan économique à l’époque, dans une région essentiellement agricole et pastorale. La région a commencé à perdre progressivement ce capital. C’est d’abord l’axe Louga-Linguère qui a été supprimé entre 1978 et 1980, avant que les trains n’arrêtent de circuler dans le tronçon Dakar-Saint-Louis. En dehors de Louga, les villages de Sakal et Gouyar Sarr ont le plus souffert de l’absence du train.

Les deux bourgades partagent la malchance de se situer en retrait de la route nationale numéro 1. Ce qui les isole davantage. Sakal, chef-lieu d’arrondissement du même nom qui connaissait un essor dans les années soixante et soixante-dix est frappé d’un certain isolement qui a impacté sur son développement. Itou pour le village de Gouyar à l’oubli depuis lors. Côté décor, la gare de Louga ne connaît pas le même charivari que celui de Saint-Louis. Le bâtiment est cependant délabré et les alentours du périmètre de la gare sont enlaidis par l’édification d’une multitude de cantines. Cependant une mosquée érigée à côté du ‘’kadd’’ (acacia albida) où, Serigne Touba a prié lors de l’escale marquée à Louga, avant de prendre le train pour déférer à la convocation du gouverneur général. C’était sur la route de sa déportation au Gabon.
Fruit d'un passif

Le train ne circule plus. Mais il fait toujours vivre. L'immense domaine foncier de l'ex-Régie des chemins de fer du Sénégal (SNCS) rapporte beaucoup d'argent aux repreneurs. A Saint-Louis, Louga, Thiès et Diourbel dans une moindre mesure, les baux distribués à des personnes physiques et morales rapportent mensuellement des sommes consistantes à Transrail. A chaque fin de mois, la société, se mue en agence immobilière et envoie un pool d'agents chargés de recouvrer les loyers. Pour cela, un bureau de fortune est aménagé dans les anciennes gares pour servir quelques jours pour ne rouvrir que le mois suivant. Où va cet argent ? Transrail et ses associés sont-ils légitimement en droit d'encaisser cette « dime » fruit d'un passif d'une société nationale ? Qu'adviendra-t-il de toutes ces constructions qui obstruent la voie ferrée, en cas de reprise du trafic ferroviaire ? Autant d'interpellations qui méritent que l'on s'y penche.

Sudonline


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1.Posté par Balla le 04/02/2021 01:52 (depuis mobile)
A quand un président éveillé pour mon cher senegal???

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