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Faut-il brûler l’Assemblée nationale ? Par Ousmane Abdoulaye BARRO

Mercredi 25 Novembre 2015

« L’idée des représentants est moderne : elle nous vient du gouvernement féodal, de cet inique et absurde gouvernement dans lequel l’espèce humaine est dégradée, et où le nom d’homme est en déshonneur. Dans les anciennes républiques, et même dans les monarchies, jamais le peuple n’eut de représentants. On ne connaissait pas ce mot là. »
Jean Jacques Rousseau


Les Grecs avaient une conception de la citoyenneté fortement liée à l’exercice du pouvoir. Celle-ci se caractérisait, soit par la participation à la prise de décision, soit par la délibération. La vie publique doit être ouverte au point que le citoyen d’aujourd’hui puisse se retrouver magistrat demain. Cette dimension positive de la citoyenneté assure la dignité de tous en ce sens que « la vertu du bon citoyen consiste, écrit Aristote, dans la capacité de bien gouverner et de bien obéir ». Les Grecs étaient ainsi sauvés des effets de dépossession de leur souveraineté.

Ils avaient imaginé un moyen de se prémunir contre la prise en otage de la démocratie par ses élites, par la circulation des citoyens entre l’instance de décision et le lieu de l’obéissance. Que ces méthodes n’aient pas atteint la perfection ou qu’elles aient entrainé d’autres problèmes, c’est une réalité que des auteurs ont suffisamment documentée. Il n’en demeure pas moins que ces aménagements politiques suscitent un intérêt certain face à la « crise » du système représentatif.


La démocratie représentative est un oxymore, une contradiction dans les termes. Il faut plutôt parler de système représentatif. Ce dernier résultant d’un mélange éminemment complexe. « La représentation, confirme Bernard Manin, est aussi un gouvernement par des élites qui ne sont pas strictement tenus de réaliser les vœux de leurs mandants. Ainsi, le gouvernement représentatif combine des éléments démocratiques et des éléments non-démocratiques. C’est pourquoi je le caractérise comme une forme de gouvernement « mixte », en m’inspirant de l’idée de constitution mixte des Anciens, qui remonte à Aristote et à Polybe. »

C’est justement cette complexité qui échappe à ceux qui tentent sans succès de réduire le problème de l’Assemblée nationale à une crise interne du PDS. Bien que l’approche juridique soit tout aussi limitée, il convient tout de même de rappeler que, selon l’article 4 de notre Constitution, les partis politiques et les coalitions de partis concourent à l’expression du suffrage. C’est pourquoi, il faut se battre pour que le Parlement reflète les désirs des partis à défaut de traduire la volonté populaire. C’est le moins qu’on puisse exiger de cette institution. Mieux, la charte fondamentale consacre le statut de l’opposition (Titre V- De l’opposition, Article 58) avant même de parler de l’Assemblée nationale en son titre VI. On pourrait ainsi dire que toute société dans laquelle l’opposition n’est pas libre n’est point une démocratie.
Si l’on s’accorde sur le fait que l’écart entre les citoyens et les représentants est lié à la nature du système représentatif lui-même, il serait difficile de présenter le problème de l’Assemblée comme une crise de la représentation.


Pour Bernard Manin, le gouvernement représentatif reste ce qu’il a toujours été : un gouvernement d’élites distinctes de la masse de la population par leur statut social, leur mode de vie et leur culture. A vrai dire, la représentation nationale n’a pas été conçue pour réaliser la démocratie mais plutôt pour la contenir. Par conséquent, il est futile, souligne Nadia Urbinati, de parler de « crise de la représentation » encore que « la démocratie représentative n’est certainement pas moins démocratique que la démocratie directe ». Le gouvernement représentatif a en effet l’avantage de créer un lien collectif entre les individus et les institutions contrairement dans la démocratie directe où chacun est là pour lui-même. Par ailleurs, le système représentatif, pour reprendre Paine, permet d’éviter « la confrontation directe des citoyen individuels » par la médiation, à travers l’institution parlementaire. Il convient pour compléter le tableau de reconnaitre les difficultés qu’entraine un tel système dont le fonctionnement n’assure pas la prise en compte des demandes formulées.

La possibilité de se faire entendre exige des ressources substantielles et la chance de voir ses besoins inscrits dans l’agenda des politiques publiques n’est jamais garantie. Les représentants choisissent, sans contrainte immédiate, les questions qu’ils souhaitent traiter et rejettent les autres. Et Manin de constater que les diagnostics de crise s’expliquent par deux facteurs : d’une part, la propension répandue à idéaliser le passé, et d’autre part, le fait que l’annonce d’une crise dans une activité quelconque est plus susceptible d’attirer l’attention des éditeurs et des lecteurs, même académiques, que l’analyse du cours de cette activité.


La baisse de la participation et le discrédit relatif du personnel politique, présentés comme les indicateurs de cette crise, n’impliquent pas forcément la fin du système. Les institutions représentatives doivent en effet leur succès à une complexité qui rend possible leur « adaptabilité ». L’analyse se doit pour cette raison éviter de suivre la tendance à la stigmatisation. La faute du système représentatif serait de ne plus correspondre aux nouveaux besoins des citoyens. Le comportement politique de ces derniers traduit une insatisfaction que la société civile peine tout autant à combler.


Ousmane Abdoulaye BARRO
Ligue sénégalaise des patriotes (LSP)
Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF)
ousmaneabdoulayebarro@yahoo.fr


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