Elle était complètement abasourdie et regardait Fadel avec de grands yeux de biche affolée. Elle voulut protester, mais le jeune homme posa avec douceur l’index de sa main droite sur ses lèvres, l’empêchant gentiment de parler… « Coumba, ouvre toutes grandes tes oreilles et écoute bien ce que je vais te dire… » continua calmement Fadel ; un petit sourire malicieux s’était dessiné sur son beau visage d’ébène aux trait réguliers.
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L’incroyable nouvelle s’était répandue comme une traînée de poudre dans tout Pikine : Coumba Sira, la fille du vieux Mody Sakhanokho avait accepté d’épouser Ndiaga Niaaw, l’horrible nain boiteux dont la seule donnait à quiconque l’envie de prendre ses jambes à son cou !...Comment était-ce possible ?!...Comment une pareille beauté, une si resplendissante étoile avait-elle pu consentir être la femme d’une créature si laide, si difforme ? Et comment son père avait-il osé donner son accord à une union aussi contre-nature?
La réponse était pourtant simple et tenait en un seul mot et six lettres : A-R-G-E-N-T !...
Eh oui ! L’argent ! Là était la clef de l’énigme ! L’argent est le sésame qui ouvre toutes les portes, même celles que l’on croit scellées pour de bon ; il est le stratège qui s’empare de toutes les forteresses, y compris celles que l’on croit imprenables. L’exemple de Coumba Sira et de Ndiaga Niaaw en était la preuve vivante et visible aux yeux de tous. Les commentaires les plus fous, les plus hallucinantes supputations allaient bon train et circulaient à travers tout le quartier. Les sentiments les plus divers s’exprimaient aussi dans les propos tenus par les habitants du quartier qui donnaient libre cours à leurs pensées secrètes malgré leur peur du Ndiaga Niaaw. « Mody Sakhanokho a vendu sa fille au nain ! Quelle honte ! » disaient les uns.
« Eh ! Mais c’est qu’il n’avait guère plus le choix, ce vieux Bambara ! Endetté jusqu’au cou il n’arrivait même plus à nourrir sa famille ; n’eût été ce mariage, pour lui providentiel, sa maison aurait à coup sûr été vendue aux enchères par ses innombrables créanciers ! » rétorquaient les autres.
« Et puis après tout, la fille n’a pas craché dans la soupe, elle est consentante et accepte sans façons tout ce que lui offre Ndiaga Niaaw » commentaient de leur côté les femmes qui, sans forcément envier le sort de Coumba Sira, ne pouvaient s’empêcher d’être jalouses des somptueux cadeaux qu’elle recevait régulièrement de la part du nain richissime.
« Vous rendez vous compte ?! Mademoiselle se promène maintenant chamarrée d’or et habillée des plus « thioup » et boubous basins que l’on ait jamais vu dans ce quartier !
Une vraie princesse ! Il paraît que le nain lui a même offert une voiture toute neuve, genre Mercédès ou quelque chose comme ça ; et ce n’est rien, dit-on, à côté de la dot qu’il lui a promise ; sans compter que toute la famille va en bénéficier et sortir de la misère où elle se trouve en ce moment ! ! Cela vaut quand même bien le coup de lui offrir sa virginité non ?!» commentait-on dans un groupe de jeunes filles « amies » de Coumba Sira. ( à suivre…)