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Le prix de la trahison | par Louis Camara|

Samedi 25 Février 2012

Le prix de la trahison | par Louis Camara|
Il était une fois dans la forêt casamançaise trois grands chasseurs qui se trouvaient être aussi les meilleurs amis du monde. Le premier s'appeleait Pathé-qui-ne-rate-jamais-sa-cible, le second Demba-qui-tire-plus-vite-que-son-ombre et le troisième Sadio-qui-ne revient-jamais-bredouille-de-la-chasse.

Les trois chasseurs allaient très souvent ensemble dans la forêt à la recherche de gibier.
Un jour qu'ils s'étaient enfoncés au plus profond de la brousse, ils virent un drôle de génie tout noir, au crâne chauve et avec une longue barbe hirsute qui lui arrivait à la ceinture.

De sa démarche sautillante, il s'avançait vers eux en criant à tue-tête:
"La mort est là!...La mort est là!...La mort est là!..."

Tout étonnés de le voir s'égosiller de la sorte, les trois chasseurs l'abordèrent et lui demandèrent pourquoi il faisait tant de bruit.
Le génie leur répondit alors qu'il venait juste de rencontrer...la mort et que si eux-mêmes voulaient savoir à quoi elle ressemblait, il leur suffirait de marcher jusqu'au pied d'un fromager géant dont on apercevait la cîme et qu'il leur désigna du doigt.
Tout le monde sait qu'il n'est aucun acte de bravoure ou d'héroïsme que ne puisse accomplir un chasseur, car les chasseurs sont des hommes sans peur.

Les trois amis décidèrent donc d'aller jusqu'au pied du fromager afin de voir la mort de leurs propres yeux. Mais arrivés à destination, quelle ne fut pas leur surprise de trouver au pied de l'arbre, non pas la mort qu'ils désiraient découvrir mais...douze grands sacs en toile de jute déposés là pêle-mêle. Leur surprise fut à son comble lorsque après avoir ouvert les douze sacs l'un après l'autre ils se rendirent compte qu'ils étaient remplis jusqu'à ras bord...de rutilantes pièces d'or qui jetaient des reflets étincelants alentour!

Perplexes, les trois chasseurs n'avaient pas encore retouvé leurs esprits au moment où retentit quelque part le chant d'un coq, signe qu'un lieu d'habitation humaine se trouvait non loin de là. Après s'être rapidement concertés sur l'attitude à prendre et sur le sort qu'il fallait réserver à leur découverte, ils s'accordèrent sur le fait qu'il était plus prudent de ne transporter leur trésor qu'à la tombée de la nuit, de peur qu'on ne les agressât ou qu'on ne les prît pour des voleurs.

Après avoir ainsi conclu, ils sentirent la faim les tenailler et tirèrent à la courte paille pour désigner celui d'entre eux qui irait chercher de la nourriture et de la boisson dans l'agglomération la plus proche. Ce fut Sadio-qui-ne-revient-jamais-bredouille-de-la-chasse à qui échut la tâche d'aller à la recherche de ce dont ils avaient besoin. Mais à peine eut-il quitté ses deux amis, que ces derniers se mirent à épiloguer sur les avantages qu'il y aurait à partager leur trésor en deux parts égales.
Cela eût été tellement plus simple et plus commode!

Diviser douze sacs de pièces d'or par deux était certes plus facile que faire la même opération par trois, et infiniment plus judicieux!

Les deux compères ne furent pas longs à tirer la conclusion qui s'imposait en l'occurence.
Pour arriver à leurs fins, il n'y avait qu'une solution et une seule: éliminer leur ami et compagnon de chasse, Sadio, et se partager sa part. Pour cela ils étaient prêts à bafouer le code d'honneur des chasseurs et à se transformer en bandits de grands chemin.
Pendant ce temps Sadio-qui-ne-revient-jamais-bredouille-de-la-chasse, qui était en route vers la ville la plus proche, ruminait de son côté de bizarres pensées. Lui aussi réfléchissait sur tous les avantages qu'il y avait à garder le butin pour lui tout seul.
Alors là, il deviendrait sans conteste l'homme le plus riche et le plus puissant de tout le pays! Plus puissant et plus riche que le roi lui-même!

A son tour, il concocta un plan infaillible pour se débarasser de ses deux camarades.
Arrivé dans la ville, il acheta des victuailles et deux grandes bouteilles de vin.
Il y ajouta aussi un sachet d'un poison si virulent que quiconque en goutait était aussitôt "plongé dans les affres de l'agonie et pris de spasmes comme un coq en route pour le pays des morts" lui avait assuré l'homme qui le lui vendit.
Sadio mélangea donc le poison au vin et cela fait, prit le chemin du retour vers la forêt où l'attendaient ses deux "amis".
Juste au moment où il fit son apparition, sifflotant joyeusement et pensant à sa future fortune, il fut accueilli par une décharge tirée à bout portant par Demba qui s'était tenu en embuscade derrière un fourré. Sadio-qui-ne-revient-jamais-bredouille-de-la-chasse tomba raide mort, sans même pousser un cri. Comme si cela ne suffisait pas, Pathé-qui-ne-rate-jamais-sa-cible surgit à tour du fourré où il s'était caché et vida son fusil sur le corps inerte de Sadio, le criblant de balles. Puis leur forfait accompli, les deux compères éclatèrent de rire et s'emparèrent de la sacoche de Sadio où se trouvaient les victuailles et le vin qu'il avait rapportés de la ville. Après quoi, ils allèrent s'asseoir à l'ombre d'un gros baobab feuillu et commencèrent à festoyer joyeusement, faisant bonne chère et buvant à la santé de leur ami mort. Il ne resta bientôt plus une seule miette de nourriture et, en bons disciples de Bacchus qu'ils étaient, ils vidèrent ce qui restait du vin empoisonné.

Repus, les deux compères s'allongèrent ensuite sur un moelleux tapis herbacé pour digèrer tranquillement leur copieux repas. Mais au bout de quelques minutes seulement, ils commencèrent à ressentir de terribles douleurs leur transpercer l'estomac, comme si on leur assénait des coups de couteau dans le ventre. Ils se mirent alors à pousser des râles affreux pareils à ceux des suppliciés de l'enfer, se tordant de douleur et invoquant le nom de tous leurs ancêtres. Puis au terme d'une brève mais atroce agonie, ils rendirent l'âme et rejoignirent le territoire des ombres où les avait devancé leur compère Sadio, comme eux avide de richesses et comme eux perdu par sa cupidité.

Louis Camara, "Le conteur d'IFA"
Ecrivain
E-mail:camaralou56@yahoo.fr


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