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Les pilleurs de sable écument les plages du globe

Mercredi 29 Mai 2013

Les pilleurs de sable écument les plages du globe
Sur les plages du Maroc, près de Tanger ou de Casablanca, les dunes ont disparu, laissant apparaître un paysage lunaire. Elles n'ont pas été effacées sous l'effet de tempêtes, mais volées nuit après nuit par des escouades de camions pour construire des résidences destinées à l'afflux de touristes qu'attire la réputation de ce rivage au sable doux. Le phénomène est le même depuis des années dans toute la région des Caraïbes : de la Jamaïque à Barbuda, les plages ont rétréci.

Le pillage du sable est une pratique en hausse dans le monde. Qu'il soit prélevé à la main par trois ou quatre mètres de fond dans l'archipel des Maldives, transporté à dos d'âne ou aspiré par d'immenses bateaux sabliers en Asie, l'exploitation de granulats marins, autorisée ou illicite, est en pleine expansion. Le sable, deuxième ressource naturelle dans le monde après l'eau, est présent dans quantité de produits, du verre aux microprocesseurs, mais c'est surtout parce qu'il entre à 80% dans la composition du béton qu'il suscite d'énormes convoitises.


Face au boum de la construction, les carrières terrestres ne suffisent plus. Déjà surexploitées, ou soumises à une réglementation environnementale contraignante dans les pays développés, elles reviennent aussi plus cher. Ponctionner le rivage ou l'avant-plage devient donc une pratique de plus en plus répandue, mais qui entraîne des répercussions particulièrement brutales, non seulement pour les écosystèmes des fonds marins et la pêche, mais aussi pour les franges côtières, où l'érosion s'accélère. Le retrait du trait de côte s'avère catastrophique : effet accru des tempêtes, inondations, arrivée de la mer dans des nappes d'eau douce...


Des gouvernements tentent de réagir. A la mi-mai, le ministère des mines et de l'énergie du Liberia a fait arrêter des hommes "se servant" illégalement sur des plages autour de Monrovia. L'opération de police s'est faite devant la presse, la remise en place du "butin" – destiné à modeler des briques – aussi. Celui qui viole la loi interdisant l'extraction de sable sur le rivage doit être poursuivi devant la justice, et son matériel confisqué, ont voulu rappeler les autorités libériennes, afin de convaincre la population de stopper une pratique dévastatrice qui touche une grande partie de l'Afrique.

Le Bénin, lui, a fermé ses gisements côtiers. Mais les camions ont envahi, en toute illégalité, les plages de Sierra Leone, poussés par l'élan de la reconstruction après des années de guerre civile. Le Sénégal a lui aussi interdit la quasi-totalité de son rivage. Mais ces mesures sont largement enfreintes. Du côté de Dakar, ou de Saint-Louis, des comités de défense du littoral tentent bien de stopper le pillage. Seulement, une charrette suffit à ramasser de quoi gagner entre 2 000 et 4 000 francs CFA (3 à 6 euros) en une journée, quitte à payer des enfants comme guetteurs.

Des associations locales se multiplient, mais sans se fédérer. L'organisation américaine Coastal Care a recensé des cas d'exploitation illégale dans une soixantaine de pays et a lancé une pétition réclamant la fin de l'extraction de sable marin. Pas seulement pour sauver les plages : sa directrice, Claire Le Guern, a recueilli des témoignages sur des populations forcées à collecter du sable du matin au soir, notamment des Haïtiens en République dominicaine.


L'exploitation du sable est plus forte encore en Asie, où la pression de la démographie et du développement économique pousse les villes à s'étendre en gagnant sur la mer. Ainsi, le territoire de Singapour s'est-il agrandi de 20% depuis les années 1960, à grand renfort de granulats ponctionnés chez ses voisins. En réaction, l'Indonésie, la Malaisie, le Cambodge et le Vietnam ont banni les exportations vers la cité-Etat trop gourmande. La contrebande a pris le relais. "Nous avons pu monter sur l'un des bateaux des pirates des sables, qui venait du Cambodge", rapporte Denis Delestrac, auteur du documentaire Le Sable, enquête sur une disparition.

Autre exemple : les îles artificielles de Dubaï, qui ont nécessité un apport colossal de matériau, favorisé par le faible coût du transport maritime – le sable du désert, trop fin, trop rond, ne convient pas. "A elles seules, les îles The Palm et The World ont dû mobiliser 600 millions de tonnes, estime Eric Chaumillon, géologue marin (université de La Rochelle-CNRS). Soit davantage que la production totale française en un an." Celle-ci s'élevait à 365 millions de tonnes en 2012, le sable marin n'en représentant que 2 %, selon l'Union nationale des producteurs de granulats. Et son extraction, réglementée, ne donne pas lieu à une exploitation sauvage. Mais la pression augmente. Le sable marin approvisionne déjà amplement la bande côtière ouest, où la population augmente au galop. Il entre déjà dans 70% des constructions de Seine-Maritime.

"Le prélèvement de la ressource ne date pas d'hier, observe Eric Chaumillon. Mais il va se développer, tout comme les conflits d'usage. Nous avons des lacunes dans la connaissance des échanges sédimentaires entre côte et avant-côte. Les bancs de sable sont mouvants, nous ne savons pas quantifier les flux." Il cite l'exemple d'Aytré, en Charente-Maritime, où un prélèvement continu a rompu le cordon entre l'avant-plage, la plage et la dune. "Résultat, la tempête Xynthia y a été particulièrement dévastatrice. L'homme ne doit pas jouer l'apprenti sorcier."

Tel est le message que le géologue devait porter à l'Assemblée nationale, mercredi 29 mai, où des députés l'avaient convié. Signe que les élus veulent faire barrage à d'éventuelles dérives.

lemonde.fr


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