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Six questions pour comprendre la crise au Burkina Faso

Samedi 1 Novembre 2014

Après vingt-sept années à la tête du pays, le président Blaise Compaoré a annoncé sa démission dans un communiqué, vendredi 31 octobre. Après trois jours de manifestations, qui ont dégénéré jeudi, faisant au moins quatre morts, la foule rassemblée sur la place de la Nation a salué par une explosion de joie l'annonce du départ de son chef de l'Etat. L'épilogue d'une crise de régime accélérée, mais qui laisse le pouvoir en vacance. Le point sur la situation.

Qui dirige le pays ?

Dans un communiqué vendredi, Blaise Compaoré a expliqué quitter son poste en vertu de l'article 43 de la Constitution. La vacance du pouvoir étant déclarée, la Constitution du Burkina Faso précise que l'intérim à la tête de l'Etat doit être assuré par le président de l'Assemblée nationale. Or l'Assemblée a été dissoute dès jeudi soir, a annoncé le chef de l'état-major des armées, le général Honoré Traoré.

« Considérant l'urgence de sauvegarder la vie de la nation », Honoré Traoré a donc annoncé qu'il assumerait « à compter de ce jour [ses] responsabilités de chef de l'Etat. » L'officier supérieur affirme agir ainsi « conformément aux dispositions constitutionnelles » en prenant les rênes de l'Etat.

Mais la situation s'est compliquée vendredi soir. Dans la nuit, le lieutenant-colonel Zida, numéro 2 de la garde présidentielle de Blaise Compaoré s'est autoproclamé chef de la transition. Peu avant, un groupe d'officiers et d'opposants, se présentant comme les « Forces vives de la nation » avaient annoncé la suspension de la Constitution, la mise en place d'un couvre-feu ainsi que la fermeture des frontières aériennes et terrestres.

Que va devenir Blaise Compaoré ?

Un jeune montre une carte à l'effigie de Blaise Compaoré qu'il vient de trouver dans la maison de son frère François, après l'annonce de sa démission.

Selon le colonel Isaac Zida, le président démissionnaire est « en lieu sûr » et « son intégrité physique et morale ne sont pas menacées ». La diplomatie française affirme, elle que Blaise Compaoré a quitté Ouagadougou pour gagner le sud du pays. « Il va vers Pô », ville proche de la frontière avec le Ghana, a-t-on expliqué à Paris, sans pouvoir dire si l'objectif de l'ex-président était ensuite de gagner un autre pays, le Ghana ou la Côte d'Ivoire par exemple. L'ex-chef de l'Etat n'a pas demandé à se réfugier en France et la question d'un tel exil n'est pas d'actualité, a précisé Paris.


Quel avenir à la tête de l'Etat ?

Selon le texte du communiqué signé par Blaise Compaoré, de nouvelles élections devraient avoir lieu dans un délai de 90 jours. Dans le communiqué où il annonce sa prise de pouvoir, le colonel Zida affirme vouloir « amorcer un processus de transition démocratique » mené par « un organe de transition, reflétant les diverses sensibilités sociopolitiques » du pays, sans donner de détails. Il assure cependant « à la jeunesse du Burkina Faso », qui manifestait depuis trois jours pour empêcher Blaise Compaoré de se représenter à son poste, que « ses aspirations au changement démocratique ne seront ni trahies, ni déçues ».


Parmi les potentiels candidats à la succession de Blaise Compaoré est revenu ces derniers jours le nom de Kouamé Lougué. Ce général à la retraite bénéficie en effet d'un fort capital de sympathie auprès des contestataires, qui ont scandé à plusieurs reprises son nom dans leurs rassemblements. Ancien ministre de la défense, il avait été limogé en 2004 pour pouvoir être entendu comme témoin dans une affaire de putsch manqué pour évincer Blaise Compaoré, pour laquelle il n'a finalement pas été inquiété.
Militaires salués par les manifestants dans une artère du centre-ville de Ouagadougou après l'annonce de la démission de Blaise Compaoré.

Que reprochait l'opposition à Blaise Compaoré ?

Blaise Compaoré entendait briguer, à 63 ans, un cinquième mandat en novembre 2015 et, pour parvenir à ses fins, modifier l'article 37 de la Constitution qui l'en empêche. L'opposition craignait « un coup d'Etat constitutionnel » : c'est-à-dire qu'une modification de la loi fondamentale permette à M. Compaoré de s'accrocher au pouvoir, et d'accomplir jusqu'à trois mandats supplémentaires, soit quinze ans de plus à la tête du pays.

Une crainte d'autant plus justifiée que le chef de l'Etat arrivé au pouvoir par un putsch avait déjà fait modifier deux fois la Constitution, en 1997 et en 2000, afin de pouvoir rester au pouvoir. Il figurait avant sa démission en sixième position des présidents africains en termes de longévité.

La rue a-t-elle obtenu ce qu'elle demandait ?

Depuis le 21 octobre, date à laquelle le gouvernement avait annoncé son projet de loi, plusieurs manifestations ont été organisées par l'opposition. Le 28 octobre notamment, des centaines de milliers de personnes scandaient « Blaise dégage ! » dans les rues de Ouagadougou.

L'annonce par le colonel Boureima Farta, représentant de l'armée, de la démission de M. Compaoré quelques minutes avant qu'il ne la présente lui-même, vendredi, a déclenché l'explosion de joie de milliers de manifestants qui s'étaient à nouveau rassemblés sur la place de la Nation de Ouagadougou, devant l'état-major des armées.

Selon le correspondant de l'agence de presse Reuters, l'ambiance s'est toutefois quelque peu refroidie lorsqu'il est apparu que le chef de l'armée, le général Honoré Traoré, avait pris les rênes du pays. Les manifestants avaient en effet réclamé le départ d'Honoré Traoré en même temps que celui de Blaise Compaoré. Une demande partagée par les représentants de l'opposition politique. « Nous ne souhaitons pas que le général Traoré soit aux affaires. Il faut quelqu'un de valable. Traoré est l'homme de main de Blaise Compaoré », a ainsi accusé Monou Tapsoaba, un militant du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP).

Quel est le bilan des violences ?

Le bilan des troubles reste pour le moment incertain. Deux opposants ont fait état d'une trentaine de morts et de plus de 100 blessés. L'Agence France-Presse n'a pu confirmer que quatre morts et six blessés graves dans la capitale, la plupart survenus au cours jeudi.

Des pillages étaient en cours vendredi dans le quartier des ministères à Ouagadougou. La veille, les domiciles de plusieurs personnalités du régime avaient été saccagés ou brûlés dans la capitale ou à Bobo Dioulasso, la deuxième ville du pays. Les forces de l'ordre interviennent rarement, aucune instruction n'ayant pour l'instant été communiquée aux gendarmes pour stopper ces vols de grande envergure.

LE MONDE


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