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VIES CHIEN (55)

Mercredi 19 Septembre 2012

Ces croisés d’un nouveau genre, chevaliers de l’apocalypse prêts à semer la mort et la désolation quand bon leur semble, sont convaincus d’être les détenteurs de la seule vérité possible et les seuls êtres méritant d’exister sur cette terre. En face d’eux il y a ceux qui s’opposent farouchement à toute tentative de confiscation de leur droit de vivre librement. De l’issue de leur combat mortel dépend l’avenir de cette planète si singulière sur laquelle vivent les hommes et les chiens.


Que de jours heureux ai-je passé chez mon maître ! Jours aujourd’hui lointains mais dont je garde encore en moi la saveur édénique et dont le souvenir me donne aussi la force de continuer à vivre. Il me suffit de fermer les yeux pour faire revivre les images heureuses et les scènes inoubliables de ce qui fut pour moi, pendant quelques années, le paradis sur terre. Chaque jour vécu chez mon maître était une fête, mais de tous les jours de la semaine, le dimanche était celui que j’aimais le plus, sans doute parce que c’était le plus ensoleillé de tous, mais aussi et surtout parce que c’était celui où nous allions en voiture à la plage de l’hydrobase. Non que je fusse égoïste, mais ces randonnées océanes avaient d’autant plus de prix que nous n’y allions qu’à deux, mon maître et moi, et que cela me permettait de me retrouver en intimité avec lui. Yacine n’aimait pas trop la plage car elle avait le rhume facile et les enfants, eux, étaient occupés avec leurs leçons et leurs devoirs. J’étais donc le seul à pouvoir accompagner mon maître qui se réjouissait de m’avoir à ses côtés. « Eh bien mon vieux Nestor, heureusement que tu es là sinon j’aurais continué d’aller tout seul à la plage, je m’ennuie beaucoup moins avec toi !... » J’étais tout heureux de savoir que mon maître appréciait particulièrement ma compagnie et que je lui étais si utile pour combattre la solitude, cet état que les hommes craignent tant. C’était aussi une manière, bien involontaire, de le remercier de m’avoir sauvé la vie !

Tous les dimanches donc, à bord de la 4/4 de mon maître nous traversions le village de Guet-Ndar, véritable fourmilière humaine, longions le cimetière marin et, deux ou trois kilomètres plus loin, arrivions à la plage de l’hydrobase au carrefour où se dresse une stèle en l’honneur d’un aviateur français du nom de Latécoère. Mon maître piquait alors sur la droite et manœuvrait encore un peu avant de s’arrêter en pleine solitude, au milieu des dunes de sable balayées par le vent du large.

C’était un de ces lieux d’une beauté sauvage où l’âme peut ressentir dans toute sa force la grandiose splendeur de la nature. Mon maître garait la voiture sous un bosquet de filaos avant de descendre m’ouvrir la portière de la banquette arrière où j’étais confortablement couché ; puis tous deux nous prenions la direction de la plage qui s’étendait à perte de vue et nous enfoncions dans le sable fin et chaud. Arrivé à quelques mètres de l’océan, mon maître se débarrassait de ses habits, enfilait son maillot de bain et plongeait dans l’eau tiède où il commençait à nager avec délices.

Fou de joie, grisé par l’air marin, je courais dans tous les sens et aboyais à tue-tête avant de plonger à mon tour et d’aller rejoindre mon maître qui m’attendait dans l’eau. Comme tous les bergers allemands, je nageais naturellement bien et je pouvais rester des heures dans l’eau sans m’essouffler ni manifester le moindre signe de fatigue (à suivre…)