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VIES DE CHIEN (15)

Mercredi 7 Décembre 2011

VIES DE CHIEN (15)
Michel Aristide Leputois de son nom, maigre comme un clou et long comme un jour sans pain, vivait en concubinage avec une jeune fille noire qui aurait pu être sa petite-fille voire son arrière-petite-fille. Issue d’un des quartiers les plus pauvres de Ndar, la fille, qui répondait au nom de Katy, était loin d’être une Lolita, mais pour l’usage auquel l’avait destinée Leputois, elle faisait parfaitement l’affaire. Grâce à elle, il pouvait assouvir ses fantasmes les plus délirants et se donner, à peu de frais, l’illusion d’une seconde jeunesse. De son côté, Katy, depuis longtemps aguerrie et rompue à toutes les formes de vice, trouvait son compte dans sa sordide liaison avec le vieux toubab qu’elle ne se gênait par ailleurs pas pour tromper avec ses nombreux amants de toutes races et origines sociales.

Cette fille était une véritable trainée et la première fois que je l’avais vue elle m’avait inspirée un profond dégoût mêlé de pitié. Avec son tour de taille filiforme, ses fesses disproportionnées à son corps, sa peau à moitié décapée, ses cheveux crépus constamment en bataille et ses yeux rougis par la fumée du tabac et du chanvre indien qu’elle consommait sans modération, Katy était la parfaite illustration de l’adolescente dévergondée et tombée dans le ruisseau pour de bon. Elle ne m’aimait pas du tout et je le lui rendais bien. Je savais que ma présence dans la maison de son vieux débris la dérangeait foncièrement mais elle n’osait pas trop le manifester car Leputois avait l’air de tenir à moi, d’autant plus qu’il m’avait acheté très cher. Ce dernier ayant remarqué qu’entre Katy et moi ce n’était pas la parfait amour ne cessait de seriner à sa dulcinée du caniveau ce dicton à quatre sous : « Qui n’aime pas les bêtes n’aime pas les hommes », histoire sans doute de la ramener à de meilleurs sentiments à mon égard. Mais les jérémiades du vieux bandit en ma faveur avaient plutôt pour effet d’exaspérer la fille et de la faire se braquer davantage contre moi. Elle prenait sa mine la plus renfrognée et son vieux chéri, craignant sans doute qu’elle ne lui refusât quelque faveur qu’il attendait d’elle la tirait alors vers lui en l’appelant « affectueusement » : « ma poule », ce qui avait le don de me faire me tordre de rire canin. Elle se laissait faire tout en continuant à bouder, obligeant le vieux vicieux à déployer des trésors de minauderie pour l’amadouer. C’était un couple d’enfer !

Chez Leputois, j’avais une relative liberté de mouvement, en tout cas sans commune mesure avec celle de chez Samaké et j’avais toute la latitude de circuler à travers les différentes pièces de la maison, énervant ainsi au plus haut point la Katy qui m’aurait volontiers expédié en enfer si elle l’eût osé. Mais elle se retenait de toutes ses forces pour ne pas avoir l’air de s’acharner contre moi qui après tout n’étais qu’un chien, ce qui l’eût rendue ridicule. Parfois lorsque je passais devant elle ou que je m’installai sur le moelleux canapé du salon comme m’avait autorisé à le faire le maître des lieux, elle me regardait d’un air mauvais et faisait un « tchipatou » d’enfer, mais je n’en avais cure. En l’absence de son « mari », elle essayait d’aller plus loin en me balançant de grossières injures ou même en esquissant des gestes menaçants dans ma direction. Evidemment je ne me laissai pas faire et je répondais à ses tentatives d’intimidation par des grognements sourds et de brefs aboiements, retroussant mes babines pour lui laisser voir mes crocs et faisant se hérisser mes poils de la queue à la tête. L’effet de dissuasion était immédiat et Katy, prise de peur, baissait alors la garde non sans avoir lâché une dernière bordée d’injures, expression de sa haine mais aussi de son impuissance.


Nous continuâmes donc à nous regarder elle et moi, c’est le cas de le dire, en chien de faïence chaque fois que nous retrouvions face à face. Je me tenais toujours sur mes gardes car je savais que Katy ne cessait de ruminer sa colère et d’échafauder des plans pour se débarrasser de moi, le chien le plus insolent, le plus effronté qu’elle eût jamais vu au cours de sa vie de patachon. J’étais conscient qu’il me fallait rester vigilant et surveiller mes arrières pour ne pas me faire surprendre par cette petite vipère qui n’aurait de cesse de me faire débarrasser le plancher

(à suivre…)