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VIES DE CHIEN (22)

Mardi 24 Janvier 2012

La première fois qu’il avait trouvé Malick à la maison, tonton Jacques avait failli s’étrangler de fureur et avait répondu du bout des lèvres au salut empreint de déférence du jeune lieutenant. Il n’était d’ailleurs pas resté une seconde de plus, de peur que Liza ne lui présentât son ami, et était reparti en claquant la porte derrière lui. Liza avait été très choquée par le comportement de son oncle et ne comprenait pas du tout son attitude, d’autant plus que c’était d’habitude un homme très calme et posé et qu’il l’aimait beaucoup. Quant à Malick, tout aussi choqué que Liza, il avait néanmoins réussi à cacher ses sentiments et à faire comme s’il n’avait rien remarqué pour ne pas faire davantage de peine à la pauvre jeune femme. Cette dernière s’efforça de ne rien laisser paraître de son désarroi et dit avec un sanglot dans la voix :

« C’est mon oncle, tonton jacques, le frère de mon père… il vient nous rendre visite deux ou trois fois par semaine… il est très gentil mais un peu nerveux parfois… »

« Ah oui… je vois… » avait répondu Malick dont rien ne laissait trahir la surprise. Il préféra ne pas rester très longtemps chez Liza et, à la suite de cet incident, décida d’y revenir le moins souvent possible car c’était un « toroodo » très fier et qui n’admettait pas qu’on lui manquât de respect. Il en fit part à Liza qui comprit sa décision et ne l’en blâma nullement. C’était une situation douloureuse et très pénible pour la pauvre Liza qui pleurait très souvent lorsqu’elle était à la maison. Sa mère avait cessé de lui parler et seule la vieille Marie causait encore avec elle, faisant de son mieux pour la consoler quand elle avait le cœur trop lourd et qu’elle sanglotait doucement dans sa chambre.

« Allons, allons, ne pleure pas ma petite Liza…Je suis sûre que tout finira par s’arranger… Malick est quelqu’un de très bien, même s’il est musulman… » Contrairement à l’accueil qu’on faisait à Malick chez elle, Liza était reçue comme une princesse chez son amant qui habitait à Sor, précisément au quartier de Balacos, à quelques encablures du pont Faidherbe. C’était une de ces grandes concessions traditionnelles, avec une vaste cour sablonneuse à ciel ouvert au milieu de laquelle se dressait un bâtiment assez spacieux et deux autres bâtisses plus petites qui servaient de dépendance.

C’est dans cette maison aux allures rustiques où il était né, que Malick vivait avec son père, un vieil homme chenu mais encore solide qui passait le plus clair de son temps étendu dans une chaise longue sans doute aussi âgée que lui, à égrener les perles de son chapelet ou à lire un vieux Coran aux pages jaunies, toujours ouvert sur ses genoux. Il y avait aussi dans la maison une vieille dame quelque peu rabougrie, à la peau du visage tannée comme un parchemin mais aux yeux pétillants de malice : c’était « mère » Soda, la coépouse de la mère de Malick décédée depuis des années. La vieille Soda avait beaucoup d’affection pour Malick qui le lui rendait bien et la considérait comme sa propre mère.

La pauvre femme n’avait pas été particulièrement gâtée par le destin qui lui avait repris ses deux fils, ne lui laissant qu’une seule fille, Ramatoulaye, mariée à un menuisier qui lui avait fait une ribambelle d’enfants. Ramatoulaye habitait chez son mari et venait de temps à autre dans la maison paternelle pour souffler car elle n’avait guère de répit dans la sienne propre. Malheureusement pour le pauvre sœur de Malick, son mari était un ivrogne et coureur de jupons invétéré (à suivre…)