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VIES DE CHIEN (24)

Mercredi 8 Février 2012

Le vieux Birama éprouvait une admiration sans bornes pour Malick depuis que celui-ci était revenu de la terrible guerre des toubabs, bardé de médailles et de décorations. Il était très fier de son fils et ne tarissait pas d’éloges à son endroit car ce dernier était non seulement poli et respectueux mais il s’acquittait également avec diligence de toutes ses autres obligations filiales.

La maison familiale ne manquait de rien. Malick pourvoyait largement à tous les besoins des siens qui bénéficiaient à suffisance de provisions de denrées alimentaires au point qu’ils en donnaient même à leurs voisins nécessiteux sans que cela ne leur portât préjudice. Si aux yeux de son père était irréprochable, pour tout le quartier il passait pour un héros sans peur et sans reproche, semblable en tous points aux guerriers du passé qui savaient braver la mort avec le sourire aux lèvres.

C’est qu’il avait de qui tenir, car son ancêtre Ahmadou Dembel Sy avait été l’un des proches compagnons du grand marabout toucouleur El hadj Omar Foutiyou qui avait donné tant de fil à retordre aux envahisseurs toubabs pendant les guerres coloniales. Malick était issu d’une lignée de guerriers et il n’était donc pas étonnant qu’il se fût montré si courageux au front. Mais la glorieuse généalogie de Malick n’était pas ce qui lui attirait le plus l’estime et l’admiration des gens du quartier qui l’aimaient surtout à cause de sa gentillesse et de sa générosité naturelles.

Hommes, femmes, enfants, vieillards, il avait toujours un bon mot pour chacun et venait en aide spontanément à tous ceux qui le sollicitaient. Même si l’on ne l’y voyait pas très souvent, il avait fait repeindre entièrement la petite mosquée du quartier qu’il avait aussi équipée en nattes de prières et exemplaires du Coran tout neufs. Aussi ne cessait-on d’y prier pour lui et de lui souhaiter toutes sortes de bienfaits et bénédictions divines.

En dehors de la maison familiale de Balakoos, le lieu de prédilection du jeune lieutenant était le mess des officiers du Rognat du nord où il était titulaire d’un confortable studio, meublé et entièrement équipé. Il y avait droit en sa qualité de sous-officier blessé de guerre et commandeur de la légion d’honneur française. C’était un privilège rare auquel n’avaient accès que très peu de soldats africains et Liza était très fière que son beau Malick fît partie de ces élus de l’armée française.

C’est d’ailleurs là qu’ils se retrouvaient la plupart du temps pour leurs tête-à-tête intimes et ils s’y sentaient tous les deux bien mieux que dans n’importe quel autre endroit de Saint-Louis. C’était leur vrai nid d’amour et pour eux le plus douillet des cocons. Soldats et officiers du Rognat, tous saluaient Liza avec beaucoup de respect lorsqu’elle y venait en compagnie de Malick qui l’avait déjà présentée comme sa fiancée. Le studio se trouvait au deuxième niveau de l’imposant bâtiment militaire et l’on y avait accès pas un escalier en bois qui dégageait une agréable odeur de verni.

De la fenêtre du studio de Malick, l’on surplombait la place Faidherbe dont on apercevait d’ailleurs la statue au bout du jardin public ainsi que le pont Servatius qui enjambait le petit bras du fleuve et le village des pêcheurs de Guet-Ndar. Liza aimait à s’y pencher pour jouir de la vue panoramique qu’offrait la fenêtre du studio sur le rebord de laquelle elle s’asseyait avec grâce, respirant à pleins poumons l’air ambiant chargé d’odeurs fluviales et marines aussi bien que des effluves parfumés des jardins de la place Faidherbe. Parfois, Malick venait la rejoindre pour jouir avec elle du spectacle coloré qui s’étalait à leurs pieds (à suivre…)