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VIES DE CHIEN (27)

Mardi 28 Février 2012

Un gros bélier tout blanc fut immolé et des flots bouillonnants de sang vermeil arrosèrent le sable de la cour de la maison familiale des Sy. Ce rituel propitiatoire était censé sceller un pacte de fidélité indéfectible entre « l’hôte » dont on fêtait l’arrivée et tous les ancêtres de sa lignée paternelle. Le sacrifice du bélier devait également lui assurer chance et protection spirituelle tout au long de son existence terrestre. Ce fut Sidy Diallo, ami d’enfance de Malick, qui se chargea d’égorger le bélier. Il s’acquitta de cette tâche avec une dextérité sans égale mais aussi une grande joie, car Malick compagnon de jeux de ses vertes années avait toujours tenu à conserver les liens d’amitié qui les unissait.

Le fils de Malick et de Liza était donc bel et bien un musulman. L’honneur était donc sauf pour le vieux Birama Sy qui ne cacha pas sa satisfaction, heureux d’avoir vécu assez longtemps pour voir le fils de son fils mais aussi soulagé que ce baptême accompli dans la règles de l’art clouât enfin le bec à ses sournois détracteurs, mettant fin du même coup à toutes les rumeurs insensées qui avaient entouré la naissance du petit Jacques Habib Sy.

Bien que son petit-fils fût, contre toute attente, musulman de naissance, la mère de Liza éprouva néanmoins une très grande affection pour lui. Elle l’appelait d’ailleurs « mon petit mari » et c’est elle qui avait l’enfant sous sa garde lorsque Liza allait au travail au conseil général où elle était bibliothécaire. A eux trois, Malick Liza et le petit Jacques Habib formaient la plus merveilleuse famille qu’il se fût donné de voir et ils coulaient ensemble des jours si heureux que leur vie ressemblait presque à un conte de fée.

Mais hélas, comme toute chose ici bas, le bonheur est lui aussi éphémère et un beau jour, une terrible nouvelle vint perturber la vie paisible du couple, pareil à un coup de tonnerre impromptu dan un ciel serein : Malick avait été mobilisé pour aller combattre en Indochine où la guerre contre le Vietminh faisait rage !...

Lorsqu’elle fut au courant de la nouvelle, Liza ne put s’empêcher d’éclater en sanglots et eut l’impression que le ciel lui était tombé sur la tête. Le visage bouffi par les larmes, elle alla se blottir dans les bras de Malick qui fit de son mieux pour la consoler. Il tenait à la main l’ordre de mission qui l’envoyait à la guerre et Liza, les yeux embués, le lut avec colère. Ce jour là, le repas du couple à la cantine des officiers fut triste et Liza ne toucha presque pas à la nourriture, préférant s’enfermer dans un douloureux silence. Ce ne fut qu’en fin de soirée, lorsqu’elle se retrouva en tête-à-tête avec l’homme de sa vie qu’elle réussit à sourire un peu et passa ses bras autour du cou de Malick qui, à son tour, l’enlaça tendrement. Le petit Jacques Habib, lui, dormait paisiblement dans son berceau ignorant le drame que vivaient ses parents. Cependant, devant le fait accompli et voyant qu’il n’y avait rien d’autre à faire, Malick et Liza prirent le parti de surmonter le chagrin que leur causait la perspective toute proche de leur séparation. Ils s’aimèrent plus fort que jamais et se jurèrent fidélité éternelle.

Malick promit à sa bien-aimée de tout faire pour ne pas s’éterniser en Indochine. Il avait des relations en haut lieu et il comptait bien les faire intervenir pour écourter son séjour et se faire affecter loin du théâtre des opérations où, pensait-il, les jeunes officiers frais émoulus avaient davantage leur place que lui qui avait déjà guerroyé pendant de longues années. Liza l’écoutait avec ferveur mais au fond d’elle-même elle n’y croyait pas trop (à suivre…)