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VIES DE CHIEN (30)

Mardi 20 Mars 2012

Elle eut même le courage de sourire et fit des baisers de la main à l’homme de sa vie qui à présent s’éloignait d’elle pour aller guerroyer dans la lointaine péninsule indochinoise. Bientôt le convoi disparut à ses yeux et, en même temps que la foule qui se dispersait, elle regagna tristement sa maison avec son bébé endormi dans les bras.


Une année s’écoula… Liza et Malick eurent le temps de s’écrire quelques lettres émouvantes, brûlantes de passion amoureuse, avant que ce dernier fût grièvement blessé dans une embuscade au cours d’une mission de reconnaissance dans la jungle asiatique. Malick fut acheminé à l’hôpital militaire de Saigon où, malgré des soins intensifs, il rendit l’âme quelques jours plus tard, le 10 août 1953. Liza faillit devenir folle et sa famille crut qu’elle ne survivrait pas à la mort de son mari bien-aimé tellement elle avait dépéri. Elle ne mangeait presque plus et pleurait tout le temps. Ajouté à cela le manque de sommeil, devenu chronique chez elle, minait petit à petit sa santé qui devint fragile.

Sa mère étant à moitié impotente à la suite d’une attaque, ce furent surtout tonton Jacques et la vieille tante Marie qui lui portèrent assistance. Tous les deux déployèrent des trésors d’attention et d’affection pour éviter qu’elle ne sombre dans le désespoir ou même, qu’elle ne meure d’inanition. Le chagrin de Liza était indescriptible et tante Marie, qui veillait sur elle nuit et jour, faisait tout ce qui était en son pouvoir pour lui remonter le moral. C’est d’ailleurs elle qui donnait le biberon au petit Jacques Habib car sa mère était dans l’incapacité de le faire téter. Pour aider la vieille tante Marie dans sa lourde tâche, tonton Jacques lui avait adjoint une domestique du nom de Amsatou Wade, femme au grand cœur, dévouée et maternelle qui, comprenant parfaitement la situation et l’état dans lequel se trouvait Liza, se voua corps et âme à son travail. Ce fut un grand soulagement pour tante Marie qui put ainsi souffler et se reposer convenablement. Amsatou Wade était une solide femme du Walo, relativement jeune et encore pleine de santé, avec une peau très noire et une éclatante dentition.

En dehors des travaux domestiques, dont elle s’acquittait avec diligence et très consciencieusement, elle faisait aussi office de nurse et devint vite la « deuxième » maman du petit Jacques ainsi qu’on l’appelait dans la maison. Liza qui avait obtenu un congé maladie, n’allait bien sûr plus à la bibliothèque du conseil général et elle passait le plus clair du temps dans sa chambre. Au fil du temps cependant, grâce aux soins et à l’affection constants dont elle était entourée, mais aussi par sa volonté de survivre, Liza recouvra quelque peu la santé et parvint à surmonter le désespoir qui s’était saisi d’elle après la tragique disparition de son mari sur le champ de bataille indochinois.

Certes, elle ne sortit pas indemne de cette douloureuse épreuve et sa joie de vivre s’en trouva définitivement altérée, mais elle porta sa croix avec courage et décida d’aller jusqu’au bout. Elle perdit ce caractère gai, joyeux, primesautier qu’on lui avait toujours connu et se transforma en une personne austère et silencieuse mais pétrie de bonté. Désormais on ne la voyait plus sourire que très rarement. Elle ne portait plus que de longues robes noires et se couvrait toujours la tête lorsqu’il lui arrivait de sortir de la maison. Tous les dimanches, elle allait à la messe à la cathédrale en compagnie de tante Marie. Elle communiait presque toujours et après l’office, elle faisait un chapelet (à suivre…)