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VIES DE CHIEN (36)

Mercredi 2 Mai 2012


Puis, s’inclinant avec un infini respect sur la dépouille de sa mère, il avait déposé un dernier baiser sur son front redevenu comme par miracle, lisse, pur, sans aucune trace de souffrance, tout comme son visage qui avait lui aussi retrouvé toute sa beauté et l’éclat printanier de sa jeunesse. Liza avait quitté ce bas-monde, cette vallée de larmes, pour aller rejoindre son bien aimé Malick dans le giron de l’éternité laissant Jacques seul au monde.

Parce qu’il avait préféré se consacrer tout entier à sa mère et lui réserver exclusivement son affection, Jacques n’avait pas voulu se marier du vivant de cette dernière. Jusqu’à la mort de Liza, il avait mené une vie de célibataire sans histoires. Les mauvaises langues de sindoné n’avaient évidemment pas cessé de faire des gorges chaudes au sujet de sa situation, allant même jusqu’à insinuer que c’est parce qu’il avait une peur bleue des femmes qu’il n’avait jamais cherché à s’en trouver une ce qui, évidemment, n’était pas convenable pour un homme de son âge et de son statut social. Pourtant, un an après le décès de sa mère, Jacques fit taire toutes ces rumeurs malveillantes en épousant Yacine Camara, fille d’une cousine germaine de son propre père, Aïda Sy, elle-même la fille du frère consanguin de son grand-père le vieux Birama Sy. Yacine, charmante jeune femme d’une trentaine d’années, exerçait le métier de sage-femme à l’hôpital régional de Ndar et habitait dans la maison de ses parents dans le quartier résidentiel de la Corniche.

C’était une fille sérieuse à qui ses parents avaient donné une éducation très stricte et inculqué des valeurs morales auxquelles elle tenait comme à la prunelle de ses yeux. Bien qu’il ne l’eût jamais fréquentée de près, Jacques connaissait quand même Yacine depuis son retour définitif à Ndar, alors qu’elle était elle-même sur le point de terminer ses études à l’école de formation supérieure des sages-femmes de Thiès. Hormis le fait qu’elle fût d’une remarquable beauté, Jacques n’ignorait également pas que, contrairement à la plupart des jeunes Saint-louisiennes de son âge, Yacine menait une vie très rangée et n’avait d’autres occupations que son métier de sage-femme et les travaux de la maison familiale. C’était aussi une bonne musulmane, qui pratiquait sa religion avec assiduité mais sans excès de zèle, à la différence de beaucoup de jeunes femmes dont la piété ostentatoire dégageait des relents de fausseté et d’hypocrisie.

Le père de Yacine, Assane Camara, était un greffier à la retraite qui avait fait presque toute sa carrière au tribunal régional de Ndar. Homme affable et courtois, il avait gratifié ses trois filles, dont Yacine était la cadette, d’une éducation des plus strictes qui se reflétait dans leurs manières et leur comportement. Aux yeux de Jacques, Yacine apparaissait donc comme le prototype de l’épouse idéale : encore jeune, belle, pieuse, bien éduquée et de bonne famille. Suffisant pour qu’il décidât de jeter son dévolu sur elle et d’en faire sa femme. Bien entendu, il fallait d’abord conquérir le cœur de la belle Yacine et pour cela Jacques devait impérativement retrouver ses réflexes de séducteur qu’il avait mis en veilleuse depuis qu’il était revenu de France et avait choisi de se consacrer au bien-être de sa mère. La première chose à faire était de créer un lien entre lui et l’élue de son cœur : pour cela il lui fallait la fréquenter un tant soit peu, et lui rendre visite à domicile comme l’exigeait la bienséance. Bien qu’il eût déjà fait connaissance avec la famille de Yacine, Jacques n’entretenait pas de liens de familiarité particuliers avec ses membres qu’il connaissait à peine (à suivre…)