La cause était entendue. Les deux vieux oncles de Jacques revinrent donc auprès de lui avec la bonne nouvelle et ce dernier fit parvenir, par les mêmes, une dot très substantielle accompagnée de la traditionnelle kola à la famille de Yacine. Le mariage religieux fut célébré un vendredi après-midi à la célèbre mosquée Minbar de Sindoné et le soir, une grande réception fut donnée à la chambre de commerce de Ndar.
Comme le veut la coutume, Jacques attendit son épouse chez lui et, lorsque cette dernière eut fini d’accomplir tout le cérémonial lié à la circonstance puis fait ses adieux à son père et à sa mère, elle se rendit au domicile conjugal, désormais son nouveau foyer, accompagnée de ses sœurs et de ses meilleures amies. Arrivées là, ces dernières l’y laissèrent, non sans s’être d’abord jeté sur Jacques à qui elles firent subir un « lynchage » en règle comme le veut une vieille coutume Saint-Louisienne. Surpris, ce dernier se prêta néanmoins en riant au jeu et se laissa faire de bonne grâce par la petite troupe joyeuse qui versa cependant quelques larmes au moment de se séparer de la mariée. Yacine était certes un peu triste de voir partir ses sœurs et ses amies mais elle était aussi au comble de l’émotion, car le moment tant désiré de la nuit nuptiale, ce moment qu’elle attendait depuis des mois, était enfin arrivé.
Une semaine après le mariage, Jacques prit son congé annuel d’un mois et de son côté, Yacine fit de même grâce à la complicité indulgente du Directeur de l’hôpital qui la tenait en grande estime car elle était irréprochable dans son travail. Jacques décida d’emmener sa femme en voyage de noces aux îles du Cap-Vert pour y savourer avec elle une lune de miel digne d’un conte des mille et une nuits. Les jeunes mariés devaient se souvenir longtemps de leur séjour dans cet archipel paradisiaque, au climat d’une exceptionnelle suavité, dont ils découvrirent la beauté des paysages mais aussi la gentillesse et l’hospitalité des habitants. Jacques et Yacine apprécièrent au plus haut point l’art de vivre des Cap-Verdiens et goûtèrent sans modération leur cuisine épicée et capiteuse, notamment le fameux katioupa dont les senteurs fortes embaumaient quotidiennement les rues de Praia la capitale du Cap-Vert.
Ils savourèrent aussi leur musique nostalgique et enivrante qu’ils ne se lassaient jamais d’écouter le soir, lorsqu’ils allaient dîner dans un de ces charmants petits restaurants que l’on trouve un peu partout à Praia et dans les autres villes de Santiago, la plus grande des îles de l’archipel. Entourée par les vagues de l’atlantique et le grand vent du large, Santiago présente partout des criques magnifiques et des plages sublimes comme celle de prainha où les jeunes mariés aimaient à aller se baigner les après-midi.
Jacques et Yacine firent aussi de belles excursions qui les menèrent jusqu’au massif volcanique du Pico de Antonia qu’ils escaladèrent à pied, éprouvant l’un et l’autre de délicieux vertiges et des frissons inoubliables. Ils visitèrent aussi Tarrafal et sa plage bordée de cocotiers, Cidade Velha et ses vestiges d’une culture portugaise révolue, Ribeira Da Barca, pittoresque village de pêcheurs, emmitouflé dans une brume blanche, le jardin botanique Grandvaux Barbosa avec ses fleurs odorantes et étranges qui semblaient provenir d’une autre planète et bien d’autres lieux tout aussi extraordinaires qui leur donnèrent l’impression d’un magique voyage hors du temps. En fait, le Cap-Vert tout entier était comme un grand oiseau aux ailes déployées aux quatre coins de l’horizon, un oiseau fait de nostalgies et de musiques ! (à suivre…)