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VIES DE CHIEN (40)

Mercredi 30 Mai 2012

Ici tout était beau et la lune de miel des nouveaux mariés leur semblait un rêve permanent aux couleurs chaque jour plus chatoyantes ! Mais le sommet du séjour de Jacques et de Yacine fut sans nul doute cette inoubliable soirée qu’Ils passèrent au « Zero horas », la plus belle boîte de nuit de Praia où celle que l’on appelle « la diva aux pieds nus », Cesaria Evora, donnait un concert accompagnée d’un orchestre qui semblait n’être composé que de virtuoses. Le couple écouta religieusement la grande chanteuse dont la voix envoûtante pénétra jusqu’au tréfonds de leur âme, arrachant même des larmes à Yacine amoureusement blottie dans les bras de son mari.

L’orchestre enchaînait mornas, caloderas et batuques et les mariés dansèrent jusqu’à l’aube sur des rythmes tantôt nostalgiques et langoureux, tantôt chaloupés et endiablés. Lorsqu’ils regagnèrent leur chambre d’hôtel du Praia Miramar, en plein centre-ville, Jacques et Yacine étaient gorgés de plaisirs et ivres de musique. Ils dormirent jusqu’au milieu de l’après-midi et, après avoir déjeuné au restaurant de l’hôtel ils allèrent se baigner dans l’eau tiède de l’océan sur la belle plage de Gamboa.

Tout entiers absorbés par l’insouciance, les plaisirs et cette fameuse saudade que leur offrait le Cap-Vert, Jacques et Yacine ne sentaient pas le temps passer et se laissaient aller à leur bonheur de vivre. Pour eux, le temps avait suspendu son vol et ils avaient cessé de compter les jours. Mais les belles choses ont elles aussi une fin et les congés dorés des jeunes mariés arrivèrent à leur terme sans crier gare. La lune de miel était bien finie et ils durent se résoudre à quitter l’archipel magique et regagner Dakar par avion, puis ils mirent le cap sur Saint-Louis qu’ils retrouvèrent cependant avec un certain plaisir. La tête pleine d’images, de couleurs, de musiques et le cœur débordant d’émotion Jacques et Yacine se souvinrent toujours de leur voyage de noces avec le sentiment d’avoir fait une escale au paradis.

Leur séjour au Cap-Vert laissa en eux des souvenirs ineffaçables et ils gardèrent pour ce pays une tendresse toute particulière. Peu de temps après leur retour à Ndar, le ventre de Yacine commença à s’arrondir, signe qu’elle était enceinte.

Bientôt sa grossesse devint évidente et elle prit un congé de maternité au terme duquel elle accoucha de deux beaux jumeaux potelés, couleur café au lait, à la grande joie de son mari. Le baptême eut lieu un dimanche, septième jour de la naissance des jumeaux et la maison de Jacques fut le lieu d’une affluence telle qu’elle n’en avait jamais connue. Tout ce monde tenait à féliciter les heureux parents mais aussi à se régaler à leurs frais et, pour les inévitables griots, laudateurs et bruyants à souhait, à rentrer chez eux la besace bien fournie en espèces sonnantes et trébuchantes.

Bien qu’il fût opposé à ces cérémonies onéreuses et ostentatoires, Jacques dut se plier à la règle sociale et accepter de jouer le jeu, ne fût ce que pour satisfaire l’ego des membres de sa belle-famille pour qui ce jour était l’occasion de montrer à la face du monde qu’ils étaient de noble lignée, comme semblaient le prouver les litanies dithyrambiques des griots.

Ces derniers, bien décidés à exploiter ce filon exceptionnel, scandaient à haute voix des généalogies interminables qui soulevaient l’enthousiasme des ayant-droits dont la générosité se manifestait aussitôt avec panache au travers de billets de banque flambants neufs. Des centaines d’assiettées de « laax » arrosées de lait caillé onctueux et aromatisées d’essence de fleur d’oranger furent servis aux invités et même à ceux qui ne l’étaient pas (…)