Connectez-vous
NDARINFO.COM
NDARINFO.COM NDARINFO.COM
NDARINFO.COM
Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable
Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte

VIES DE CHIEN (47)

Mercredi 18 Juillet 2012

Parfois j’avais même l’impression de ressembler à mon maître lorsqu’il portait la cravate pour aller au bureau ou lorsqu’il était invité dans des cérémonies. Non, le collier ne me gênait vraiment pas, contrairement à la plupart des chiens, qui ont en horreur cet objet qu’ils considèrent comme le symbole de leur asservissement. J’eus d’ailleurs une fois l’occasion d’en discuter avec un labrador chez le maître duquel nous étions allés en visite mon maître et moi. Son propriétaire était un turc, ingénieur en énergie solaire qui avait été envoyé par une grande firme de son pays pour établir des accords de partenariat avec le réseau hydro-électrique de la région du Nord Sénégal. Le pauvre animal portait un collier très lourd, fabriqué dans une matière métallique, qui lui emprisonnait littéralement le cou et l’empêchait de s’ébrouer à son aise. Ce devait être une véritable torture et je ne pus que plaindre le labrador, très beau, et lui exprimer ma solidarité face au cynisme des hommes, nos maîtres, qui semblaient trouver un malin plaisir à nous faire subir d’inutiles vexations.


Le chien du turc avait des yeux immenses d’où émanait une grande douceur, mais il avait aussi l’air si malheureux que l’on eût pu croire que sa vie entière n’était faite que de tristesse et de chagrin. Nous nous étions tous les deux installés sur le perron carrelé jouxtant le grand salon du turc et je fis de mon mieux pour consoler mon nouvel ami, pendant que nos maîtres respectifs discutaient de leurs problèmes d’électricité, un peu trop compliqués pour nous cerveaux de chien. Notre conversation se déroula sur le mode enjoué et nous nous comprenions parfaitement, bien que le registre des ultrasons émis par les labradors soit sensiblement différent de celui des bergers allemands. Aslan, (c’était le nom de mon hôte) avait une assez bonne connaissance du turc, langue humaine plutôt râpeuse il faut bien le dire. Il me dit que son maître s’appelait Attila Türkyilmaz Demirel, nom à ne pas coucher son chien dehors par temps de pluie, et que le sien propre signifiait « lion » en turc. D’après lui, Attila n’était pas un mauvais bougre : bien qu’il eût un penchant assez prononcé pour l’alcool et le femmes, il n’était pas violent du tout et n’avait jamais levé la main sur lui.

Aslan mangeait très bien, cela se voyait d’ailleurs à son embonpoint peu commun et à son poil lisse et luisant. Chaque fois qu’il allait à Dakar, son maître lui rapportait toutes sortes de pâtés et de friandises pour chien et parfois il l’emmenait même en voyage avec lui. La seule chose qu’il lui reprochait vraiment, c’était de lui faire porter cet horrible collier qui lui gâchait la vie. Mais que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir et rien n’est parfait en ce bas-monde. Il y a toujours un petit quelque chose qui cloche et dont on essaie de s’accommoder avec plus ou moins de réussite. Il faut tout de même avouer que le cas d’Aslan était pathétique et sincèrement je ne sais pas ce que cela m’aurait fait de devoir vivre avec un pareil carcan.


En tout cas Attila, lui, n’avait pas le moins du monde l’air de se douter qu’il faisait subir le martyr à cette pauvre bête. Il devait peut-être même se dire que son chien avait de la chance d’avoir un maître tel que lui, toujours aux petits soins et soucieux de son bien-être. Toujours est-il qu’Aslan vivait avec cette souffrance et ne parvenait pas à s’y faire.

J’aime beaucoup les labradors. Pour moi ce sont les plus beaux et les plus doux de toutes les races de chien. Personne n’a jamais vu un labrador prendre un air agressif ou se montrer menaçant, même quand la situation pourrait le justifier (à suivre…)