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VIES DE CHIEN (48)

Mercredi 25 Juillet 2012


Les enfants n’ont pas peur d’eux et adorent jouer avec eux. Quant aux adultes, ce sont à peu près les seuls chiens qui ne leur inspirent pas de la crainte et pour lesquels ils éprouvent toujours une certaine bienveillance. Tout le contraire de ces saletés de bouledogues, mastiffs et autres pitbulls qui sont non seulement d’une laideur repoussante mais également d’une cruauté inouïe. Un jour en écoutant la radio de mon maître j’avais appris qu’un pitbull appartenant à un riche toubab s’était attaqué à la domestique de ce dernier et avait bouffé l’avant-bras de la malheureuse.

Ces monstres figurent parmi les pires espèces d’animaux que l’on puisse trouver sur terre et ils sont la honte de la race canine. Jamais je ne me suis lié d’amitié avec un de ces abominables molosses et ce n’est certainement pas aujourd’hui que, devenu un féral, je fraierai avec ce genre de chiens si peu recommandables. Par contre les caniches, les bassets, les teckels et tous ces petits chiens si petits qu’on pourrait même les prendre pour des jouets ou des chiens en miniature, m’ont toujours paru sympathiques et mignons. Mais ceux qui me font le plus rire, ce sont les épagneuls avec leurs oreilles si longues qu’on dirait des éventails en mouvement qui balaient la poussière du sol.

Il m’arrivait d’en rencontrer parfois dans les rues de Ndar, trottant allégrement au bout d’une laisse tenue par leurs maîtres, invariablement des hommes ou des femmes de race blanche. Il faut dire que dans ce pays, les autochtones ont d’autres chats à fouetter et autre chose à faire que de s’occuper de chiens ! La recherche de la pitance quotidienne est une tâche à temps plein qui ne leur laisse pratiquement aucun autre loisir, à part la prière que pour rien au monde ils ne se permettraient de rater. Mais même si les gens d’ici ne mangent pas la viande de chien (comme c’est le cas dans d’autres pays voisins de Sunugaal), cela ne veut pas dire pour autant que ces quadrupèdes à museau mènent la belle vie.

Loin de là ! Aslan et moi avions beaucoup parlé de la condition de nos frères de race à Ndar et tous les deux, nous étions arrivés à la même conclusion : leur sort n’est en rien enviable et les chiens ayant, comme nous, la chance d’avoir des maîtres étrangers, pouvaient s’estimer heureux ! A part les chevaux qui, eux, vivent en état d’esclavage, sont maltraités de façon inouïe et exploités à mort, les chiens sont sans aucun doute les animaux les plus malheureux que l’on puisse trouver ici. D’ailleurs les chevaux ont un certain avantage sur eux, dans la mesure où ils ne sont pas victimes de cet anathème complètement archaïque qui plane sur la tête des chiens qui seraient presque les auxiliaires de Chéïtane et des transmetteurs de souillure.

Il arrive que des battues soient organisées dans le but d’exterminer les chiens lorsqu’ils commencent à devenir trop nombreux aux yeux des habitants de Ndar. Ils sont alors traqués sans pitié et tout ce qu’ils mangent est au préalable empoisonné. J’ai de mes propres yeux vu des centaines de cadavres de chiens crevés, le ventre ballonné et la gueule ouverte au soleil, jonchant certaines rues de Ndar et surtout la place Faidherbe où on les entassait avant d’aller les jeter dans des fosses communes, loin de la ville. Lorsque ces fosses étaient pleines, on les arrosait d’essence et l’on y mettait le feu. Une épaisse fumée noirâtre s’élevait et une horrible odeur de chair brûlée montait alors des fosses maudites, se faisant sentir à des kilomètres à la ronde. Je préfère m’abstenir de tout commentaire ou comparaison à propos de ces holocaustes à répétition, récurrents à Ndar et qui n’émeuvent personne (à suivre…)