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VIES DE CHIEN (52)

Mercredi 22 Août 2012

Je fis d’elle ma favorite car non seulement c’était, de loin, la plus belle chienne de sindoné, mais de plus elle était d’une fidélité à toute épreuve, contrairement aux autres chiennes qui n’hésitaient pas à se donner au premier cabot venu lorsqu’elles étaient en chaleur et que le désir les titillait. « La rue des djinns » devint notre nid secret nid où nous nous retrouvions chaque fois que le besoin s’en faisait sentir et, lorsque je passais en trottant fièrement devant sa maison, la chienne chocolat au lait poussait de petits aboiements brefs pour me témoigner son amour. Je m’enorgueillissais de posséder cette perle rare, qui n’appartenait qu’à moi et à moi seul, au grand dam des autres chiens qui mouraient d’envie et de jalousie. Evidemment, notre petit manège ne tarda pas à être découvert par les femmes de la maison de ma chienne préférée qui commencèrent à la taquiner. Une fois en passant devant la porte ouverte, je les entendis qui disaient : « Eh ! Bibi ! Voilà ton chéri qui passe ! Qu’attends-tu pour aller le rejoindre, saï-saï, petite coquine ! ».

C’est d’ailleurs ainsi que je sus que ma chienne s’appelait Bibi.
De l’enfer qu’elle avait été pour moi avant que je n’arrivasse chez mon maître, Ndar devint bientôt une ville bénie des dieux, un vrai petit paradis sur terre où j’aurais pu vivre pour l’éternité sans jamais m’ennuyer. A la maison j’étais plus que bien que traité ; j’étais gâté, chouchouté et chacun était aux petits soins avec moi. Mon maître lui-même me témoignait une telle affection que j’avais parfois l’impression qu’il me prenait vraiment pour un être humain. On eût dit qu’il m’aimait presque autant que ses propres enfants. Partout où il allait il m’emmenait avec lui et les habitants de sindoné, pour ne pas dire de tout Saint-Louis, avaient l’habitude nous voir ensemble. Nous étions devenus quasiment inséparables et une sorte d’osmose secrète s’était établie entre lui et moi. Les seuls moments où nous nous quittions, c’est lorsqu’il était à son bureau, c'est-à-dire le matin et l’après-midi jusqu’aux environs du crépuscule, heure à laquelle il rentrait à la maison en voiture. C’était alors une véritable fête pour moi et je manifestai toujours bruyamment ma joie de le revoir.

Mon maître menait une vie que beaucoup de gens devaient lui envier secrètement. Il était certes à l’abri du besoin, sans doute même était-il riche, mais il ne quittait jamais cette simplicité et cette égalité d’humeur qui faisaient qu’il était apprécié de tout le monde. C’étaient là les traits les plus naturels de son caractère et il n’avait donc pas besoin de faire d’efforts pour plaire aux gens ou se montrer aimable. Sa famille et lui jouissaient du plus grand respect auprès de leurs voisins du quartier de sindoné pour la plupart en proie aux affres de la pauvreté et auxquels ils apportaient une aide substantielle mais discrète. « Nit yu baax te am sutura » disait-on lorsqu’on parlait de la famille Sy à sindoné.

Malgré toute cette bonne réputation, il n’empêche que mon maître n’avait jamais accepté de céder au conformisme social ambiant. Il n’avait non plus jamais consenti à faire la moindre concession en ce qui concernait ses choix existentiels même si, comme je l’ai déjà dit, il avait adopté un comportement assez souple qui lui permettait d’être en paix avec son environnement immédiat. Pour expliquer certaines de ses attitudes qui pouvaient paraître à la limite anticonformistes, les gens de sindoné disaient de lui que c’était un « toubab » (….)