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VIES DE CHIEN (62)

Mercredi 7 Novembre 2012

Jusqu’au moment où nous fûmes séparés par le destin, je n’ai jamais réussi à trouver de réponses à ces questions et ce qui constituait peut-être l’essence de la personnalité de mon maître est demeuré pour moi un mystère définitif.
En Juillet 1999, exactement huit mois après mon arrivée dans la maison de mon maître, ses deux fils, Assane et Ousseynou, décrochèrent haut la main le Baccalauréat, obtenant même, l’un et l’autre, la mention « très bien ». Ce fut un grand moment pour toute la famille dont la joie fut partagée par les voisins qui avaient toujours apprécié la gentillesse et la politesse des jumeaux. Yacine était très fière de ses enfants dont la réussite consacrait sa réputation de mère exemplaire.

« Ces garçons ne pouvaient que réussir car leur mère est une épouse exemplaire » disaient les femmes du quartier pourtant si promptes aux critiques et à la médisance, mais qui ne pouvaient faire autrement que de reconnaître les qualités de la vertueuse Yacine Camara. Une grande fête fut organisée en l’honneur des heureux lauréats qui invitèrent tous leurs amis et camarades de classe. Grâce à leurs brillants résultats, tous les deux obtinrent une bourse d’études du gouvernement pour deux pays différents. Au mois de septembre, après deux mois de vacances bien agréables malgré l’hivernage pluvieux, Yacine, Salimata, mon maître et moi-même accompagnâmes les jumeaux jusqu’à l’aéroport de Dakar-Yoff où tous deux devaient embarquer dans le même avion jusqu’à Paris à partir d’où chacun prendrait une nouvelle destination. Assane se dirigerait vers la ville de Düsseldorf où il était inscrit dans un institut supérieur d’ingénierie mécanique.

Quant à Ousseynou, il resterait à Paris même pour y poursuivre des études philosophie et de littérature, matières dans lesquelles il avait depuis toujours excellé. Bien qu’ils fussent de parfaits jumeaux qu’il était aussi difficile de distinguer l’un de l’autre que deux gouttes d’eau, les deux frères avaient néanmoins des aptitudes intellectuelles différentes qui faisaient que, pour la première fois de leur vie, ils allaient être séparés et vivre en des lieux éloignés. Dans le hall de l’aéroport, l’émotion était palpable et les adieux furent évidemment très émouvants. La petite Salimata versa un torrent de larmes car c’était la première fois qu’elle allait être séparée de ses deux grands frères adorés qu’elle avait l’habitude de taquiner affectueusement en les appelant Dupont et Dupond. Aussi émus que leur petite sœur, les jumeaux firent de leur mieux pour la consoler en la serrant tour à tour dans leurs bras. Ils lui promirent de rester en contact permanent avec elle par internet et le téléphone et firent le serment de rentrer au pays dès qu’ils auraient terminé leurs études. Très triste elle aussi, Yacine fit preuve de plus de maîtrise que sa fille et passa son temps à prodiguer des conseils et ses maternelles bénédictions à ses jumeaux chéris.

Elle parvint tant bien que mal à ne pas laisser transparaître ses sentiments, mais lorsqu’ils furent appelés pour l’embarquement elle ne put s’empêcher d’éclater en sanglots. Voyant cela, son mari s’approcha d’elle et la prit dans ses bras pour la consoler. Les femmes, c’est bien connu, sont infiniment plus sensibles que les hommes et laissent plus facilement couler leurs larmes que les hommes. Jusqu’au moment où ses fils allaient rejoindre les autres passagers mon maître, lui, était resté zen et d’un calme olympien (à suivre…)