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VIES DE CHIEN (72)

Mercredi 16 Janvier 2013


Plus que quiconque, il était devenu apte à à communier avec les éléments naturels de l’environnement de Ndar : l’eau, le soleil, l’air saturé des effluves de l’océan et du fleuve, la lumière intense qui donne à chacune des couleurs de l’arc-en-ciel son éclat le plus vif.
********************
Un jour, alors que nous roulions en direction du village de Dakar-Bango où mon maître possédait un verger nous vîmes, à la hauteur du temple protestant de Khôr, un attroupement sur les bas-côtés de la route. Il n’y avait pratiquement que des femmes. Elles semblaient très excitées et riaient à gorge déployée à la vue d’un spectacle qui sortait apparemment de l’ordinaire. Mon maître qui répugnait d’habitude à la curiosité voulut tout de même en avoir le cœur net ce jour-là. Il ralentit donc, donna un coup de volant à gauche et immobilisa la voiture au bord de la route.

Dévoré par la curiosité, je me mis debout sur la banquette arrière où j’avais coutume de m’installer et sortis à demi la tête de la vitre ouverte. C’est alors que je vis, en même temps que mon maître, tout habillée de guenilles qui cachaient à peine la nudité de son corps maigre et crasseux, une folle en train d’exécuter une danse débridée, obscène, en poussant des cris brefs d’une voix suraiguë. Plantées au beau milieu de sa tignasse crépue, ébouriffée, quelques plumes d’épervier achevaient de lui l’air à la fois singulier et effrayant d’une prêtresse de quelque rite infernal consacré au malin en personne. La folle se trémoussait, trépignait, se déhanchait avec une furieuse frénésie pendant que les femmes qui faisaient cercle autour d’elle l’accompagnaient de battements de mains rythmés, se délectant de sa danse aux inimitables figures érotiques. C’était, il faut bien le dire, un spectacle franchement malsain mais il exerçait sur tous ceux qui regardaient une sorte de fascination indéfinissable, un attrait sauvage comme venu du fond des âges quand les hommes étaient presque des bêtes obéissant davantage à leur instinct qu’à une conscience encore à peine embryonnaire.

Mais alors, ma stupéfaction fut à son comble lorsque, regardant de plus près la folle en nage et partie pour une bamboula de plus en plus endiablée, je reconnus….Katy ! Katy, la petite concubine noire de mon ancien propriétaire toubab Michel Aristide Leputois ! J’étais littéralement ahuri et submergé par une foule de sentiments contradictoires. Je me demandai comment cette fille qui s’était tout entière et sans concession donnée au vice avait pu, en si peu de temps, tomber dans une telle déchéance…Le bruit du moteur qui redémarrait en trombe ne me laissa guère le loisir de trouver réponse à cette question qui était peut-être au fond insoluble. Sans doute écœuré par le hideux spectacle auquel il venait d’assister, mon maître avait préféré ne pas en rajouter et avait repris sa course en direction du verger de Dakar-Bango.

Je devinai qu’il avait hâte de humer le parfum des arbres fruitiers et d’écouter le chant mélodieux des oiseaux qui à coup sûr effaceraient les miasmes du triste film qu’il venait de voir. Je reconnaissais là bien mon maître : sensible et plein de compassion pour ceux de son espèce qui, à y regarder de près, ne méritaient pourtant pas toujours autant d’égards. Tragique était le destin de Katy : Mais que peut-on faire face à certaines chutes morales irrémédiables ? (à suivre…)


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1.Posté par zidane le 16/01/2013 20:34
cool texte: c'est Mbathio Ndiaye la danseuse!