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VIES DE CHIEN (Seconde partie)

Par Louis Camara

Dimanche 11 Septembre 2011

Je n’avais droit qu’aux caresses et aux câlins et bien évidemment il ne serait jamais venu à l’idée de personne de lever la main sur moi, sous peine d’être sévèrement réprimandé. Plus d’une boniche s’était vue renvoyée manu militari tout simplement parce qu’elle avait négligé de me donner à manger ou pire, avait osé me donner un coup de pied sournois sous prétexte que j’avais menacé de la mordre ce qui, bien sûr, n’était que mensonge car je m’étais donné comme règle d’airain de ne jamais m’attaquer à un être humain. A l’une d’entre ces employées de maison qu’il venait de renvoyer et qui, voyant qu’elle n’avait plus rien à perdre, avait répondu avec insolence qu’après tout je n’étais qu’un chien, ce dernier avait rétorqué que cela était sans doute une vérité mais qu’il était tout aussi vrai que je valais certainement mieux qu’elle dans la mesure où c’est elle qui était obligée de faire ses valises. Piquée au vif, touchée dans son amour-propre, la bonne avait tenté une dernière pique assassine : « Le chien et son maître sont de la même espèce »…Mal lui en prit ! Une gifle retentissante avait accompagné la fin de son insultant adage et mon maître l’avait mise à la porte sans ménagement et sans même lui payer son dû. Partie de la maison en sanglots, elle était néanmoins revenue le lendemain, flanquée de sa vieille grand-mère à qui mon maître, respectueux des personnes âgées, avait expliqué ce qui l’avait opposé à sa petite-fille et rapporté les vilains propos qu’elle avait tenus à son endroit. Indignée par l’outrecuidance de sa petite-fille dégénérée, la vieille femme s’était mise à pleurer et mon maître, pris de pitié, lui avait remis la paie de la bonne en guise de consolation. La pauvre vieille toute confuse, s’était confondue en excuses et en remerciements. Puis toutes deux étaient reparties, la fille devant, honteuse et renfrognée, sa grand-mère derrière, bénissant mon maître de sa voix chevrotante et louant tout autant sa bonté. Ce jour là je compris combien mon maître m’estimait et tenait à moi. Mon affection pour lui, déjà très grande, redoubla d’intensité et je me jurai de lui rester fidèle jusqu’à ma mort. Dans mon for intérieur, je ne cessai de louer Anubis, le dieu de tous les chiens (même s’il a une tête de chacal) et la providence de m’avoir favorisé en me faisant tomber sur un être humain aussi exceptionnel.

En fait, mon maître n’était pas le premier propriétaire que j’avais eu. Il n’était même pas le second ni le troisième, mais bien le quatrième entre les mains duquel je passai et lorsque j’avais atterri chez lui presque miraculeusement (de cela je reparlerai plus tard), j’étais déjà un chien adulte et j’avais déjà vécu un certain nombre d’expériences au cours de mon existence ou plutôt, de mes trois vies antérieures car à nous autres, chiens, le bon Dieu a accordé le privilège de vivre sept vies. Eh oui ! La vie de chien n’est pas toujours drôle ni facile et l’humanité ne nous fait pas de cadeaux, pour ne pas dire qu’elle nous en fait voir de toutes les couleurs. Partout nous sommes battus, traqués, torturés, mangés même et dans l’histoire des hommes nous avons toujours été les victimes toutes désignées des pires holocaustes. Sacrifiés sans pitié sur des autels de pierre, on nous a dépecés, émasculés, arraché le cœur, les viscères et tous les organes pour en faire je ne sais quels maléfiques talismans. Noyés ou tués à coups de bâton, notre chair est servie dans des feuilles de bananier encore aujourd’hui dans certains pays du monde dont les populations raffolent de notre viande.

Non content de tout cela, on nous accuse d’être les porteurs de toutes sortes de malheurs et maléfices et nous sommes l’objet d’une méfiance viscérale chez de nombreux peuples du monde comme par exemple ces tocards de Bouriates qui racontent que le bon Dieu avait jeté sur notre ancêtre à tous, le premier chien de la création, l’anathème suivant : « Tu souffriras toujours de la faim, tu rongeras des os, et tu mangeras les restes de la nourriture des hommes qui te roueront de coups ». Et pourtant, malgré toutes les atrocités commises sur notre espèce au fil des siècles, nous sommes restés les plus fidèles amis de ces barbares d’êtres humains…