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Vies de chien (21)

Mardi 17 Janvier 2012

Commença alors une authentique histoire d’amour entre le lieutenant d’infanterie coloniale Malick Sy et la belle aristocrate Elizabeth Senghor que tout le monde appelait « Liza ». A près l’inoubliable soirée qu’ils avaient passé au mess des officiers du Rognat, les deux jeunes gens s’étaient promis de se revoir et des liens idylliques n’avaient pas tardé à se nouer entre eux. En raison de sa beauté mais également de ses origines, Liza avait toujours été l’objet de la convoitise des hobereaux nègres ou métis de Ndar qui voyaient en elle une perle rare et l’un des meilleurs partis de l’île tout entière ; aussi la nouvelle de sa liaison avec Malick Sy fut elle considérée comme un véritable scandale, déclenchant une levée des boucliers dans les milieux huppés des descendants des Signares. Ragots et commentaires malveillants allaient bon train, mais les deux tourtereaux n’en avaient cure et continuaient de filer le parfait amour au vu et au su de tout le monde.

On les voyait maintenant partout ensemble : dans les bals, les magasins chics, les restaurants les plus chers, les dancings à la mode comme « La chaumière » et tous les lieux de plaisir prisés des membres de l’aristocratie Saint-louisienne. Tout entiers absorbés par l’amour passionné qu’ils se vouaient l’un l’autre, Malick et Liza se montraient partout sans aucune gêne, au grand dam de la famille de la jeune femme qui ne voulait pas entendre parler de cette liaison qui la dérangeait profondément. Pour tonton Jacques, oncle paternel de Liza dont le propre père était mort alors qu’elle n’était encore qu’une toute petite fille, il n’était pas question que sa nièce contractât une « mésalliance » avec un « type sorti d’on ne savait où et par-dessus le marché un musulman ! ».

Et en effet, les membres de la famille de Liza, « gourmettes très conservateurs, avaient depuis plusieurs générations, pris l’habitude de pratiquer une sorte d’endogamie avec les branches cousines de Gorée et de Dakar. Ils organisaient des mariages « arrangés », ce qui était une manière de bloquer les « infiltrations » indésirables et de perpétuer la vieille tradition judéo-chrétienne nègre des gourmettes. Ce singulier système matrimonial avait semblait-il fonctionné jusque là sans anicroche.

La relation amoureuse de Liza avec ce jeune sous-officier musulman était donc comme un gros pavé dans la mare des gourmettes de Ndar qui, à part quelques rares exceptions, la regardaient d’un très mauvais œil. Cela était même devenu leur principal sujet de conversation et certains s’étaient juré d’y mettre un terme. Les pressions exercées sur Liza par sa famille, mais également sur Malick par d’autres voies, pour leur faire lâcher prise n’eurent aucun effet sur eux. Bien au contraire, ils continuèrent à s’aimer contre vents et marées et à savourer leur bonheur envers et contre tous. Malick adorait Liza qui le lui rendait bien. Il la couvrait de présents plus somptueux les uns que les autres et écrivait à longueur de journée des poèmes d’amour enflammés pour elle. Bien qu’il n’eût pas réussi à se faire accepter de la famille de Liza, on ne lui avait néanmoins pas fait l’affront de lui interdire l’accès de la maison familiale où la jeune femme vivait seule avec sa mère et une vieille domestique du nom de Marie issue d’une famille captive de celle de Liza.

C’était d’ailleurs Marie qui accueillait toujours Malick à la maison et avertissait Liza de son arrivée car la mère de la jeune femme, elle, préférait s’enfermer dans sa chambre pour ne pas voir ce roturier musulman à cause de qui elle en voulait à mort à sa fille. La vieille Marie, qui avait de la sympathie pour Malick, le faisait entrer dans le grand salon cossu. (à suivre…)