Connectez-vous
NDARINFO.COM
NDARINFO.COM NDARINFO.COM
NDARINFO.COM
Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable
Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte

Le Sénégal et la montée des eaux : une erreur humaine accentuée par les changements climatiques

Jeudi 2 Novembre 2023

En 2003, le gouvernement du président sénégalais Abdoulaye Wade décide d’ouvrir une brèche dans la Langue de Barbarie afin de lutter contre les inondations et de faciliter le passage des pêcheurs vers la mer [1]. Cette brèche dans la mince péninsule qui est près de la ville de Saint-Louis passe de quatre mètres à plus de cinq kilomètres de large [2]. Cela entraine un impact considérable sur l’écosystème ainsi que sur l’activité humaine. Le problème est aggravé par l’effet des changements climatiques sur les eaux [3].


Le Sénégal et la montée des eaux : une erreur humaine accentuée par les changements climatiques
Un défi pour l’homme et la nature

La décision d’ouvrir une brèche dans la Langue de Barbarie est prise dans le but de réduire l’impact des crues importantes provenant du fleuve. Cependant, un facteur n’a pas été pris en compte lors de cette décision, soit la rencontre des eaux douces avec les eaux salées de l’océan. Selon le professeur Aldiouma Sy, de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, un bouleversement du milieu aquatique vient augmenter la salinité de l’eau, ce qui tue les espèces natives ne réussissant pas à s’adapter [4].

De plus, l’érosion est accélérée par la brèche, ainsi que par les impacts du changement climatique. Près de 800 mètres de littoral ont été grugées en moins de 10 ans [5]. Pour essayer de créer une bande riveraine naturelle pouvant réduire la rapidité de l’érosion, des plantations de filao ont été insérées sur les portions restantes de la Langue de Barbarie [6].

Au-delà de l’effet sur le milieu aquatique et l’érosion de la terre, la population en paye également le prix. L’une des activités économiques importantes sur la région côtière est la pêche. Or, l’encombrement que pose la situation au Sénégal nuit à ces activités. En effet, la population doit parcourir une plus grande distance afin d’accéder à des eaux propices à la pêche. La situation est vécue assez négativement par la population, au point où certains poussent leurs enfants à émigrer vers d’autres pays tels que l’Espagne afin de poursuivre une autre vocation [7]. De plus, la perte de surface permettant le développement agricole diminue la disponibilité de produits locaux pour la population, nécessitant un plus grand déplacement de sa part afin d’obtenir les produits qui étaient disponibles plus facilement auparavant [8].

Le problème de la montée des eaux continue de s’aggraver avec le temps. Un déracinement des 80 000 habitants de la Langue de Barbarie a eu lieu depuis la brèche de 2003. La population doit se relocaliser graduellement de plus en plus près de Saint-Louis, ce qui crée également une difficulté d’accès à un logis pour certains. Certains doivent se contenter de « logements » qui ressemblent plus à des campements militaires [9].

Une course aux solutions temporaires pour Saint-Louis

Pour faire face à la situation de la montée des eaux, le gouvernement sénégalais lance en 2018 le Projet de relèvement d’urgence et de résilience (SERRP) [10]. Son objectif est de ralentir la montée des eaux par l’aménagement d’une bande de sécurité de vingt mètres de large et d’une longueur de 3,5 kilomètres. Bien que ce projet soit une solution temporaire, il peut donner un sursis pour trouver une solution durable. Ce projet nécessite une relocalisation de la population qui occupe la surface visée pour la construction de la bande. Selon les données, il faut reloger 15 000 personnes d’ici 2025 [11]. Pour aider à la construction de plus de 10 000 logements permanents, la Banque mondiale finance 85 millions de dollars, les deux tiers sous forme de don [12].

Malgré l’aide liée au SERRP, la population continue de vivre des situations difficiles qui nécessitent une aide plus grande de l’État pour les activités économiques de la population. Alors que le gouvernement de l’époque disait faire la brèche pour aider la population à traverser pour aller à la pêche, Ameth Sène Diagne, ancien chef de l’île engloutie Doune Baba Dièye, affirme que la population ne voulait pas de la brèche et que la décision à forte répercussion a été faite sans consulter la population qui en subit les dégâts [13].



Références:

[1] CHAYET, Delphine, « Au Sénégal, la montée de l'océan condamne les pêcheurs de Saint-Louis au repli », Le Figaro, no. 24326, 7 novembre 2022, p.4, URL : https://www.lefigaro.fr/sciences/au-senegal-la-mon... consulté le 11/09/2023.

[2] ASSOKO, Joël Té-Léssia, « Sénégal : 50 millions de dollars en renfort contre l'érosion côtière », Jeune Afrique, 14 septembre 2020, URL : https://www.jeuneafrique.com/1042257/economie-entr... consulté le 11/09/2023.

[3] BAILLARGEON, Stéphane, « Saint-Louis du Sénégal, ville naufragée », Le Devoir, 22 août 2020, p. B1, B2 et B3, URL : https://www.ledevoir.com/monde/afrique/584628/le-d... consulté le 11/09/2023.

[4] Ibid.

[5] MOUCHON, Frédéric, « Avec les sinistrés du climat au Sénégal », Le Parisien, Ma Terre, 7 novembre 2022, p. MAIN48, URL : https://www.leparisien.fr/environnement/avec-les-s... consulté le 11/09/2023.

[6] BAILLARGEON, op. cit.

[7] Ibid.

[8] ROKHY BA, Malick, « Là où l'océan bouscule les hommes », Le Point, 1er décembre 2015, URL : https://www.lepoint.fr/monde/climat-au-senegal-l-o... consulté le 11/09/2023.

[9] MIAN, Marzio G., « Au Sénégal, des sans-abri du climat préfèrent sombrer plutôt qu’abandonner leurs terres », Le Temps, 23 juin 2023, p. z4, URL : https://www.letemps.ch/monde/afrique/au-senegal-de... consulté le 17/09/2023.

[10] APS, « Langue de Barbarie : Les sinistrés veulent de meilleures conditions de vie », Le Quotidien, 15 octobre 2019, URL https://lequotidien.sn/langue-de-barbarie-les-sini... consulté le 11/09/2023.

[11] NDIAYE, Oumar K, « Projet de relèvement d’urgence et de résilience de Saint Louis (SERRP) », Agence de développement municipale, juin 2022, URL : https://www.adm.sn/sites/default/files/SERRP/Rappo... consulté le 11/09/2023.

[12] ASSOKO, op. cit.

[13] BAILLARGEON, op. cit.

Référence consultative

SY, Boubou Adiouma, « "Brèche" ouverte sur la Langue de Barbarie à Saint-Louis esquisse de bilan d'un aménagement précipité », Paris, Éditions L’Harmattan, 2015.

Dernière modification: 2023-09-25 15:34:36

-N.D.L.R.: Il est possible que des hyperliens actifs au moment de la recherche et de la rédaction de cet article ne le soient plus ultérieurement.


Source : https://perspective.usherbrooke.ca/
 


Nouveau commentaire :
Facebook Twitter

Merci d'éviter les injures, les insultes et les attaques personnelles. Soyons courtois et respectueux et posons un dialogue positif, franc et fructueux. Les commentaires injurieux seront automatiquement bloqués. Merci d'éviter les trafics d'identité. Les messages des faiseurs de fraude sont immédiatement supprimés.