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Aminata SOW FALL, une écrivaine sénégalaise talentueuse et discrète, animée d’une compassion pour les exclus. Par M. Amadou Bal BA.

Vendredi 29 Avril 2016

Grande dame des Lettres africaines, auteur d’œuvres inscrites au programme d’enseignement, Aminata SOW FALL témoigne, par son importante contribution littéraire, d’une bienveillance et d’une attention particulière aux sans-voix, aux rébuts de la société. Mme SOW FALL, femme discrète et modeste fuyant la lumière, préfère rester à l’ombre. «Je ne fais que ce que j’ai à faire et ce que je sais faire. Et ce que je sais faire, c’est écrire. J’y mets toute ma passion et mon énergie. Je ne cherche pas à me faire voir, à me créer une audience» dit-elle. Observatrice attentive de la société sénégalaise en pleine mutation, Mme SOW FALL est une écrivaine engagée pour l’égalité et la fraternité.


Humaniste et dotée d’une satire inégalée, Mme SOW FALL dénonce les maux dont souffre la société sénégalaise. L’attention qu’elle porte aux autres m’a profondément bouleversé. Sa production entamée avec «Le Revenant» en 1976 et qui se poursuit est une véritable sociologique de la société sénégalaise. Ses premiers textes comme «Le Revenant» et «La Grève des Bàttu» en 1979, devenus des classiques, révélaient déjà une écriture engagée, visionnaire et d’une dimension esthétique incontestablement séduisante.


L’auteure aborde, avec justesse presque, les problèmes les plus immédiats auxquels les Africains sont confrontés, sans oublier les grandes questions de l’heure, telles l’émigration, «Douceurs du bercail», en 1998 et les politiques de développement de la Banque mondiale «Festins de la détresse», 2005. Mme SOW FALL se pose des questions à dimension universelle, tout en étant profondément enracinée dans ses valeurs sénégalaises : «Comme toutes les littératures, la littérature africaine pose les problèmes de l’humain. Toute littérature, d’où qu’elle soit pose toujours le questionnement essentiel que tout être humain se pose : qui suis-je ? Comment survivre ? Comment échapper à la mort ? Ce sont des questions immuables auxquelles les hommes cherchent des solutions. (…). Dire que je suis sénégalaise ne me dispense pas d’être universelle. Toute œuvre littéraire, artistique a une vision d’éternité. Même lorsque l’auteur ne pose pas le problème, ce sont ces problèmes qui ressortent. Regardez tout ce que Mariama BA écrit sur la polygamie.


Toutes les femmes, toutes les personnes qui ont lu son livre ne connaissent pas ces problèmes. Mais ce qu’ils ont perçu, c’est la souffrance, c’est la condition humaine, le destin de l’être humain dans ses aspirations, dans ses oppressions, dans ses questionnements, ses émotions. Et tout ça, c’est humain. C’est tout cela qu’on partage avec l’humanité, avec l’universel. La littérature africaine est universelle » souligne t-elle.

 

Née à Saint-Louis le 27 avril 1941, Mme FALL est issue d’une vieille famille de cette ville. «J’habite Saint-Louis qui est une île, une île jetée sur le fleuve comme une chaussure, le grand bras d’un côté, le petit bras d’un côté. Chaque fois que je me réveillais le matin, du balcon de ma maison, j’apercevais la mer. C’était une invitation au rêve, au départ, à l’infini» dit-elle. Sérieuse, intelligente et travailleuse, après quelques années passées au Lycée Faidherbe, elle finit le cycle secondaire au lycée Van Vollenhoven de Dakar (Lamine Guèye).



Elle se rend ensuite en France où elle prépare une licence de lettres modernes. Elle se marie en 1963 puis elle rentre au Sénégal où elle devient enseignante. Dans son itinéraire professionnel, Mme SOW FALL s’est fixée un objectif majeur : «vaincre les nouveaux défis, pour conserver notre intégrité physique, morale, spirituelle et matérielle» dit-elle. Aussi, Mme SOW FALL travaille ensuite dans le cadre de la Commission Nationale de Réforme de l’Enseignement du Français. Elle fut de 1979 à 1988 directrice des Lettres et de la Propriété intellectuelle au ministère de la Culture et directrice du Centre d’Etudes et de Civilisations. Mme SOW FALL est aussi la fondatrice de la maison d’édition Khoudia, du Centre Africain d’Animation et d’Echanges Culturels (CAEC), du Bureau Africain pour la Défense des Libertés de l’Ecrivain (BADLE) à Dakar, et du Centre International d’Etudes, de Recherches et de Réactivation sur la Littérature, les Arts et la Culture (CIRLAC) à Saint-Louis. Elle est Docteur Honoris Causa du «Mount Holyoke College», «South Hadley», «Massachusetts» ainsi que d’autres établissements universitaires.
 

Mme SOW FALL a été couronnée du grand prix de la littérature d’Afrique et du grand prix international pour les lettres africaines, pour sa brillante contribution littéraire sur la fonction sociale de l’écriture. «La littérature doit évoluer et dépasser le stade de réhabilitation de l’homme noir. J’ai pensé que l’on pouvait créer une littérature qui reflète simplement notre manière d’être, qui soit un miroir de notre âme et de notre culture. Je me suis mise à écrire comme modèle la société dans laquelle je vivais» dit-elle. Ainsi, «La grève des Bàttu» relate l’histoire d’une grève imaginaire de ces mendiants pour montrer leur importance dans la société. Les hommes au pouvoir considèrent les mendiants comme des «déchets humains» qui défigurent la ville et qui entravent le développement du tourisme. Mour N’DIAYE, un haut bureaucrate plein d’ambitions décide donc de se débarrasser une bonne fois pour toute de ces indésirables. Plus exactement il en chargera son adjoint zélé, Kéba DABO et ne veut plus entendre parler de ces mendiants. Il y a donc deux camps qui s’affrontent. Les puissants ne lésinent pas sur la violence et expédient les mendiants à deux cents kilomètres de la ville. Mais ces derniers sont solidaires entre eux. Ils refusent d’être frappés et humiliés surtout, ils sont conscients de la place qu’ils occupent dans la société.


Leur grève a des conséquences déroutantes pour les puissants. Très rapidement, Mour lui-même eut besoin d’eux pour la réalisation d’un sacrifice qui allait lui attribuer le poste de vice président, mais ces derniers lui refusèrent leur aide. Mour voit alors son rêve s’écrouler avec la nomination du ministre de l’intérieur Toumané TOURé au poste de vice-président. Ce roman est une interaction du social et du politique. Les individus ravalés au rang de «déchets humains», n’ont pas totalement perdu tout ce qui leur reste, la dignité.

Dans «Le Revenant» ce sont les grands moments de la vie des individus et du groupe social qui articulent le récit : le mariage, le baptême, les funérailles et les réceptions des grandes dames, «Driankés». Avec les dépenses somptuaires que génèrent ces événements, la société traditionnelle africaine se trouve bousculée par l’argent-roi, la soif de reconnaissance ou de promotion sociale. La société monolithique, hiérarchisée par la naissance et solidaire, vacille en raison de ces nouvelles valeurs.

«L’appel des arènes» situe le récit à Dakar. Les deux jeunes hommes fréquentent les arènes de différentes manières. Sory est dans la périphérie. Nalla vit les arènes de l’intérieur grâce à l’amitié qui le lie aux deux lutteurs, André et Malaw. Le personnage de Sory, permet de découvrir l’environnement des arènes, la vie nocturne de Dakar mais aussi la dureté du quotidien. «L’aliénation est assurément la plus grande mutilation que puisse subir l’homme» dit Mme SOW FALL. La tradition se meurt.

«Douceurs du bercail», Mme SOW FALL écrit, de façon visionnaire, sur le thème de l’immigration. «Pour Douceurs du bercail, je n’ai pas choisi un thème d’actualité. J’ai écrit ce livre en 1981 et il n’était pas encore question de charters, de sans-papiers etc. Mais j’avais déjà perçu la mentalité de la jeunesse africaine à cette époque. C’était toujours du  » on ne peut rien faire ici « . Et j’ai pensé qu’il fallait écrire pour sensibiliser. J’aurais du mal à prouver que ce livre a été écrit au début des années 80 s’il n’y avait pas ce numéro de Notre librairie daté de 1982 dans lequel on me demandait le sujet de mon prochain livre et où j’avais répondu l’immigration. Aujourd’hui, ce sujet est devenu un sujet d’actualité», dit Mme SOW FALL. Notre écrivaine délivre, à ceux qui sont encore tenté par l’immigration, un message d’espoir : « Le plus dur aujourd’hui est que l’espoir s’en va. Aimons notre terre ; nous l’arroserons de notre sueur et la creuserons de toutes nos forces, avec courage. La lumière de notre espérance nous guidera, nous récolterons et bâtirons. Alors seulement nous pourrons emprunter les routes du ciel, de la terre et de l’eau sans être chassés comme des parias. Nous ne serons plus des voyageurs sans bagages. Nos mains calleuses en rencontreront d’autres en de chaudes poignées de respect et de dignité partagée », dit-elle.


«Festin de la détresse», c’est le titre fort révélateur qu’a choisi l’écrivaine sénégalaise Aminata Sow Fall pour dénoncer « ceux qui se nourrissent de la détresse des autres ». Dans ce roman, Mme SOW FALL souligne, avec beaucoup de sensibilité et de bon sens que son pays et par là l’Afrique, doit rompre avec le cercle vicieux des pseudos projets « d’aide au développement » et de corruption encouragés par l’Occident.

 

«Le jujubier du patriarche» évoque la question complexe de la mémoire africaine, tissée autour d’un chat, le chant qui célèbre les lignées des héros antiques, des bâtisseurs et des grands guerriers. L’enjeu de la mémoire c’est la place qui revient aujourd’hui à chacun au sein de la société. Mais le tissage peut aussi être déchiré par l’intrusion du monde « moderne » qui suit les Indépendances. Un foisonnement de personnages, de temps, de castes, et partout, toujours, les mots qui figent ou qui brisent. Narrations et dialogues, paroles de griots, de femmes, de chefs nous emmènent en procession jusqu’au jujubier du patriarche où devra s’accomplir la renaissance.
 

«L’ex-père de la nation» est un roman qui trace le portrait d’un homme de coeur qui devient président de son pays.

Dans « Un grain de vie et d’espérance», Aminata SOW FALL agrémente ce roman de toutes les saveurs culinaires du Sénégal, comme le Thiébou Dieun, le Mafé, le Yassa, etc.

Bon anniversaire, longue vie et bonne santé à Mme Aminata SOW FALL qui vient de fêter, pour le bonheur des amoureux des Lettres, ses 75 ans.
 

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE

1 – Contributions de Mme Aminata SOW FALL

SOW FALL (Aminata) Douceurs du bercail, Dakar/Abidjan, Editions Khoudia, et Nouvelles éditions ivoiriennes, 1998, 224 pages ;

SOW FALL (Aminata), Ex-Père de la nation, Paris, L’Harmattan, 1987, 189 pages ;

SOW FALL (Aminata), Festin de détresse, Paris, éditions d’En Bas, 2005, 158 pages ;

SOW FALL (Aminata), La Grève des Bàttu, ou, les déchets humains, Dakar, Les Nouvelles Editions Africaines, 1981, 131 pages ;

SOW FALL (Aminata), Le Jujubier du Patriarche, Paris, Serpent à plumes, 1998, 188 pages ;

SOW FALL (Aminata), Le Revenant, Dakar, Les Nouvelles Editions Africaines, 1976, 125 pages ;

SOW FALL (Aminata), Sur le flan gauche du «Belem», Paris, Actes Sud, 2002, 39 pages ;

SOW FALL (Aminata), Un grain de vie et d’espérance, Paris, Truffaut, 2002, 141 pages ;

SOW FALL, L’Appel des arènes, Dakar, Les Nouvelles Editions Africaines, 1993, 155 pages.

2 – Critiques de Mme Aminata Sow Fall

BONI-SIRERA (Jacqueline), «Littérature et société : étude critique de La Grève des Battu d’Aminata Sow Fall», in Revue de littérature et d’esthétique nègre africaine, 1984 n°5, pages 59 à 89.

BORGOMANO (Madeleine), Lectures de l’appel des arènes d’Aminata Sow Fall, Paris, N.E.A, 1984, 80 pages ;

CABAKULU (Mwamba) CAMARA (Boubacar), Comprendre et faire comprendre la grève des Bàttu, préface du professeur Oumar Sankaré, Paris L’Harmattan, 2002, 128 pages ;

DIAW (Alioune) et DIOP (Cheikh), Aminata Sow Fall, itinéraire d’une pionnière, Paris, Alliance française Lecce, 2015, 270 pages ;

GUEYE (Médoune), Aminata Sow Fall, oralité et société dans l’œuvre romanesque, Paris, L’Harmattan, 2005, 197 pages ;

N’DOW (Isatou), La technique romanesque dans les œuvres d’Aminata Sow Fall, Dakar, Faculté des lettres et sciences humaines, 2000, 132 pages ;

LAMBERT (Fernando) «Aminata Sow Fall, romancière sénégalaise : l’écriture et sa fonction sociale», QUEBEC FRANÇAIS, 1987, n°65, pages 20-22.

Paris, le 28 avril 2016 par M. Amadou Bal BA – http://baamadou.over-blog.fr/



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