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"Sauve-qui-peut à Baya Ndar " (2) : Une nouvelle de Louis Camara

Jeudi 29 Février 2024

Mais trêve de jérémiades et revenons à nos moutons. Je disais donc qu’après avoir donné la dépense à Sooda, ma bonne, pour qu’elle prépare le repas de midi, je me suis rendue au siège du parti où il y avait déjà un monde fou, surtout des femmes. Évidemment  les griots  étaient aussi de la partie et faisaient vibrer l’air du rythme endiablé de leurs tam-tams et de leurs tamas en délire. Homme et femmes les accompagnaient en battant des mains et chantant joyeusement des airs à la gloire de notre leader. Des slogans ravageurs étaient lancés à la cantonade à l’endroit des partis d’opposition qui ont déjà commencé à battre campagne en prélude aux élections présidentielles toutes proches.                               

                                       
Arrivée sur les lieux j’ai retrouvé mes amies : Adja Coumba Diouf toujours aussi courte sur pattes et laide comme un crapaud, Anta Seck, bavarde comme une pie, Naar Sidibé de Goxumbaac, Yacine Mbodj et toute la petite clique de notre comité de soutien, habillées comme des princesses, parfumées des pieds à la tête, claires comme des tomates bien mûres, sauf bien sûr la pauvre Adja Coumba Diouf, noire comme du charbon de bois, parce que son tyran de mari lui a interdit d’utiliser des produits de beauté sous prétexte que cela est contraire à la religion. Mes amies parlaient toutes en même temps à tue-tête et en gesticulant sans retenue.

Dès qu’elles m’ont aperçue elles se sont mises à pousser des cris de joie et se sont précipitées vers moi pour me faire des bisous sonores et surtout, me féliciter pour ma magnifique ndoket, ma peau très claire et ma superbe coiffure en cheveux naturels qui à leurs dires, ressemblait à celle de madame Baye Waly. Bien sûr je savais à quoi m’en tenir avec leurs propos flatteurs et leurs compliments douteux, mais il faut toujours faire semblant d’apprécier même si l’on sait qu’au fond de leur cœur brûle le feu mauvais de l’envie et de la jalousie. Après ces bruyantes et superficielles manifestations d’amitié, je me suis fondue dans leur petit groupe et j’ai continué avec elles la conversation qu’elles entamée avant mon arrivée et qui tournait autour des élections ainsi que des chances de notre parti, AJ/PEDS, emmené par notre digne et brillant leader, Baye Waly !                                               

AJ/PEDS ! And Jafandu / Parti de l’Emergence et de la Démocratie Sociale ! Ce nom aux résonnances grandioses qui fait vaciller les militants de tous les autres partis politiques et fait aussi trembler leurs leaders qui sont parfaitement conscients de leur petitesse face au nôtre !...Nous étions donc là, debout sous le chaud soleil, accueillant les militantes et surtout les militantes qui affluaient de tous les quartiers de la ville : de Loodo, de Sindooné, de Balacoos, de Jammagen, de Pikine, de Soor-Diagne, de Guet-Ndar, Santhiaba, Goxumbaac et même de Boppu Coor. La foule grossissait de minute en minute et bientôt il n’y eut plus un pouce de terrain où poser le pied aux alentours du siège du parti. Les sabars rivalisaient d’ardeur avec les  tabalas des maures, les jembés des bambaras  de Pomuxoor et le rythme endiablé des tamas au son desquels des femmes de tous âges se déhanchaient sans complexe.

Certaines exécutaient des danses si osées qu’elles faisaient fuser des exclamations  médusées de la foule ébahie par tant d’audace. Il y avait aussi une délégation de Peulhs venus du village de Mpal avec leurs riitis et leurs chansons mélancoliques qui nous faisaient chavirer, je t’assure. Mais le plus extraordinaire, c’était une petite chorale d’élèves de l’école primaire qui avaient entonné « Baye Waly », l’air un peu vieilli mais toujours entrainant du chanteur Ouzin Ndiaye ; certes cette magnifique chanson n’avait à l’origine pas été composé pour notre leader mais plutôt pour un autre grand monsieur, décédé il y a peu (que son âme repose en paix).  Néanmoins, pour la circonstance, elle convenait parfaitement et ne pouvait manquer de faire plaisir  à notre leader qui, en parfait mélomane, aime la musique autant que la danse. D’ailleurs il lui arrive parfois d’esquisser quelques élégants pas de salsa au cours d’une réunion politique ou en plein conseil ministériel.  Devant le siège du parti donc, l’ambiance était surchauffée et les gens se défoulaient comme ils semblaient ne l’avoir jamais fait de leur vie. Personne ne sentit les heures s’égrener.

Le temps s’écoula lentement jusqu’au moment où le responsable local et porte-parole du parti prit le micro pour annoncer que Baye Waly allait arriver d’un moment à l’autre et qu’il était temps de se rendre tous à Baya Ndar pour lui réserver un accueil royal. La nouvelle fut aussitôt suivie d’un tonnerre de rythmes divers, se mêlant aux cris et aux you-you d’enthousiasme délirants et aux coups de feu tirés en l’air par les maures venus de Goxumbaac avec quelques vieilles pétoires, des mëqdoom antédiluviens, sortis tout droit de la préhistoire. Cela faisait un bruit d’enfer !                                 

Les différentes délégations s’ébranlèrent alors et formèrent un long cortège, bigarré, bruyant à souhait, laissant dans son sillage une longue traînée de poussière qui se mélangeait aux fortes vapeurs de transpiration dégagée par la foule immense des militants. Instinctivement, je m’étais mise à fredonner le refrain de l’inoubliable chanson du grand Ouzin Ndiaye l’homme à la voix d’or :                                                                                                         
« Baay Waaly Yaay sama doomu yaay                                                                                           
Baay Waaly booy dèm yobbaleema »                       

Mes copines du comité de Ndiolofène et moi-même étions folles de joie, et c’est en chantant à tue tête et battant des mains que nous arrivâmes à Baya Ndar, l’ancienne place Faidherbe, devenue une vaste esplanade de béton reliant les deux grands bâtiments « rognons » et pouvant accueillir l’immense foule qui était sur le point de la prendre d’assaut. Je trouve que c’est une excellente idée d’avoir déraciné les vieux arbres et dégagé ces bancs de pierre qui ne servaient à rien d’autre que pouvoir venir se prélasser ou prendre l’air et respirer l’odeur du gazon. Ces choses là, c’est bon pour les toubabs, nous nous avons besoin d’espace pour organiser nos sabars, nos sargals, nos xawaré, nos tann-beer, nos ndajé, nos takkusaanu ndar et aussi des méga-concerts où peuvent venir se produire nos artistes et chanteurs de mbalax, pour le plus grand plaisir des jeunes qui de ce fait ne sont plus tentés par les pirogues de la mort. Je trouve que c’est un excellent moyen pour lutter contre le « barça walla barsaq », l’émigration clandestine, qui est en train de décimer notre jeunesse. Cela peut aussi permettre de diminuer la violence et les manifestations de l’opposition dont le seul but est de saccager les biens d’autrui. Iniane rek ! Mais c’est vrai que la musique a un effet bénéfique, elle adoucit les mœurs et rend pacifique. Surtout nak le mbalax !  Pour en revenir à nos moutons ou plutôt, à notre meeting, peu de temps après notre arrivée à Baya Ndar, nous entendîmes s’élever les hurlements des sirènes des motards et les coups de klaxon suraigus des 8/8 qui encadraient la rutilante Limousine décapotable de Baye Waly.

Le cortège de notre leader était suivi d’une grosse 4/4 à l’arrière de laquelle reposait une sono hyperpuissante qui distillait de la musique à plein régime. Bientôt nous vîmes, debout dans sa voiture, radieux, les bras levés au ciel et coiffé d’une toque à la Sékou Touré, Baye Waly, notre leader bien-aimé, celui qui fait battre nos cœurs chaque fois que nous pensons à lui, l’incomparable, le meilleur de tous les hommes politiques qu’ait connu Sunugaal depuis qu’il est sorti du giron des colonisateurs toubabs. (à suivre…)                                                                                                                                               
             


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