Connectez-vous
NDARINFO.COM
NDARINFO.COM NDARINFO.COM
NDARINFO.COM
Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable
Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte

Teranga : le mot qui définit le Sénégal

Vendredi 23 Juillet 2021

Alors que j'attendais d'embarquer sur un vol pour Dakar en provenance de New York, une femme drapée dans un tissu coloré et un foulard lumineux me demande si elle pouvait utiliser mon téléphone portable. Hésitante, je m'interrogeais sur cette étrange familiarité, qui l'a poussée à demander pareil service à une inconnue. Alors que j'hésitais, une voyageuse habillée de la même manière qu'elle lui tend son téléphone, sans la moindre hésitation. Des anecdotes comme celle-ci ont eu lieu tout au long de mon voyage au Sénégal... C'était ma rencontre avec la teranga.



Le Sénégal est connu comme le "Pays de la teranga". Les guides de voyage traduisent souvent ce mot wolof (également écrit "teraanga") par "hospitalité", mais c'est "vague de le traduire" comme tel, explique Pierre Thiam, un chef sénégalais et cofondateur du restaurant "Teranga", à New York. "C'est vraiment beaucoup plus complexe que cela. C'est un mode de vie."

Le teraanga est une combinaison typiquement sénégalaise de générosité, d'hospitalité et de partage qui imprègne la vie quotidienne.

En tant que visiteur, j'ai rapidement remarqué que cette valeur imprègne de nombreux aspects de la vie quotidienne au Sénégal. La teranga met l'accent sur la générosité d'esprit et le partage des biens matériels dans toutes les rencontres, même avec les étrangers. Cela construit une culture dans laquelle il n'y a pas d'"autre".

En étant généreux envers tous, indépendamment de la nationalité, de la religion ou de la classe sociale, le sentiment que chacun est en sécurité et est le bienvenu se développe.

Mon mur occidental s'est effondré

Pendant l'été que j'ai passé à faire du bénévolat dans un centre éducatif de Yoff, une commune de 90 000 habitants située au bord de l'océan, au nord du centre-ville de Dakar, la teranga m'a permis de découvrir et d'adopter la culture sénégalaise.

J'ai été invitée à séjourner auprès d'une famille de Yoff, et j'ai accepté la proposition de visiter quotidiennement les maisons des voisins et de boire du thé chez eux. En m'immergeant dans cette façon d'être sénégalaise, mon mur occidental s'est effondré. L'ouverture, la générosité, la chaleur et la familiarité - les éléments clés de la teranga - ont pris leur place.

J'avais constamment l'impression que la population sénégalaise, qui comprend 16 millions de personnes, m'accueillait chez elle. Pendant le déjeuner au travail, sept d'entre nous s'asseyaient par terre, autour d'une énorme assiette de riz, de poisson frais et de légumes.

Sachant que j'étais végétarienne, mes voisins me proposaient des légumes et je leur proposais du poisson.

Lorsque nous allions à la plage, des enfants qui me connaissaient à peine se jetaient dans mes bras pour échapper aux vagues. J'étais impressionnée par l'aisance dont ils font preuve envers moi, jusqu'à ce que je me rappelle qu'ils ont été élevés dans la croyance que les membres de la communauté - même les étrangers - doivent s'entraider.
Au Sénégal, les gens partagent généralement la nourriture dans un grand bol ou une grande assiette, et les meilleurs morceaux sont réservés aux invités.

Au Sénégal, les gens partagent généralement la nourriture dans un grand bol ou une grande assiette, et les meilleurs morceaux sont réservés aux invités.Des enfants de quatre ans rentraient seuls à pied du centre-ville où je travaillais, et personne ne s'inquiétait.J'ai souvent vu des adultes prendre le temps d'éduquer et de guider les enfants du quartier, comme le feraient leurs propres parents.

Selon Dr Ibra Sène, historien sénégalais et enseignant au College of Wooster, dans l'État américain de l'Ohio, cela fait partie de la teranga, où " on est prêt à (...) conseiller les gens, comme s'ils étaient des membres de la famille".

Malgré l'omniprésence de la teranga au Sénégal aujourd'hui, ses origines restent quelque peu mystérieuses. Mais les historiens s'accordent à dire qu'elle est partie intégrante de la culture sénégalaise depuis des siècles, bien avant les trois cents ans de domination coloniale néerlandaise, britannique et française, de 1659 à 1960.
Spécificités culturelles

"Cet état d'esprit d'interaction, d'échange et d'ouverture envers l'autre remonte probablement à l'époque des grands empires d'Afrique de l'Ouest", a déclaré M. Sène, faisant allusion aux grands empires du Mali, du Ghana et du Songhai qui ont jadis prospéré dans la région.

Pendant plus de mille ans, cette région a fondé son économie sur le commerce. Et l'échange de biens et d'idées sur lequel ces empires se sont construits a prospéré grâce à cet esprit de générosité et d'ouverture, a-t-il ajouté. "Même s'il [n'était] pas appelé teranga, vous le voyez sous différentes formes à travers l'histoire de l'Afrique de l'Ouest."
Lire aussi :

Bien qu'une première forme de teraanga ait probablement existé dans toute l'Afrique de l'Ouest, certains pensent que le concept actuel est né dans la ville de Saint-Louis (Ndar, en wolof), dans le nord-ouest du Sénégal. Les spécialistes affirment toutefois que cette affirmation n'est pas fondée, bien qu'ils aient des théories sur l'origine de cette idée.

Classée au patrimoine mondial de l'Unesco, la ville de Saint-Louis a joué un rôle important durant la colonisation française en Afrique de l'Ouest. C'est là que les colons ont construit leur première colonie en Afrique de l'Ouest, en 1659. C'est là également qu'ils ont établi la capitale.

Mais M. Sène explique que si Saint-Louis a servi de "premier point d'ancrage et de tremplin à l'expansion coloniale française en Afrique de l'Ouest", parallèlement, "la ville est progressivement devenue le lieu d'une résistance subtile mais multiforme au colonialisme".

"La communauté africaine de la ville a célébré avec audace ses spécificités culturelles dans cet espace colonial", ajoute l'historien. Au fil du temps, les habitants de Saint-Louis ont acquis une grande réputation et se sont fait connaître pour leurs manières, leur cuisine et leurs connaissances religieuses.

La teranga a permis de façonner l'identité du Sénégal.

Que la teranga soit née ou non à Saint-Louis, elle y reste particulièrement forte aujourd'hui. Astou Fall Guèye, doctorante au département d'études culturelles africaines de l'université du Wisconsin, explique que Saint-Louis "représente l'épitomé" de cette valeur.

"Chaque fois que l'on pense à la teranga au Sénégal, on pense aussi à la 'teranga Ndar'", a-t-elle déclaré. "C'est très important dans la culture de cette ville. Les habitants de cette ville se vantent en quelque sorte d'être ceux qui savent le mieux comment pratiquer la teranga."

Lorsque le Sénégal est devenu indépendant en 1960, le mot "teranga" a été utilisé pour façonner l'identité du pays naissant.Rendre la teranga plus visible, par exemple en baptisant l'équipe nationale de football "Lions de la teranga", a permis à la nation de se rallier à cette vertu et de la présenter au monde comme une valeur sénégalaise distincte.

Aujourd'hui, une variété d'entreprises - des sociétés minières aux maisons d'hôtes - portent le nom de "teranga", et les visiteurs voient et ressentent ce concept dans tout le pays.


Par Colette Coleman
BBC AFRIQUE

 


Nouveau commentaire :
Facebook Twitter

Merci d'éviter les injures, les insultes et les attaques personnelles. Soyons courtois et respectueux et posons un dialogue positif, franc et fructueux. Les commentaires injurieux seront automatiquement bloqués. Merci d'éviter les trafics d'identité. Les messages des faiseurs de fraude sont immédiatement supprimés.