Coin d’histoire : Mamadou Racine Sy, le premier officier noir d’Afrique
A Saint-Louis, le 14 octobre 1869, en fin de matinée, le Lieutenant-colonel Faron, commandant le bataillon de tirailleurs sénégalais créé le 21 juillet 1957, reçoit une nouvelle recrue du nom de Mamadou Racine Sy, ce jeune homme âgé de 22 ans allait être le premier noir à porter le grade de capitaine.

Mamadou Racine Sy originaire de Souïma, un quartier de Podor, exerçait le métier de cultivateur, robuste d’une taille de 1m72, le futur soldat a passé la visite d’incorporation devant le chirurgien-major Luizet et a signé un contrat de deux ans, authentifié par le commissaire adjoint Stéphan. « Il reçoit le numéro de matricule 942 devant le chef de corps et prête serment de fidélité à l’empereur sur le Coran ». Ainsi commence l’exemplaire carrière de celui qui allait devenir le premier militaire africain à être nommé capitaine dans le corps des officiers indigènes et à recevoir la croix d’officier de la légion d’honneur.

Fils de Elimane Racine Sy, un chef coutumier de la partie centrale du Toro dans le Podor, sa mère Seynabou Rakiba était une peulh originaire de Guédé-Wouro, c’est par cette naissance que le nouvel incorporé appartient à une lignée royale, prince apparenté à la grande famille des Ly de Thilogne dans la région de Matam.

Une longue carrière militaire

En outre, appartenant au clan patronymique des Sy, il est lié à toutes les chefferies de cette ethnie du fouta. Au milieu du XIXéme siècle, alors que le futur officier est encore adolescent, les établissements français du Sénégal ne comportent que quelques rares postes établis sur la côte. Ils déployaient déjà des magasins de négoce le long du fleuve, Mamadou Racine a pu voir le 18 mars 1854, les hommes du capitaine de vaisseau Prôtet occuper Podor et ensuite y construire le Fort selon les directives du capitaine de génie Louis Faidherbe.
Ce dernier, affirme-t-on, ne serait pas étranger à l’engagement du prince avec qui il aurait voulu constituer un vaste empire. Faidherbe était connu pour son estime envers les peulhs dont il va apprendre la langue au point d’écrire un ouvrage intitulé « grammaire et vocabulaire de la langue peulh ».
Mamadou Racine Sy sera un des 516 tirailleurs du bataillon, il revêt leur uniforme légendaire : Chéchia rouge écarlate, gilet et pantalon turc, manteau à capuchon du modèle des zouaves avec une chemise sans col. Il va participer aux différentes séances d’instruction, armé d’un fusil à canon double, un privilège jusqu’ici réservé aux chefs locaux. Il va se signaler dans différentes opérations entreprises par l’armée en Haute Casamance, dans le Cayor et dans le Rip.


Il brûle les étapes et devient sergent le 9 Août 1866 et quatrième africain de l’armée française à arborer l’épaulette. Il devient Sous-lieutenant le 15 Mai 1868 après moins de 8 ans de services. L’officier était élégant dans la tenue orientale, mais il parlait aussi un français parfait. Il est désigné en 1878 pour se rendre à Paris afin d’y visiter une exposition en compagnie de Hadj Bou El Moghdad, rédacteur arabe et du nommé Amadou Abdou interprète.
Dans la capitale française, le Colonel Borgnis-Desbordes dira de lui que c’est « un élément à traiter comme un officier français ». Devenu lieutenant de 2e classe le 17 mars 1880, il est le premier africain à porter les deux galons circulaires pour se signaler aux yeux des français comme « le meilleur des officiers indigènes et celui que l’on choisi toujours dans des circonstances difficiles ».
Si le grade de capitaine n’était prévu dans la hiérarchie des corps des officiers indigènes et malgré plusieurs distinctions concédées, son grade de capitaine fût un avancement « compliqué », même Faidherbe était demeuré de marbre pour l’attribution de la rosette au foutanké. Il autorise le 19 octobre 1883 un avancement et enfin la Croix d’officier le 18 janvier 1888. Le premier capitaine noir va terminer sa carrière militaire avec le grade de capitaine de première classe en 1896.

Cet homme célèbre connu au Fouta a laissé une lignée de leaders, lors du Festival mondial des arts nègres, un témoignage lui a était rendu par tout le Fouta au musée de Fort de Podor, construit alors qu’il séjournait sur les lieux.