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Voici l'intégralité du discours de Mary Teuw Niane sur ''Jeunesse et patriotisme''.

Samedi 19 Janvier 2013

Le discours de Mary Teuw Niane, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, prononcé hier à l'occasion de la rentrée sociale 2012-2013 des étudiants de l'UGB.


Voici l'intégralité du discours de  Mary Teuw Niane sur ''Jeunesse et patriotisme''.
Monsieur le Gouverneur,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Recteur, Président de l’Assemblée de l’Université,
Monsieur le Directeur du CROUS,
Messieurs les Directeurs d’UFR,
Madame, messieurs les Directeurs d’Instituts,
Mesdames, messieurs les chefs de villages, chefs religieux coutumiers et les notables,
Mesdames, messieurs les personnels d’enseignement et de recherche,
Mesdames, messieurs les membres du personnel administratif, technique et de service du CROUS et du Rectorat,
Monsieur le Président de la Commission Sociale,
Mesdemoiselles, messieurs les membres de la Commission Sociale,
Honorables invités en vos titres et qualités,
Chères étudiantes, chers étudiants,

Je remercie monsieur le Recteur, Président de l’Assemblée de l’Université, Professeur Lamine Guèye et monsieur Biram Ndeck Ndiaye directeur du CROUS, les PER, les PATS, les étudiantes et les étudiants pour cet accueil mémorable.

Vous comprenez mesdames, messieurs, l’émotion qui m’habite en foulant, à nouveau, le sol de cette terre d’étude, de formation, de réflexions que seules les universités peuvent offrir. Je veux dire l’Université Gaston berger de Saint-Louis où, pendant vingt deux ans, j’ai enseigné, j’ai conduit des travaux de recherche, j’ai encadré des étudiantes et des étudiants. Je continue de goûter au plaisir que procure l’enseignement, rencontrer son ancien étudiant dans une banque, dans le hall d’un aéroport, dans une conférence, à la Présidence de la République, dans le ministère d’à côté ou tout simplement, l’autre jour lorsqu’une femme entrepreneur a salué, dans la Salle des Actes de l’UCAD, la qualité des étudiantes et des étudiants de l’UGB à travers une étudiante avec laquelle elle a travaillé. L’Université Gaston Berger est belle de son architecture sahélienne, Tombouctou des temps modernes, elle est luxuriante d’idées et d’initiatives, comme est généreuse sa forêt d’acacia, ses étudiantes et ses étudiants entreprenants et insatiables de connaissances. L’université de Sanar est aussi tumultueuse et quelque part rebelle. Peut-être n’est-ce pas l’effet des autres membres à part entière de sa communauté, je veux parler des chèvres ! J’ai tellement vu de chèvres cheminer tranquillement à travers les allées de l’UGB, qu’elles me manquent. Comme j’ai la nostalgie de mon couple de toucans qui, de temps en temps, toquaient sur la baie vitrée de mon bureau et me rappelaient le pot d’eau que je remplissais pour eux et que je cachais, à l’insu de mes deux assistantes, derrière la fenêtre.

Monsieur le Recteur, Monsieur le Directeur du CROUS,
Je ne peux qu’être ému en revenant sur cette terre où mon père fit brouter son troupeau et qui abrite aujourd’hui l’espoir de toute la Nation, un foyer de connaissance et de savoir faire. J’allais ajouter, pour être complet, le savoir être. Mais je me rattrape et je me retiens car, chers étudiantes, chers étudiants, vous m’avez invité à un exercice intellectuel, et il m’impose un devoir de rigueur et de vérité. Le savoir vivre et le savoir être est une autre affaire, j’anticipe, c’est même toute l’affaire !

Chères étudiantes, chers étudiants,
Des souvenirs du vieux professeur que je suis me reviennent, des souvenirs de Sanar 1. Je revois arriver des villages A, B et C, les étudiantes, les pieds poussiéreux, les chaussures fermées mis dans les sacs-cartables et les pieds dans des sandales en plastique. Je les revois encore au retour des vacances de Noel chaussées de chaussures Bata bleues. Une nouvelle mode était née, le style Sanar, je dirais le style de la première décennie. Les étudiantes trouvèrent ainsi la solution à un problème difficile pour des jeunes filles des villes, se mouvoir dans du sable poussiéreux sans que la peau de leurs pieds ne soit enlaidie par cette fine poussière qui remplit le sable de Sanar.

Les étudiantes résolurent ainsi un problème, elles trouvèrent une solution avec les matériaux à leur portée : d’abord les sandales puis une amélioration, une innovation, les chaussures Bata avant que l’Etat n’apporta la solution complète en dallant les allées. Le bien être et le confort sont les fruits d’une utilisation efficiente et efficace des moyens et d’une recherche constante d’amélioration de l’environnement et des conditions de travail.

Chères étudiantes, chers étudiants,
Je me souviens encore de cette journée terrible, cauchemardesque, où je fus réveillé par des hurlements de hordes d’étudiants dont certains avaient le haut du corps enduit d’une sorte de peinture blanche, de la craie blanche, peut-être, bref, ils étaient venus arraché la clé de la voiture de service à mon voisin qui était alors un Directeur d’UFR. C’est en jogging que je vins intercéder et que je vis un étudiant tenir son directeur d’UFR au cou, presque à l’étrangler. Ce jour, « le Ciel était tombé sur la tête ». Car au milieu de la matinée, cette même horde d’étudiants alla à la Direction du CROUS sortir tout le personnel, le fit marcher comme un troupeau de bétail et l’emmena de force dans un bus garé au parking du Rectorat sous le soleil. Je me souviens encore, avec quelques enseignants-chercheurs, négociant jusqu’à la libération des otages, les personnels administratifs, techniques et de service de l’université. C’était la mère qui avait accueilli certains étudiants sans famille d’accueil, le père qui avait appuyé de son maigre salaire un étudiant en panne de ticket de restauration, le frère et la sœur avec qui l’étudiant entretint une complicité familiale. Pourquoi, la violence, la terreur, l’irrévérence devant le maître, prirent le dessus sur le respect, le dialogue, la concertation et pourquoi les étudiants s’en prirent-ils et s’en prennent-ils toujours aux innocents ?

Chères étudiantes, chers étudiants,
Un souvenir en réveille un autre, lorsque la première promotion d’étudiants de maîtrise de mathématiques appliquées passèrent le concours d’entrée à l’Ecole Normale supérieure, je vécus avec eux le stresse de l’attente des résultats, les résultats des étudiants, d’une certaine façon c’était aussi nos résultats, nous les enseignants-chercheurs, et nous ne pûmes retenir notre joie lorsque nous sûmes que les sept admis étaient tous de l’UGB. Je me souviens encore de la joie que j’éprouvais à chaque proclamation des résultats du Concours d’entrée à l’ENAM, devenu ENA et CFJ. Je revois encore toute cette effervescence et cette émotion qui gagna tout le Campus lorsque notre équipe de l’UFR de Sciences Juridique et Politique remporta le concours du Procès fictif Africain, et ce fut toute la communauté universitaire avec les anciens étudiantes et étudiants qui se reconnurent comme partie des victoires de l’équipe de Basket et de l’équipe de « débattons ».
Un groupe de musique chilien, le Quilapayun, aime répéter « I que recordar », « il faut se souvenir » !


Mesdames, messieurs,
Dans notre pays, une chose reste encore difficile à comprendre, les sénégalais sont plus enclins à n’apporter des solutions qu’aux problèmes qui touchent leur propre personne qu’à ceux qui concernent la communauté. Comme d’ailleurs, je ne comprends toujours pas que nos femmes qui savent se faire tellement belles quelles rendent jalouses toutes les femmes du monde, avec leurs si beaux habits, laissent autour de leur maison et dans la rue une saleté qui fait honte et des tas d’ordures qui choquent l’étranger. Mon ami Fodé Ndiaye, actuel représentant résident des Nations Unis au Niger, me disait, il y a une décennie, qu’il mesurait l’envie de développement d’un pays africain, à la propreté du pays !

Chers étudiantes, chers étudiants,
Je tiens à remercier le secrétaire général de la Commission Sociale, monsieur Daouda Sané, la Commission Sociale et toute la communauté estudiantine de Saint-Louis pour cette invitation. Vous m’avez proposé un thème important, redoutable, d’actualité et j’ajoute, ce thème est essentiel pour la construction du développement économique et social de notre pays. Le Président de la République, monsieur Macky Sall, ne cesse de rappeler l’impérieuse nécessité de restaurer les Institutions et les symboles de la République, de bâtir de nouvelles mentalités fondées sur nos valeurs, une nouvelle culture de gestion économe et vertueuse fondée sur la transparence, la bonne gouvernance et la reddition des comptes.

Notre développement ne pourra pas se faire, à travers seulement l’aide et les prêts, car comme le dit si bien l’adage wolof, « ndimal na ci fekk loxol boroom » ! Nous sommes trop digne et très fiers pour laisser le développement économique, social et culturel de notre pays entre les mains des partenaires au développement fussent-ils nos meilleurs amis. Notre pays a besoin de volontaires, de bras libres à la tête pleine pour réduire les gaps dans nos indicateurs d’atteinte du bien être de nos populations et des infrastructures. Notre pays doit enfin, tout simplement, créer ce souffle, ce battement de cœur, cette chaleur, cette impatience à agir, ce bonheur de se mettre entièrement au service de son pays, de son peuple, en attendant aucun bénéfice en retour que le sentiment de satisfaction personnelle d’avoir servi son pays, de s’être privé d’un avantage pour faire accéder à un plus indigent à un service et enfin d’être un maillon dans cette chaine solidaire de construction d’un Sénégal nouveau. « Les fondements de la construction de l’Afrique sont l’œuvre des africains convaincus et qui ont choisi de confondre leur projet de développement individuel avec celui du Continent. Loin de moi l’idée de minimiser l’apport de la diaspora, elle a joué un rôle de premier plan dans l’éveil des consciences et occupera une place centrale dans les transferts de technologies, le rayonnement intellectuel du Continent et la réorientation d’une partie significative des flux financiers vers l’Afrique. Cependant, une évidence s’impose : le champ de construction de l’Afrique, c’est la Terre Africaine ! »

Chères étudiantes, chers étudiants,
Qui sommes nous ?
Oui, le Sénégal est un petit pays par la taille de sa population, par l’étendue de sa superficie et ses ressources naturelles limitées. C’est un pays qui compte en Afrique, ses citoyens ont occupé ou occupent encore des fonctions importantes dans des organisations internationales significatives. Monsieur Amadou Moctar Mbow a été Directeur Général de l’UNESCO et Monsieur Jacques Diouf Directeur Exécutif de la FAO. A l’heure actuelle Monsieur Abdou Diouf est le Secrétaire Général de l’OIF tandis que Monsieur Lamine Diack dirige l’IAAF et que Monsieur Cheikh Aguibou Soumaré est le Président de la Commission de l’UEMOA. Les soldats, policiers, gendarmes et diplomates sénégalais sont éparpillés aux quatre coins du monde dans des missions de maintien de la paix ou de conciliation dans le cadre des Nations Unies. A l’image du Président Léopold Sédar Senghor, premier africain membre de l’Académie française, les intellectuels et scientifiques sénégalais sont appréciés à travers le monde pour leur compétence, leur rigueur, leur efficacité et leur engagement, ils sont nombreux dans les organisations internationales et ils sont enseignants-chercheurs dans beaucoup d’universités dans les pays développés et émergents. Beaucoup de vos anciens camarades enseignent dans les meilleures universités américaines, européennes et asiatiques. Les noms de Cheikh Anta Diop, Ousmane Sembène, Mariama Ba, Aminata Sow Fall, Boubacar Boris Diop, Ousmane Sow, Youssou Ndour, Cheikh Amidou Kane, Souleymane Bachir Diagne, Amadou Sall, Felwine Sarr, ont traversé nos frontières et appartiennent désormais au patrimoine intellectuel mondial.

Nous sommes aussi d’éternels voyageurs
Le sénégalais est un grand voyageur, il voit toujours au-delà des frontières de son terroir, il n’est pas scotché à sa localité encore moins à sa patrie, il va loin et s’implante dans de nombreux pays en Afrique, particulièrement en Afrique centrale, au Nigéria, en Côte d’Ivoire, au Mali et en Gambie, il y est un travailleurs infatigable, ingénieux, compétent et intelligent, commerçants dans certains endroits, artisans dans d’autres, ouvrier, cadre, technicien et enseignant, marabout et missionnaire musulmans, il est réputé, il se moule facilement à sa société d’accueil mais il reste profondément attaché à son pays d’origine auquel il envoie une partie de ses revenues pour soutenir sa famille. Le sénégalais est aussi parti hors de l’Afrique, en France, en Italie, en Espagne, dans les pays du Golfe arabique, aux Etats Unis d’Amérique, à la recherche du travail, pour certains de conditions sociales meilleures et pour d’autres d’un cadre d’épanouissement intellectuel plus propice à son talent intellectuel et artistique.

L’envie de voyager n’est pas seulement un comportement contemporain du sénégalais, El Hadj Oumar Foutiyou Tall partit de son village natal d’Aloar pour la Jihad et Alboury Ndiaye quitta son Jolof pour rejoindre Samory dans sa lutte contre l’envahisseur français, tous deux moururent à l’étranger, le premier disparut mystérieusement dans les falaises de Bandiagara dans l’actuel Mali tandis que le second fut enterré à Dosso au Niger. Voyager fait partie du cycle de formation initiatique de l’adolescent, voyager est aussi un moyen de parachever la formation religieuse du musulman et même le point de départ de sa formation, certaines familles choisissaient que leurs enfants reçoivent leur formation coranique et théologique loin de leur résidence pour leur insuffler l’humilité, oui, l’humilité, la capacité de résister à la précarité, le sens de la hiérarchie, de la discipline, le courage et la générosité. Aller en Mauritanie, au Maroc, en Egypte ou à la Mecque, après des séjours chez des érudits sénégalais, continuent encore à être des étapes privilégiées dans la formation islamique. D’ailleurs, aller à l’étranger, dans les pays voisins et parfois assez loin, est aussi un élément de la formation dans les connaissances endogènes.
Nos ressources humaines constituent notre principale force.

Pays ouvert et d’accueil, seul pays depuis les indépendances à n’avoir pas vécu sous un régime militaire ou dictatorial, pays ayant une culture démocratique très ancrée jusque dans les campagnes lointaines, ayant déjà vécu deux alternances politiques démocratiques et pacifiques, le Sénégal est un pays de paradoxes : le sénégalais est inhibé, amorphe, attend tout de l’Etat, lorsqu’il est à l’intérieur des frontière du pays, libre, intelligent, travailleur avec un leadership et un esprit d’initiative à nul autre pareil dès lors qu’il quitte le pays. Le Sénégal reste un pays pauvre alors que la qualité du potentiel de ses ressources humaines, dans un monde globalisé de l’information et de l’économie de la connaissance, devrait le situer dans le lot des pays émergents dans le monde.

Chères étudiantes, chers étudiants, il nous faut transformer le talent individuel en une ambition collective.
Le Sénégal, adossé aux prédispositions de sa population, a l’obligation de construire une stratégie de développement durable, afin d’être un pays intermédiaire, économiquement émergent, socialement solidaire, et culturellement enraciné et ouvert.
Il faudra convaincre chaque sénégalaise et chaque sénégalais, en premier chaque étudiante et chaque étudiant, que son projet de développement individuel aura plus de chance de réussir s’il s’inscrit dans un programme plus ambitieux qui est celui, du collectif, de l’Equipe du Sénégal, d’oser construire un Sénégal nouveau. C’est le choix du Président de la République Monsieur Macky Sall. Il s’agit, donc, ensemble, chères étudiantes, chers étudiants, de prouver que nous sénégalais, en nous appuyant sur les valeurs cardinales d’humanisme qui sont les nôtres, que nous avons le devoir de nous engager résolument, sans perdre du temps, dans la construction d’un pays nouveau. Cette ambition, ce défi à nous même, est digne de notre histoire, et suffisamment excitant pour mériter d’être relevé !

Mesdames, messieurs,
Chers membres du personnel d’enseignement et de recherche,
Chères étudiantes, chers étudiants,
Changer, abandonner les vieilles habitudes et procéder à des ruptures passent par les idées, à l’ère du LMD, où vos maîtres vous apprennent qu’il faut enseigner autrement, évaluer autrement, gouverner autrement, vous comprenez aisément que pour changer, il faut penser autrement.

Bien choisir son mode de penser et d’action est sans doute le principal facteur de succès dans une entreprise aussi difficile que passionnante qu’est la construction d’un pays dans un laps de temps de l’ordre d’une à deux générations. Le Président Léopold Sédar Senghor insistait beaucoup sur « l’organisation et la méthode » au point de créer le Bureau Organisation et Méthode (BOM) pour accompagner l’administration nationale naissante et lui inculquer les bonnes pratiques. Le premier Président avait compris que la construction d’un pays avait besoin d’être pensée pour être traduite dans la réalité à travers une vision de son futur. Il avait aussi compris que « la culture est au début et à la fin de tout développement ».

Aussi, la construction du Sénégal et de l’Afrique ne pouvait-elle se faire qu’à travers son « enracinement » dans ses « valeurs de civilisation » et son obligation « d’ouverture » au monde car nous sommes dans l’époque de la « civilisation de l’universel ». Et c’est sans doute le gage pour que le Sénégal et l’Afrique soient au « rendez-vous du donner et du recevoir » à travers leurs contributions au monde qui se fait. Le Président Senghor a, très tôt, eu l’intelligentsia et les cadres en opposition active et en majorité passive contre sa politique et sa vision. Les fréquentes escarmouches intellectuelles et politiques ont été accompagnées de règlements de compte avec des intellectuels d’envergure internationale comme Cheikh Anta Diop.

Le second Président de la République, Monsieur Abdou Diouf, fut plus le gestionnaire d’une période de crise économique et sociale, à travers les plans d’ajustements structurels et la dévaluation du franc CFA. Il n’était plus question de vision de la construction du Sénégal, il fallait sous l’impulsion et l’encadrement de la Banque Mondiale (BM) et du Fonds Monétaire International (FMI) rétablir « les équilibres macroéconomiques ». L’éducation et la santé rangées dans le secteur social à ajuster très fortement, le Président Abdou Diouf eut le mérite de démarrer la deuxième université publique sénégalaise, l’Université de Saint-Louis, malgré le refus de nos principaux partenaires de soutenir ce projet. Ce fut le Président Abdou Diouf qui leva les limitations de la démocratie sénégalaise, qui mit en place le cadre électoral transparent grâce auquel l’alternance politique fut possible à la tête de l’Etat. C’est aussi ce « grand commis » de l’Etat, cet homme tranquille et doux, qui initia la décentralisation.
Le troisième Président de la République Maître Abdoulaye lança de nombreux programmes et projets dont on peut citer : la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA), la Grande Offensive pour la Nourriture et l’Abondance (GOANA), le Plan de Retour vers l’Agriculture (Plan REVA), les bassins de rétention, la Case des Tout Petits, les infrastructures routières dans la région de Dakar, la Maison des Outils, Air Sénégal International, l’Aéroport International Blaise Diagne (AIBD), la société Dakar Dem Dikk (DDD), etc. Il contribua à décomplexer et à libérer l’esprit d’initiative des sénégalais. Cependant, il est difficile de définir leur fil conducteur, leur place dans le projet global de construction du pays, projet d’ailleurs qui semble impossible à déterminer. Ce manque de lisibilité de l’objectif ultime, cette absence d’un cadre logique clair, la déficience dans la prise en charge de certaines valeurs comme une éthique de gouvernance ont conduit à un échec malgré la diversité des réalisations.

Le Président Abdoulaye Wadee apporta une contribution décisive dans la question du genre par la généralisation de l’insertion des femmes dans les grands corps de l’Etat comme l’armée, la police, la gendarmerie, la douane et surtout par l’instauration de la Loi sur la parité.
Le quatrième Président de la République, Monsieur Macky Sall, vient juste de s’installer. Le titre générique de son programme « yoonu yokute », « la voie du développement » que le Sénégal a plébiscité, montre la force de son ambition affichée pour notre pays. Le Sénégal est un pays singulier, après avoir porté au pouvoir un Président appartenant à un groupe confessionnel ne représentant que 5% de la population, après trois Présidents de la Républiques ayant une forte affinité avec les groupes ethniques sérères, wolof, peule et mandingue, voici que le Sénégal élit un Président de la République peul de culture sérère et natif du Sine, en pays sérère. Mais c’est surtout pour la première fois les Sénégalais ont un Président de la République de formation scientifique et technologique, ingénieur des sciences de la terre. Il succède à un poète, un administrateur civil et un avocat transfuge de l’économie mathématique. Les sénégalais devraient s’attendre à un changement de méthode et d’attitude qui se reflète par une ponctualité et un timing inhabituelles aux cérémonies et dans les discours officiels. Lors de la cérémonie de remise du Grand Prix du Président de la République pour les Sciences 2011 et 2012, le Président Macky Sall, interpelle les scientifiques en leur disant « j’ai trois priorités l’agriculture, les infrastructures et l’énergie » et il invite les enseignants chercheurs à apporter leur contribution.

Le Président Macky Sall, dès l’entame de son mandat, à la dernière Assemblée Générale des Nations Unies, met les points sur les i et surtout, dévoile sa vision du rapport de l’Afrique avec le monde :
« Et dans cette perspective, le Continent Africain, qui a enduré des siècles d’esclavage et d’exploitation, ne peut à nouveau s’offrir en cheval de Troie et livrer ses ressources dans une compétition qui la confinerait davantage à la marge du progrès et du bien être.
Nous appelons à une autre vision des relations avec l’Afrique ; une vision où il s’agira, non pas de traiter de l’Afrique et des Africains, mais avec l’Afrique et les Africains, dans un partenariat concerté et plus équitable parce que tenant compte des priorités et des intérêts de chacun ».

Mesdames, messieurs,
Chers membres du personnel d’enseignement et de recherche,
Chères étudiantes, chers étudiants,
Depuis les indépendances, il suffit d’observer les actions des pouvoirs publiques, des institutions publiques, des entreprises et le comportement des hommes politiques pour se rendre compte qu’elles manquent de cohérence, de cohésion et surtout, qu’elles compartimentent la vie économique, sociale, culturelle, scientifique et technologique. Ils manquent d’ambition pour notre pays ou lorsqu’ils en ont, elle est débridée, son fondement rationnel est mal défini et sa mise œuvre ne mobilise pas l’ensemble des potentialités, des compétences et des capacités dont dispose le pays.
Dans un tel contexte, les intellectuels et les apprentis intellectuels que vous êtes, chères étudiantes et chers étudiants, vous avez une lourde responsabilité, car les intellectuels doivent être, à la fois, les chantres de l’Afrique unie, les empêcheurs de tourner en rond, les démiurges des nouvelles pistes d’exploration pour sortir le Sénégal du sous développement mais aussi, tout en gardant jalousement leur personnalité, leur style, leurs idées, ils doivent rester unis au service d’une même cause celle de la construction du Sénégal et de l’Afrique.

Mesdames, messieurs,
Chers membres du personnel d’enseignement et de recherche,
Chères étudiantes, chers étudiants,

Les intellectuels passent trop de temps à briser les idées et les projets des uns et des autres, au lieu de favoriser, malgré leur diversité, les soutiens mutuels qui font la force des intellectuels du Nord. Un danger mortel pèse aujourd’hui sur les cadres et les intellectuels, avec l’irruption des médias de toute sorte, la démocratisation et la popularisation de leur accès, des individus sans compétence, ni valeurs se sont emparés des espaces publics de discussion et parlent au nom des intellectuels et des cadres techniques. Dans les espaces de production et de diffusion des connaissances, comme l’école, l’université et les institutions de recherche, quelques groupes sont en train, petit à petit, sans s’en rendre compte et au nom de revendications parfois justes, d’instaurer une culture mercantiliste et alimentaire au détriment du fondement de ces espaces que sont la recherche de connaissances, l’esprit d’innovation et la passion de les diffuser et de les partager. Par le verbe et l’invective, les plus médiocres installent de plus en plus, un climat de terreur intellectuel qui conduit les plus compétents à l’exil, au silence et à l’abandon des espaces de décision et des valeurs fondamentales.

Mesdames, messieurs,
Chers membres du personnel d’enseignement et de recherche,
Chères étudiantes, chers étudiants
Un sursaut devient impératif car le Sénégal est un pays de connaissances, quelles soient endogènes, modernes, religieuses, spirituelles, scientifiques et technologiques. Evidemment, les intellectuels compétents constituent un atout indéniable pour le pays et surtout, s’ils acceptent, au-delà de leur différence, de se tenir la main pour servir la construction de ce beau pays qu’est le Sénégal. C’est au prix d’un code de conduite individuelle librement consentie que les intellectuels sénégalais pourront parler d’une seule voix dans leur diversité assumée et ainsi favoriser la tension nécessaire pour mettre en mouvement les populations et les élites africaines pour réussir l’urgence que constitue la construction du Sénégal et de l’Afrique. Si chaque africain est un acteur, les intellectuels sont particulièrement interpellés car ayant la chance d’avoir la conscience de leur rôle. C’est pourquoi, dans une approche pédagogique et par l’action, les intellectuels ont la lourde responsabilité de convaincre de la pertinence de l’audace de croire à la construction d’un Sénégal et d’une Afrique ambitieuses.

Chères étudiantes, chers étudiants,
Il vous incombe une lourde tache, une tache passionnante, une tache sanctifiée par les Ecritures, la parole de Dieu : apprendre !
Oui, apprendre, n’est pas démodé ! C’est l’arme imparable pour le renouveau de notre pays, pour asseoir notre dignité et conquérir définitivement la liberté.
Janng moo xewwoon, te moo xewati !
La chanteuse peule Penda Madam, aimait chanter « Jannge mbeli mbaawon ! », « Apprenez pour avoir la connaissance et le savoir faire ! ».
C’est sans doute, la première recommandation d’engagement patriotique pour une étudiante et un étudiant !
Ainsi donc, la première recommandation est :
L’étudiant doit apprendre pour avoir les connaissances, les savoir-faire et les savoir-vivre.
Nous vivons plusieurs paradoxes, les sénégalais parlent leurs langues nationales dans leurs familles, les média publics et privés audiovisuels en ont fait leur langue de communication, l’espace public est le lieu privilégié d’expression en langues nationales cependant les espaces officiels et les espaces de construction de l’identité nationale leurs sont interdits. Les sénégalais sont à 90% des musulmans, leurs enfants fréquentent les écoles coraniques, utilisent les caractères arabes comme d’ailleurs certains de leur parents qui manient à merveille le wolofal grâce auquel nos langues pulaar et wolof sont écrites depuis le moyen âge. Le reste des Sénégalais est chrétien. Chaque sénégalais a une religion ! Après cinquante années d’indépendance, nous constatons la difficulté à asseoir une identité nationale assumée, à s’appuyer sur des leviers subjectifs pour créer une dynamique de construction du pays et l’incapacité à transformer la formidable énergie humaine polarisée par la jeunesse en une force volontaire de travail au service de notre société.

Oui, la jeunesse est un levier essentiel pour construire le développement. Chères étudiantes, chers étudiants, vous passez, en moyenne, trois mois de vacances, pour beaucoup d’oisiveté, certains d’entre vous s’investissent au niveau des ASC dans les navétanes, parfois organisent des cours de vacances, organisent des opérations set setal, mais ceux que nous voyons participer à l’alphabétisation des populations, construire des pistes, des écoles, des dispensaires, des foyers éducatifs, des bibliothèques, ce sont presque toujours des jeunes venus de l’étranger. Je suis toujours énervé lorsqu’une télé montre les images d’un chantier de volontaires car les jeunes étrangers de manière visible travaillent durs et croient à la réussite et à l’utilité du projet tandis que les jeunes sénégalais, peu nombreux, apparaissent peu motivés, très peu concernés alors qu’en définitive ce sont eux et leurs familles qui en seront les principaux bénéficiaires. Tout le monde se souvient des mots de John Fitzgerald Kennedy, il faut simplement retenir « qu’est-ce que l’étudiant doit faire pour son pays ? »

La seconde recommandation est : Constituer des équipes de volontaires de l’alphabétisation afin d’éradiquer l’analphabétisme.
Notre pays peut réussir là où beaucoup de pays d’Amérique latine ont conquis leur dignité par la connaissance en ouvrant ses immenses espaces vierges à leur population tout entière. L’UGB a un atout avec la section, langues et cultures africaines. Elle pourra alphabétiser les étudiantes et les étudiants dans les nationales et les former aux meilleures techniques d’alphabétisation. J’ai déjà rencontré son Excellence Madame l’Ambassadrice de Cuba dont le pays détient la meilleure expertise dans ce domaine. Ces équipes pourront être mises à la disposition des services compétents dans ce domaine. Le Sénégal que veut le Président de la République Macky Sall devra pour réussir son projet de société, être un Sénégal au moins instruit.

La troisième recommandation est : constituer des équipes de volontaires de la construction.
Il s’agira d’appuyer les pouvoirs publics, les collectivités locales et les communautés dans la construction des infrastructures de base et dans les travaux de haute intensité de main-d’œuvre.

La révolution culturelle devient un impératif ! Il nous faut créer un état d’esprit et une culture favorable aux changements. Les langues nationales doivent franchir les portes de l’école et des universités, leurs traitements doivent les sortir de l’informel et leur donner un statut officiel. Nos langues nationales seront alors des langues d’études, de formation, de transmission et de production des connaissances.

C’est d’une rupture épistémologique qu’il s’agit, penser autrement la construction d’un Sénégal nécessairement nouveau. Le temps n’est plus à la juxtaposition de recettes, de projets et mêmes de programmes, souvent d’ailleurs concoctés par des personnes externes au pays et à notre continent, le renouveau passe d’abord par la prise en charge de notre envie, de notre farouche désir d’atteindre le bien-être pour notre population dans un horizon raisonnable. Le bien-être ne saurait être la résultante de la lutte contre la pauvreté, ni l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), encore moins le gain de quelques dixièmes et de dizaines de places sur l’Indice du Développement Humain (IDH), fussent-ils des objectifs et des indicateurs d’une amélioration des conditions de vie des populations et des individus. Le Bhoutan en mettant en avant son « Bonheur National Brut (BNB) » a essayé, au delà des indices quantitatifs, de revendiquer une perception du bien-être qui ne se mesure pas seulement par une accumulation de richesses mais par une perception individuelle, subjective et qualitative de l’idée de bonheur. Le bonheur n’est pas universel et rationnel, sa base est culturelle.

Aussi, construire un Sénégal nouveau, ne pourra-t-il se réaliser qu’en pensant comme une totalité, la politique qui pose la vision de notre futur, la culture qui définit notre cadre psychologique et psychique, les connaissances qui nous fournissent les moyens de nos prétentions et nos modalités d’action pour atteindre notre objectif.


Mesdames, messieurs,
Chères étudiantes, chers étudiants,
Quelle vision avons-nous de notre futur ? Quelle ambition pour notre pays osons-nous afficher et pour laquelle nous sommes prêts à tous les sacrifices pour la réaliser ? Devrions nous nous contenter de reprendre les objectifs que les organisations internationales comme le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale (BM), l’Organisation des Nations Unies (ONU), le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), etc., essaient de pousser nos Etats à réaliser ? En fait, avons nous raison d’avoir des prétentions plus ambitieuses, je dirai plus conforme à nos revendications d’égale traitement de nos concitoyens, de nos pays et de nos organisations continentales au même titre que leurs homologues des pays développés ? Notre histoire ancienne attestée par l’archéologie (Ethiopie, Blombos, Egypte ancienne, Méroé, Monomotapa, Tombouctou, etc.), par les relations des grands voyageurs et par les historiens ne nous pousse-t-elle pas vers un sursaut pour refuser la gestion calme et insipide de l’état de déclin et aller à l’encontre d’un confinement de plus en plus marqué dans un enclos de pays sans espoir de développement ? Le président français Nicolas Sarkozy avec d’autres Présidents européens ont créé l’Union pour la Méditerranée (UPM) qui, en Afrique, isole une sorte de bande de sécurité pour endiguer la déferlante des hordes affamées d’Afrique noire et aussi constitue une sélection de pays susceptibles, dans un long terme, de s’associer avec un niveau plus élevé de considération, avec l’Europe. Sommes-nous réellement prêts à remettre en cause ce cri de désespoir ou ce hurlement pour réveiller les consciences de Axelle Kabou dans son ouvrage « et si l’Afrique refusait le développement » ?

Le Président Léopold Sédar Senghor aimait utiliser l’image suggestive « en 2000, Dakar sera comme Paris », certains intellectuels se sont offusqués de cette comparaison prétentieuse et européocentriste, d’autres l’ont tournée en dérision. Cependant j’imagine que les populations souriaient pensant en leur fort intérieur que, peut-être, c’était possible et comme la déclinait à l’époque, en chanson, Saaloo Jeng, « an 2000, atum naataange la » (An 2000, l’année de la prospérité). Avons-nous le courage, sommes nous capables d’assumer notre individualité, de prendre notre responsabilité et, comme il y a quelques années, le fit le Président Barack Hussein Obama : « oui, nous le pouvons ». Je dirai : « oui, nous en sommes capables » ! Pourquoi sommes nous hésitant ? Pourquoi cette humilité qui frise la faiblesse ? Pourquoi, alors que partout nos scientifiques, nos techniciens et nos cadres donnent la preuve de leur compétence et de leur savoir faire, en restons nous à marmonner des lieux communs que nous ont répétés les intellectuels de la colonisation et ceux de la Coopération, plus ingénieux dans leurs discours soporifiques ? Beaucoup d’entre nous sont des « gagne-petit », est-ce une raison d’être d’éternels « vois-petit » ?

J’aime ce soupçon de folie saine, ce zeste de déraison rationnelle, cet air de liberté d’esprit et ce goût démesuré pour les défis qui habitent les américains, j’apprécie et je relis souvent cette partie du discours que le Président John Fitzgerald Kennedy prononça le 12 septembre 1962 à l'université Rice, après le succès du satellite Spoutnik et du lancement de Youri Gagarine, le premier homme dans l’espace, par les soviétiques. Il y dit ces mots qui sont restés célèbres : « nous choisissons d’aller sur la Lune. Nous choisissons d’aller sur la Lune dans cette décennie et faire d’autres choses encore, non parce que c’est facile, mais bien parce que c’est difficile, parce que ce but servira à organiser et mesurer le meilleur de nos énergies et de nos savoir-faire, parce que c’est un défi que nous sommes prêts à relever, que nous ne voulons pas remettre à plus tard, et que nous avons l’intention de gagner, et les autres aussi». Le Président Kennedy le dit et le 11 juillet 1969, Neil Alden Amstrong fut le premier homme à marcher sur la lune.

Chères étudiantes, chères étudiants,
Notre société connaît les défis. Dans les champs, durant la saison des pluies, les hommes, wolof, rivalisent d’ardeur, qui labourera la plus grande superficie ? A la fin de l’hivernage, lorsqu’il faut attraper les taurillons pour écraser leurs organes génitaux, les hommes peuls, à nouveau, rivalisent, qui, par la dextérité de son bras et de ses mains, a le lasso le plus précis pour attraper un pied de l’animal ? A la fin des récoltes lorsque débute la saison de lutte, lorsque les villages wolof et sérères organisent à tour de rôle les soirées de combats de lutte, c’est la saison des défis et des compétitions qui débute, défi affiché en plantant avec énergie et force un ndende au milieu de l’arène, défi relevé en faisant tomber le ndende. Les bakk des lutteurs sont souvent tissés de vers qui appellent au défi : « fi ma jaar ku fi jaar taxa bann », « là où je passe, celui qui y passe s’enfonce dans l’argile ». Lorsque les graines ont rejoint les greniers, que les familles sont rassurées, commence la saison des fiançailles, les jeunes filles peules, à la beauté légendaires s’habillent de leurs plus belles robes, la tête avec de fines tresses serties de perles, fines fées, sont les spectatrices intéressées lors des soirées de riiti et de xalam, elles assistent aux défis les plus fous, les plus suicidaires que peuvent se lancer les jeunes hommes, comme se donner des coups de couteau.

Les jeunes peuls acquièrent très tôt une culture des armes blanches, ils s’en servent dans leurs pratiques de berger, couper les branches pour confectionner les enclos, pour nourrir le bétail, tailler les cornes du taureau du troupeau, tuer un animal et le dépecer, retailler les sabots. Le coupe-coupe et le couteaux sont des compagnons du berger qui les garde toujours à proximité et souvent, dans des fourreaux séparés, bien en évidence, sur ses deux côtés latéraux pendants au niveau de la ceinture. Passer du jeu avec ces armes, à leur utilisation dans des confrontations belliqueuses, est un pas vite franchi et le jeune peul recherche le tul qui lui assure une protection contre la pénétration de son corps par une arme blanche. Il était de tradition lorsque des jeunes peuls se rencontrent dans une manifestation festive, qu’ils se défient en s’enfermant dans une case, toutes lumières éteintes et à se prouver que leur tul fonctionnait et les belles filles nubiles n’avaient d’yeux que pour ce beau vainqueur ! Les filles en étaient les spectatrices, elles en constituaient le jury et enfin, c’étaient elles qui en étaient les trophées ! Les jeunes filles wolof, sérères et peules avaient, elles aussi, leurs épreuves de courage, leurs défis aux filles de même génération, il fallait subir l’épreuve du tatouage des lèvres et du menton, honte à celles qui s’y refusaient ou pire encore, celles qui fuyaient. Elles supportaient, la tête réchauffée par la chaleur des cuisses de la tatoueuse, une journée mémorable faite d’une douleur continue, entretenue par les piqûres d’aiguilles ou d’épines, sans anesthésie avec comme espoir l’entrée dans les canons de l’esthétique féminine, une intronisation dans un groupe d’élite et la fierté de s’être réalisée.

L’apprentissage de la connaissance était aussi dès le jeune âge source de défi. Les enfants se menaient une rude compétition. Qui sera le premier à terminer la mémorisation du Coran ? Et qui, dans une cérémonie solennelle, pourra le réciter sans une seule faute ? Celui-ci procurait fierté et honneur à sa famille qui en retour le récompenser en immolant le plus gros taureau qu’elle pouvait se procurer. Une grande fête était organisée et chaque membre de sa famille apportait un cadeau, des boubous, des bêtes, et quand il s’agissait d’une fille, des parures.

Les défis ne résultent pas seulement de notre vie quotidienne. Faudrait-il rappeler le défi le plus fantastique, le plus fou mais surtout le plus héroïque, celui de Aboubakri II, empereur du Mali, qui décida d’aller voir ce qui se passait au delà du Grand Fleuve, l’Océan Atlantique. Il exécuta son rêve et son ambition, bien avant Christophe Colomb. La présence signalée de Noirs sur le continent américain par deux navigateurs espagnols, Lopez de Gomara et Pierre Martyr d’Anghiera, semble, pour certains historiens, confirmer ce voyage.
Notre société n’est pas une immense mer tranquille !

Chères étudiantes, chers étudiants,
Ainsi, les femmes, les hommes et les jeunes sont-ils les héritiers d’une culture dans laquelle le défi jalonne plusieurs étapes déterminantes de la vie. Il est alors difficile d’accepter que le colonisateur et son école, que les pouvoirs politiques post indépendance et leur école, aient produit des élites aseptisées, sans ambition, presque indifférentes au piétinement économique et social et au rang de nos pays dans ce monde globalisé.

La globalisation nous offre un cocktail d’opportunités alors que nos élites intellectuelles s’appesantissent plus sur ses contraintes, au lieu d’être des aiguillons pour mobiliser les populations, ils formalisent l’apathie et la passivité de celles-ci. J’utiliserais un concept marxiste pour mieux caractériser une partie de nos élites intellectuelles, nous avons de « petits bourgeois », prétentieux, qui veulent tous les clinquants de la société de consommation aux quels ils ajoutent l’accaparement des ressources, sans efforts, avec des alibis faciles pour justifier leur inaction par l’absence de moyens, ils ne veulent pas se mouiller encore moins se salir les mains.

Chères étudiantes, chers étudiants,
L’adage populaire est sans ambiguïté, « Yalla Yalla bey sa tool », « aide toi Dieu t’aidera ». Nous sommes maître de notre destin ! Les leaders politiques et les intellectuels par leurs choix et par leurs plaidoyers façonnent la place que nous occuperons, nos conditions de vie, notre cadre de vie, notre environnement, l’hygiène et la propreté de nos espaces intimes et publics, notre niveau d’expertise technologique, notre gaieté, notre joie de vivre, notre sens de la solidarité, notre générosité, notre liberté d’esprit, notre ouverture d’esprit, notre joie d’accueillir les étrangers, notre envie d’être beau, notre propension à bien nous habiller et à bien nous présenter, la présence d’un sourire à fleur de lèvres sur un visage radieux, notre désir ardent de manger de bon mets, etc. Nous avons déjà une perception de nous-même. Tous les peuples n’en ont pas et surtout n’arrivent pas à un tel niveau de conceptualisation de la manière dont ils se représentent. Nous disons « Sénégal reewu teraanga », « le Sénégal pays d’hospitalité ». Nous exprimons ainsi notre disponibilité à bien accueillir nos hôtes, de fait, indique-t-il aussi l’état de prospérité dans lequel vivaient les habitants du Cayor et du Baol et qui les mettait à l’aise pour recevoir les étrangers. Chez les peuls la représentation est encore plus poussée puisque les peuls appellent « pulaagu » la manière d’être des peuls et vont jusqu’à caractériser « l’hospitalité » par « fuldude », « la manière d’être des peuls » !

Nos peuples sont fiers, ils ont une certaine perception d’eux mêmes, il ne reste que la saine ambition des hommes politiques pour transformer ce sentiment d’appartenance à un « groupe de performance », en une volonté d’atteindre le bien être.



Chères étudiantes, chers étudiants,
L’Etat est bien présent en Afrique, l’autorité aussi. Il nous faut éradiquer le laxisme et la mollesse qui caractérisent, aujourd’hui, nos systèmes administratifs et politiques. Je m’empresse de rappeler que la démocratie ne s’oppose pas à l’autorité, à la prise de décision, à la fermeté et à la rigueur. Notre pays est victime d’une mauvaise interprétation d’une valeur, le masla. Le masla est devenu une abominable tare et le Sénégal en est complètement affecté. Cette manière courtoise et apaisée d’aborder les questions et de traiter les problèmes apparaît comme un voile impudique sur nos défauts et la justification de tous les travers délictueux et vicieux. Le masla est l’alibi qui, sous le prétexte d’une recherche effrénée de consensus social, permet la licence, de passer en perte et profit les détournements de deniers publics et sociaux, les morts dans les accidents de la circulation, les agressions sexuelles sur des mineures dans les écoles, les fautes de gestions dans les entreprises et les administrations, les incompétences des responsables, le parasitisme familial et social, la fainéantise, l’incivisme général, le retard et l’absentéisme des fonctionnaires, le détournement du temps de travail par les enseignants au profit des écoles privées, etc. Parce que l’autorité ne décide pas, qu’elle est hésitante et lorsqu’elle se sent contrainte à annoncer une mesure, à force de tergiversation, de renoncement en reniement, elle finit toujours par l’abandonner, après des décennies d’expérience, il n’est pas étonnant que les sénégalais se distinguent partout dans le pays et, aussi à l’étranger en particulier dans les aéroports et à la Mecque, par une indiscipline qui frise la sauvagerie ! J’ai souvent entendu, à l’étranger, des sénégalais, choqués par un tel comportement, dire : « les sénégalais ne sont pas éduqués » ! Le seul responsable est l’autorité politique qui ne mesure pas, à sa juste valeur, son devoir d’inculquer des valeurs, d’imprimer à la nation entière un comportement et de façonner son attitude et ses aptitudes. Pourquoi alors cette anarchie sauvage dans l’espace public, social, dans la cité et dans les institutions ?

Les pouvoirs politiques ont jusqu’à présent renoncé, contrairement aux prescriptions de Platon (Les Lois), à « l’éducation qui, dès l’enfance, forme à la vertu, et qui inspire aux hommes le désir passionné de devenir des citoyens accomplis en les rendant à la fois capables de commander et d’obéir conformément à la justice ».

Chères étudiantes, chers étudiants,
Les pouvoirs publics, les administrations et les institutions sont-ils capables de sanctionner ? La réponse est sûrement positive car nos prisons sont remplies à ras bord de voleurs de poulets, de chèvres, de bœufs, de bicyclettes, de bijoux, de récoltes, de violeurs, d’assassins isolés, de jeunes filles coupables d’infanticides, etc.

Dès lors que le présumé coupable est adossé à une communauté, à un lobby ou bien à un groupe de pression, les autorités politiques devenaient moins incisives, laxistes et l’équité devenait un vœux pieux.

Les autorités politiques n’ont d’autres choix que le courage d’engager des ruptures, assumer la responsabilité de l’autorité dont elles sont dépositaires et prendre, mêmes si elles devaient être impopulaires, les décisions courageuses qui sauvegardent nos possibilités de réussir notre objectif de bien-être pour le Sénégal. C’est ce que le Président Macky Sall a compris en mettant fin à l’impunité. Mais que c’est difficile !

Le futur de notre pays est plus important que la préservation d’intérêts particuliers fussent-elles celles d’une autorité politique, administrative et traditionnelle, d’un syndicaliste, d’un étudiant, d’un patron étranger, d’un journaliste, d’un enseignant, d’un magistrat, d’un chauffeur de transport en commun, etc. Punir est une sanction difficile à prendre, surtout, lorsque les subalternes se défaussent sur l’autorité supérieure par manque de loyauté. Même s’il faut insister sur l’effort particulier d’information, de prévention, il n’en reste pas moins que punir fait parti de l’arsenal indispensable pour construire une société juste, équitable et solidaire. Loin de moi, l’idée d’installer dans notre esprit une quelconque envie d’instaurer dans notre pays une dictature. La démocratie est le meilleur choix pour construire le Sénégal nouveau qui motive ma réflexion. C’est un Sénégal exigeant en éducation citoyenne, en engagement communautaire, en connaissances scientifiques et technologiques et en innovation. Plus que jamais, le Sénégal nouveau sera le Sénégal des nouvelles ressources humaines façonnées par des autorités politiques courageuses, lucides, et capables de prendre des décisions fondées sur une expertise avérée. L’adage wolof « nit, nitaye garabam », « l’homme est le remède de l’homme » rencontre notre perception de la construction de la vision de notre futur. Comme le disait le président Léopold Sédar Senghor, « l’homme est au début et à la fin du développement ». L’homme politique positif est un acteur, un créateur, un innovateur, « un guerrier » et un humaniste, il ne saurait être ni un simple gestionnaire d’un existant à pérenniser, ni le jouisseur d’une « station » et encore moins le solitaire à l’intelligence suffisante.


Chères étudiantes, chers étudiants,
Les images encore fraiches des enfants-soldats du Libéria, de la Sierra Leone, du Ruanda et de la République Démocratique du Congo, les reportages montrant des milliers d’enfants mourant de faim en Ethiopie et au Soudan, les ravages du paludisme et du sida, ces enfants de plus en plus nombreux à s’agglutiner dans les carrefours de nos villes à la recherche de la charité, ces jeunes désespérés et suicidaires qui assiègent les frontières des pays développés et en particulier ceux de l’Union Européenne, tout concourt à considérer la jeunesse de la population africaine et son taux de croissance élevé comme un handicap majeur pour le pays.


Il y a quelques années, il suffit qu’une rumeurs fut savamment diffusée dans à Dakar laissant entendre que l’agriculture espagnole était à court de main d’œuvre que les pêcheurs se transformèrent en passeurs. Beaucoup d’équipages de pirogues se détournèrent de la pêche, ils organisèrent les voyages des jeunes gens et jeunes filles vers les côtes des îles Canaries. Ce fut une ruée aveugle vers l’Espagne. Les jeunes oublièrent la peur et la mort. Ils ne virent que la perspective d’un emploi, d’une vie décente. Enfin, ils espéraient réaliser le rêve de tout adolescent sénégalais, tekki, être utile, prendre des responsabilités et surtout assurer la relève des parents. La mort fut le plus souvent au rendez-vous, nos boat people sénégalais, ceux qui arrivaient, une bonne partie revint humiliée dans des vols charter. La jeunesse sénégalaise apparut, un moment, avoir perdu complètement la boussole de son destin, sans issue, pour elle le seul choix : quitter le Sénégal! Les pays africains sont sous pression, sommés de toute part de maîtriser et d’inverser la croissance de leur population. Cependant, lorsqu’on y regarde de plus près, la jeunesse de la population africaine est un atout indéniable pour le développement du Continent. Les investissements nécessaires pour permettre à la jeunesse africaine de jouer son rôle sont importants et doivent être soutenus dans la durée. Mais ils sont de même nature que ceux que consentent actuellement les pays développés et émergents en vue de tirer le meilleur profit de l’économie et de la société de la connaissance.

La valorisation de la jeunesse passe par l’éducation et la formation. Les études aideront les jeunes à acquérir une culture de la créativité et de l’innovation. Les études contribueront aussi à forger leurs personnalités afin de bâtir un leadership attaché au progrès, au développement, à la participation et au partage. La jeunesse ainsi instruite sera attachée aux valeurs de solidarité et de service volontaire à la communauté. L’avenir de la jeunesse africaine, sera d’être instruite et surtout technicienne. Dès lors son ambition sera d’assumer son destin en Afrique afin que le Continent conquière un espace de respect, de dignité, de fierté et de développement. La jeunesse sénégalaise est prête à saisir toute opportunité saine et prometteuse, toute perche tendue qui lui donne la dignité d’être utile. Accélérer la marche du pays vers le bien-être passera par la réduction du coût d’entrée dans cette catégorie de pays. Un facteur important sur lequel le Sénégal pourra compter est l’utilisation de volontaires dans la construction des infrastructures indispensables au développement : routes, digues, barrages, canaux, écoles, universités, périmètres de cultures irriguées, centrales électriques, hôpitaux, dispensaires, étables, etc. Les vacances scolaires et universitaires constituent des moments à valoriser, les jeunes étant laissés à eux-mêmes oisifs ou dans les activités sportives des navetaan.

Le développement de la culture de service à la communauté aidera notre pays à abaisser sensiblement le coût du facteur travail et en conséquence abaissera les besoins en financement et les coûts d’exportation. A contrario valorisera les ressources mobilisées des partenaires et permettra d’en tirer un meilleur profit en construisant par exemple plus d’infrastructures. Il est triste de voir à côté de groupes de volontaires étrangers enthousiastes et durs à la tâche en train de construire des salles de classes et des dispensaires des jeunes destinataires de ces infrastructures qui s’amusent jouent au football ou flânent en toute irresponsabilité. L’oisiveté et la perte du jom ne révulsent plus. La facilité encouragée depuis quelques décennies par le comportement des autorités et la culture qu’elle véhicule inhibe profondément le comportement des jeunes. Les maîtres ne sont plus respectés, dans l’apprentissage les parents encouragent les jeunes à voler de leurs propres ailes dès lors qu’ils ont appris quelques gestes. « Njanngaanoo, njangaan soo mokalee ber sa daara », ne semble plus de mise. La jeunesse, loin d’être un fardeau, sera alors une richesse renouvelable, un moteur pour la transformation de la société et un bien d’exportation. En effet la crise démographique dans les pays développés, conjuguée avec de soi-disant conquêtes sociales, conduiront dans les décennies à venir beaucoup de pays développés en dessous du seuil de renouvellement de leur population.

L’immigration atteindra très vite son plafond, ralentie par la montée naturelle de la xénophobie dans le Nord. A moins d’avoir recours aux progrès les plus récents de la science, affranchir la procréation de l’accouplement extra ou in vitro, les pays du Nord atteindront le seuil fatidique de l’insuffisance de ressources humaines qui va étouffer le progrès scientifique et technologique. Le Nord fera alors recours massivement aux jeunes formés des pays du Sud. D’ailleurs ces politiques d’immigration ciblée sont déjà, à petite échelle, en application avec par exemple pour la France, la politique dites « d’immigration choisie ». La jeunesse africaine a plus que toutes les autres des sources intarissables de motivation : vaincre la pauvreté, conquérir la notoriété, la liberté et la dignité, et prendre sa revanche sur l’histoire.
C’est une épopée inédite que la jeunesse de la population africaine permettra à l’Afrique de vivre.
Je vous remercie de votre attention.


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1.Posté par olivier RICHARD le 20/01/2021 20:50 (depuis mobile)
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