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Enseignants grévistes: Complaintes et frustrations d'un corps

Samedi 14 Avril 2012

Au-delà des revendications pécuniaires, la grève des enseignants cache t-elle les frustrations d'un corps aujourd'hui interpelé par tout un pays ? Des échanges avec des enseignants apparaît, en filigrane, le mal être d'un corps qui réclame de meilleures conditions de travail et plus de considération.


Enseignants grévistes: Complaintes et frustrations d'un corps
Les jours de l’école sénégalaise se dessinent sous des traits sombres avec ces grèves récurrentes et le spectre d’une année blanche qui devient de plus en plus inévitable. Cette situation met l’école au bord du précipice mais les enseignants pour une large frange, restent encore accrochés à la satisfaction hic et nunc de leurs revendications pécuniaires.

Sourds aux nombreux appels lancés par les parents d’élèves et les acteurs de la société civile pour sauver ce qui peut encore l’être, les syndicats restent intransigeants sur la matérialisation des accords déjà signés. Derrière cette attitude cavalière qui heurte la sensibilité de beaucoup de Sénégalais, se cachent des raisons insoupçonnées. A en croire certains enseignants, le malaise est plus profond qu’on ne le pense. C’est un condensé de frustrations et d’humiliations qui selon certains d’entre eux pousse «beaucoup d’enseignants à vouloir quitter ce corps».

Au dernier concours d’entrée à l’Ecole nationale d’administration (Enam), «ils n’étaient pas moins de 5000 enseignants tous ordres confondus à se présenter au concours, c’est là un indice pour montrer que les enseignants ne sont pas à l’aise dans leur habits» explique une professeure de philosophie qui a quitté Saint- louis pour venir subir les épreuves qui se sont déroulées au mois de décembre dernier. A l’origine de ce malaise, « il y a certes les salaires qui sont bas par rapport au niveau de vie du Sénégal, mais également et surtout le manque de considération et le mépris dont font l’objet les enseignants surtout de la part de l’Etat et de ses services», explique un professeur d’éducation musicale.

Aujourd’hui personne ne veut plus embrasser la carrière d’enseignant car le métier n’offre pas de confort matériel «pourtant nous ne sommes pas les moins diplômés de la fonction publique sénégalaise», confie ce vétéran, ancien professeur de lettres classiques, devenu aujourd’hui chef d’établissement. M. Diop révèle avoir fait une carrière de 35 ans dans l’enseignement. Aujourd’hui, à moins de deux ans de la retraite, il a rejoint sa propre maison pas encore achevée. Même s’il se désole de la grève des enseignants, M. Diop avoue les comprendre « c’est une jeune génération qui est confrontée à une conjoncture mondialisée avec de nouvelles réalités que malheureusement l’administration n’a pas encore saisies pour ajuster les traitements des enseignants.». Pour un autre professeur interpelé, les professeurs sont « loin d’être des irresponsable comme veulent le faire croire certaines autorités», il en veut pour preuve les sacrifices consentis par bon nombre d’entre eux qui tiennent des classes d’examen et font des cours pendant les vacances et les week end, malgré les mots d’ordre de grève décrétés par leur syndicats respectifs.

Pour lui le problème se situe dans le fait que « les autorités n’ont pas saisi les mutations qui sont entrain de s’opérer dans le corps avec le rajeunissement des effectifs qui nécessite une rupture d’avec cette conception cette image de l’enseignant du type des premières heures de l’ère postcoloniale.» M. Faye qui a servi à Tambacounda, puis assuré un intérim à Bakel avant de revenir à Dakar jure, la main sur le cœur «malgré mes 17 ans de carrière, je viens d’acquérir une parcelle dans la banlieue de Rufisque, je ne sais pas quand est ce que je pourrai construire une maison et je n’ai plus encore 15 ans de service.» Et M. Faye de tacler les anciens qui ne cessent de les flétrir en les accusant de violation du sacerdoce ou évoquant un manque de vocation. Pour lui ces anciens doivent comprendre que les époques ne sont pas les mêmes car «à leur époque les liens de la société était encore solide et les enseignants jouissaient partout d’un profond respect de la part de la société, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

Au contraire, on nous stigmatise, nous étiquette comme des Harpagons en disant par exemple que les enseignants sont les seuls à savoir combien de morceaux contient une boîte de sucre, pour dire que nous comptons les sous au centime prés.» Une chose que semble confirmer Mme Diankha, nouvellement recrutée comme vacataire qui est entrain de déchanter parce que, dit elle, déçue par le traitement salarial qu’elle reçoit avec beaucoup de retard en plus.

Titulaire d’une licence en informatique et webmastering à l’Ucad, Mme Diankha a obtenu son bac S sans emploi, elle est venue s’essayer dans l’enseignement et avoue avoir beaucoup de regrets eu égards au traitement comparée à l’intensité du travail qu’elle avec des effectifs de 100 à 125 élèves. « D’ailleurs quand j’appelle mes camarades de promotion pour leur dire que je suis dans l’enseignement elles rient de moi. Là je dis que je ne vais rester et je suis entrain de chercher de chercher un poste dans le privé et j’ai espoir que cela aboutira » avoue t-elle.

Toutefois, unanimes, ces enseignants reconnaissent qu’il y a urgence à sauver l’année scolaire et les enseignants se disent prêts à sacrifier leurs vacances pour un réaménagement du calendrier scolaire. Mais ajoutent-ils, le nouveau gouvernement doit envoyer un signal fort en prenant langue officiellement avec les syndicats pour faire des propositions concrètes. Il sera alors possible de «colmater l’année scolaire présente» avoue M. Dème professeur de philosophie à Dakar.

Après cet épisode les enseignants estiment « qu’il est temps d’aller vers des assises de l’école mais aussi sur le statut de l’enseignant comme le promettait toujours le régime précédent sans aller au-delà des discours et des slogans.

Par Daouda Gueye


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