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Quand Serigne Mbaye Thiam vogue dans les mêmes eaux que Mansour Faye

Jeudi 4 Juillet 2019

On avait compris — et fini par s’y résigner — que pour le lobby de la « Saint- Louisienne Des Eaux », il fallait absolument que la « Sénégalaise des Eaux » fût boutée hors du périmètre d’affermage de l’eau potable en milieu urbain de notre pays. Et ce au profit de la multinationale française Suez, descendante de la Lyonnaise des Eaux ! Un lobby gravitant autour du ministre Mansour Faye, maire de Saint-Louis qui, au nom du prix de la cola représenté par les bennes tasseuses offertes à sa ville, ne pouvait décemment pas laisser perdre ces vendeurs d’eau.

Des marchands de flotte qui, heureux hasard, quelques mois après avoir offert ce cadeau sans penser à rien et de manière totalement désintéressée, ont appris que le Sénégal lançait un appel d’offres international concernant leur cœur de métier !

Autre heureux hasard, le ministre chargé de conduire le processus de ce marché qui les intéressait n’était autre que ce maire à qui ils avaient offert des bennes tasseuses. Un bienfait n’est jamais perdu, on le sait depuis la fable du lion et du rat de La Fontaine ! Autre acteur majeur : M. Charles Fall, Saint-louisien comme Mansour Faye qui, heureux hasard là aussi, l’a nommé à la tête de la société chargée de gérer le patrimoine de l’Etat dans le domaine hydraulique. Ce alors qu’il ne connaissait que dalle dans ce secteur. A ce titre, pour manifester sa reconnaissance à son bienfaiteur mais aussi pour témoigner sa gratitude à de généreux souteneurs de la bonne ville de Ndar, lui aussi, en tant que directeur général de la SONES, ne pouvait évidemment pas ne pas avoir un penchant pour SUEZ. Une multinationale qui, encore une fois, a eu la bonne idée d’offrir des bennes tasseuses à celui qui l’a nommé au poste liquide de SUEZ. Il a fait mieux puisque les représentants de la Sones étaient en quelque sorte les chevaux de Troie de SUEZ au sein de la commission d’évaluation des offres où ils ne cachaient même pas leur parti-pris. Et influencer les décisions en faveur du soumissionnaire pour lequel battait visiblement le cœur de leur alors ministre de tutelle. Et comme nous l’avions indiqué dans une de nos éditions, le gentil garçon qui vient apporter les plis contenant les offres de SUEZ aux réunions de la commission de dépouillement du fabuleux marché de gestion de l’eau en milieu urbain et péri-urbain dans notre pays pour les 15 prochaines années, ce garçon, c’est un hôtelier... de Saint-Louis où il tient un établissement dans lequel le ministre Mansour Faye a ses aises. Le monde est petit... Dans ces conditions, évidemment, pas étonnant que ce lobby ait poussé à la roue pour que le marché revienne à la Saint-Louisienne des Eaux, oups SUEZ ! Tout cela, on l’avait compris.

Remettre en cause le choix d’un beau frère du Président ? Crime de lèse- majesté ! Ce à quoi l’on ne s’attendait pas, en revanche, c’est que le remplaçant de Mansour Faye au ministère de l’Hydraulique se mette lui aussi à défendre bec et ongles le choix fait par son prédécesseur. Et s’approprie l’argumentaire de ce dernier là où, la moindre des choses qu’on était en droit d’attendre de lui, c’était de faire preuve d’un minimum de prudence. Mais il est vrai que celui qui a fait de lui un ministre, à savoir l’actuel président de la République, n’est autre que le beau-frère de M. Mansour Faye ! Difficile, dans ces conditions, de remettre en cause les choix de ce dernier. Tout de même, un peu de distanciation n’aurait pas fait de mal.

Toujours est-il qu’on entend Serigne Mbaye Thiam pérorer sur l’expertise et la diversité des membres du comité d’évaluation des offres de ce marché d’affermage pour dire que tout s’est fait dans la transparence. Cristalline comme de l’eau de roche ? Allons ! Si l’on sait qu’en 1996, la procédure d’attribution du précédent marché du même type avait duré en tout et pour tout trois semaines, et que pour l’actuel le délai d’un an a été largement dépassé, on se dit que, question d’expertise, d’objectivité et de transparence, il y a assurément problème. Jamais en effet processus n’a été aussi long — et aussi jalonné de retournements de situations — pour l’attribution d’un marché en apparence si simple.

Gageons que s’il n’y avait pas une volonté à peine cachée de faire gagner Suez et à tout prix—c’est le cas de le dire puisque le gagnant a proposé un prix exploitant plus cher que celui de la société arrivée en tête des évaluations —, l’affaire aurait été pliée depuis longtemps. En plus des éléments de la Sones, des membres du comité d’évaluation ayant des positions d’influence plus que déterminantes et dont le parti pris était manifeste auraient usé de leur poids, décisif, pour faire pencher la balance du côté de qui l’on sait. Dans ce lot, le pompon revient sans conteste au sieur Mamadou Dioukhané, Dage du ministère et homme-lige de Mansour Faye, qui était d’ailleurs monté au créneau pour tenter de défendre la justesse selon lui du choix largement décrié sorti du chapeau de la commission qu’il dirige. De ses propos suintait la haine qu’il a pour la SDE qui distribue pourtant l’eau dans les villes du Sénégal depuis 1996 avec d’excellents résultats qui nous valent d’être cités en exemple dans le monde entier. Toujours est-il que les Diafoirus de ce brillantissime comité ont travaillé avec tellement de zèle que leurs efforts sont parfois tombés... à l’eau. Si bien qu’à plusieurs reprises, la DCMP et l’ARMP leur ont demandé de revoir leur copie. Les membres de ce comité Théodule — comme disait le général De Gaulle —, nous rappellent les fameux experts auxquels avait fait appel Mme Nafi Ngom Keïta pour auditer les routes construites par l’entrepreneur Bara Tall dans l’affaire des chantiers de Thiès. Des experts en tout, peut-être, sauf en matière de routes justement !

M. Serigne Mbaye Thiam, donc, excipe de l’expertise et de la diversité des membres du comité d’évaluation pour dire que leur choix, fait dans les règles de l’art d’après lui, sont imparables ! Curieux, hélas, qu’un homme aussi à cheval sur les principes ne se soit pas formalisé du fait que son prédécesseur lui ait fait une bien mauvaise manière en faisant publier, le 16 avril dernier, dans les colonnes du « Soleil », les résultats de l’attribution provisoire du marché relatif au choix d’un fermier pour la distribution de l’eau dans nos centres urbains. Ce alors que le décret portant nomination d’un nouveau gouvernement était déjà publié dans le Journal officiel depuis six jours déjà, le 10 Avril. Autrement dit, à ce moment-là, M. Mansour Faye savait qu’il n’était plus le ministre de l’Hydraulique et attendait juste de faire sa passation de service avec son successeur. Hélas, encore une fois, on ne se formalise pas des mauvaises manières d’un beau-frère du président de la République !

Mais ce qui nous a le plus navrés, c’est la morgue avec laquelle M. Serigne Mbaye Thiam a indiqué dans une interview à un confrère que cela l’étonnerait que la Cour suprême donne raison à la SDE en cas de recours contre l’attribution du marché attribué à SUEZ. De trois choses l’une : ou il considère que cette haute juridiction ne serait qu’un « machin » — pour reprendre encore De Gaulle, à propos de l’ONU cette fois-ci — au service du président de la République dont elle exécuterait sans broncher les volontés. Ou il ne fait qu’exprimer un avis, ce qui, de la bouche d’un citoyen ordinaire, pourrait être admis mais guère venant d’un ministre de la République qui se doit de respecter la séparation des pouvoirs.

Dernière hypothèse, et c’est la plus probable, il n’a que mépris pour la Cour suprême. De fait, il a déjà montré le peu de cas qu’il fait des décisions rendues par cette dernière lorsque des élèves instituteurs radiés l’avaient saisie et qu’elle leur avait donné gain de cause. Eh bien, l’intraitable Serigne Mbaye Thiam avait déchiré la décision de la Cour suprême avant de la jeter à la poubelle. Ou, plutôt, à l’eau. Dans ces conditions, évidemment, ne venez pas lui parler de Cour suprême à qui il fait un bras d’honneur !

Mamadou Oumar NDIAYE 
LE TEMOIN
 


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