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OPINION - Ce discours politique dangereux qui risque de diviser les sénégalais. Par Dr Demba SECK

Vendredi 5 Octobre 2018

OPINION - Ce discours politique dangereux qui risque de diviser les sénégalais. Par Dr Demba SECK
Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, le nouveau gouvernement du Sénégal, soucieux de se maintenir au pouvoir et continuer à exercer son contrôle sur les ressources du pays, pourrait bien pâtir d’avoir provoqué une psychose idéologique qui pourrait faire trembler le climat social apaisé qui, jusque-là, était le socle de la société sénégalaise.


Lorsque les téléspectateurs sénégalais entendent leur président expliquer qu’il fait partie de tel groupe ethnique et que toute personne appartenant à ce groupe doit le soutenir pour conserver son fauteuil présidentiel, alors ils sont véritablement indignés, et cette déclaration n’a rien à avoir avec ce que le peuple attend véritablement de lui en tant que président de tous les sénégalais. Lorsque les internautes entendent une jeune femme insulter toute une ethnie et se réclame faire partie de celle du président estimant par-là le soutenir, il peut être bon de clarifier les choses en disant que le pays n’a jamais connu ce genre de situation depuis son indépendance. 


Cette situation est d’autant plus dangereuse que l’on connait la force, parfaitement respectable, des liens de parenté qui unissent les sénégalais à leurs propres cultures, leurs propres traditions et leurs propres convictions religieuses et confrériques. Mais comment ne pas fabriquer des clivages ethniques et religieux si l’on sait qu’on a pas d’arguments solides pour convaincre ses citoyens ? C’est regrettable, surtout quand on prétend, dans le même temps, que le Sénégal est un et indivisible.

Depuis 2012, le discours de l’ethnicisme dans le pays est devenu une sorte de leitmotive à base de sentiments d’appartenance qui en réalité n’est qu’une ruse politique afin de s’attirer la sympathie de certains électeurs, car dans le fond ce genre de discours n’a pas sa place dans le contexte politique et socio-culturel sénégalais.


Et voici qu’à quelques mois des élections présidentielles de 2019 d’autres concepts plus sensibles et plus dangereux surtout lorsqu’on les utilise mal, surgissent. Ces concepts tels que le « tidianisme » le « mouridisme »  l’« ibadouisme », le « wahabisme », etc. avec comme dénominateur commun l’islam, alimentent aujourd’hui le discours politique sénégalais.


Tous ceux qui attendaient un plaidoyer en faveur d’une dislocation complète de la société sénégalaise sont sur le point de savourer leur plus grande victoire si les sénégalais ne se réveillent pas tout de suite pour stopper cette hémorragie fatale qui menace leur tissu social. Un épisode qui risque de révéler une situation catastrophique et irréversible. L’élan suscité par les guides religieux tels que Serigne Touba, Mame El hadji Malick Sy, Mame Limamou Laye, Basse Niasse, etc. permettait de rassembler tous les sénégalais et non pas seulement une partie de la population sur le thème de l’islam mais aussi sur les thèmes constructeurs de l’intégration, de la tolérance et du dialogue sans distinction confrérique, ethnique, de race ou de religion. Leurs services rendus au pays ont été immenses. 


Alors aujourd’hui, au nom de quoi les hommes politiques sénégalais, beaucoup trop marqués par leurs ambitions électorales et présidentielles, se permettent-ils d’utiliser la religion ou leur appartenance ethnique pour diviser les sénégalais ? Tous ceux qui adhèrent à cette façon de faire la politique ne sont pas dignes de diriger le pays et sont en train de trahir la mémoire de nos aïeux.
Cette politisation de la religion et de l’appartenance ethnique va éclater au grand jour lors de la prochaine campagne présidentielle de 2019.  Les prémices commencent déjà avec des accusations gratuites faites à l’endroit de certains leaders de partie politique à l’image d’Ousmane Sonko sur son appartenance religieuse, je devrai plutôt dire appartenance confrérique. À vrai dire, ce qui risque de diviser les sénégalais, c’est n’est pas la religion car toutes ces composantes (Tidiane, Mouride, Layene, Niassene, Ibadou etc) font partie d’une seule et unique religion, la religion musulmane.  Se pose alors la question de savoir ce qui risque de diviser véritablement les sénégalais. Si les sénégalais arrivent à répondre à cette question, ils sauront que cette division est inutile, improductive et dangereuse pour le pays. 


Le leader du Pastef a eu la sagesse de recadrer un journaliste qui lui a posé une question sur son appartenance confrérique. Qu’a-t-il répondu ? D’abord « pourquoi il serait le seul homme politique à qui on pose ce genre de question ? »  Une question qui, de mon point de vue est extrêmement sensible et hors contexte si l’on comprend bien les réalités socioculturelles sénégalaises. Ousmane Sonko après avoir expliqué l’histoire politique du Sénégal avec comme exemple le régime de Leopold Sédar Senghor, premier président de la république du Sénégal qui, malgré le fait qu’il était chrétien, avait bénéficié du soutien de beaucoup de sénégalais musulmans et chrétiens. Certains chefs religieux à l’époque avaient même soutenu le candidat Senghor lors des élections présidentielles de 1978 qu’il a fini par remporter largement avec un score de 82¬,02 % devant son rival, le fervent opposant à l’époque Maître Abdoulaye Wade 3ème président de la république du Sénégal de 2000 à 20012.


Ce que le leader du Pastef a voulu faire comprendre aux sénégalais à travers la question du journaliste, c’est que la question qui doit se poser n’est pas de savoir si celui qui veut diriger le Sénégal doit être musulman, chrétien, animiste ou athée, mais plutôt est ce qu’il sera en mesure de répondre aux attentes des sénégalais qui, depuis les indépendances, ne voient toujours pas leurs conditions de vie s’améliorer en dépit de toutes les ressources dont dispose le pays. Malgré tous les éclaircissements apportés par le leadeur du Pastef sur la question, ses adversaires politiques ne veulent apparemment rien comprendre et s’obstinent à établir une différence entre les confréries du pays et la sounna du prophète (PSL), une différence qui n’existe que de nom.


Ces hommes politiques malintentionnés ont certes trouvé une dimension sociale et idéologique qui s’ajoute à leurs manœuvres politiciennes, mais la jeunesse sénégalaise d’aujourd’hui est assez mature pour ne plus sombrer dans la démagogie des hommes politiques. Elle entend donc agir dans le concret et pas seulement dans les idées. Ces jeunes s’entretiennent dans les réseaux sociaux et dans l’illusion heureuse de trouver l’homme qui va changer leur destin aux prochaines élections présidentielles de 2019. Une illusion à laquelle ni les appartenances ethniques et confrériques, ni les campagnes de diabolisation, ni l’achat des consciences, ni même les consignes de vote ne pourront résister. 

Par Dr Demba SECK, Sociologue
Chercheur à l’Université du Québec à Montréal
Courriel : seck.demba@uqam.ca


 


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