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Protection de l’environnement : Le lac de Guiers, un écosystème fragile au cœur de toutes les convoitises foncières.

Mardi 19 Novembre 2013

Le lac de Guiers est au cœur de toutes les convoitises foncières auquelles s’ajoute une agression multiforme. L’Etude d’impact environnemental du plan de gestion du lac a mis en évidence le fait que le ressenti des populations est plutôt négatif, car un lien direct est fait entre les autres utilisations et l’insuffisance pour leurs propres besoins. Le sentiment de frustration est d’autant plus grand que cette ressource est à portée de mains et, en définitive, leur échappe.

Réservoir d’eau douce, le lac de Guiers approvisionne en particulier la capitale sénégalaise. Alimenté par le fleuve Sénégal et les eaux de pluie de la vallée du Ferlo, le lac de Guiers occupe le centre d’une vaste dépression naturelle de 50 km de long. Sa longueur est de 35 km et sa largeur de 8 km. Plat comme la plupart des lacs sahéliens, sa profondeur moyenne est de 1,3 m en période de décrue et de 2,5 m en période de crue. Le lac occupe une superficie d’environ 250 km² et contient 400 millions de m3 lorsque le plan d’eau est au niveau moyen de 1,25 m Ign. Il a fait l’objet de nombreux aménagements hydrauliques qui ont amélioré ses capacités de remplissage et de stockage.

Un système de vannes permet de réguler les apports du fleuve Sénégal, en particulier pendant la crue (août – Novembre). Il fournissait 30% de l’eau consommée dans l’agglomération dakaroise depuis 1972, grâce aux installations de la Sénégalaise des Eaux (Sde). Aujourd’hui, avec les aménagements de la Sde en 2004, il dessert la quasi-totalité de Dakar en eau potable. L’eau est pompée et traitée sur place dans les usines de Gnith (87 km de Louga) et Keur Momar Sarr (52 km de Louga). Elle est ensuite acheminée par une conduite souterraine de 300 km de long. En effet, bien que ses rives soient assez fertiles, le lac est implanté dans une zone semi-désertique qui appartient à la région écologique sahélienne caractérisée par une alternance de l’hivernage et de la saison sèche.

Agression multiforme

La pluviométrie y est faible et irrégulière. Maillon essentiel dans le développement socio-économique du Sénégal, le lac de Guiers subit cependant, aujourd’hui, une agression multiforme qui fait peser une lourde hypothèque sur sa durabilité. Cette menace se décline en une myriade de problèmes vécus qu’égrènent les différents usagers du lac. C’est l'envahissement du plan d’eau par le Typha australis (Barakh en wolof) et autres herbes sauvages et plantes aquatiques, les difficultés de mise en valeur des terres de culture et l’insalubrité liée à ces tas d'immondices qui sont en contact permanent avec les eaux du lac, sources de toutes ces maladies humaines comme les bilharzioses intestinale et urinaire, conséquences désastreuses de la contamination des eaux par cette insalubrité constatée sur les berges du lac. C’est aussi les risques que fait la pollution sur les produits de la pêche avec la consommation devenue dangereuse de ces carpes qui dégagent une odeur nauséabonde et pestilentielle du fait des mauvaises herbes qui constituent leur nourriture principale. Mais c’est également les problèmes de santé animale et notamment de cette douve du foie qui fait des ravages sur ce bétail dans son abreuvement.

Pour le directeur général du tout nouvel Office du Lac de Guiers (Olag) qui a été porté sur les fonts baptismaux par l’Etat du Sénégal pour renverser cette tendance, il y a nécessité de créer des groupements d'intérêt communautaire, en vue de construire des ententes entre les sept collectivités locales des régions de Saint-Louis et de Louga qui vivent autour du lac. Ceci, pour une utilisation rationnelle, concertée et efficace de cette réserve d'eau douce, qui tiendrait en compte les préoccupations et les intérêts de l'ensemble des usagers…

GESTION DU LAC : Quand la ressource à portée de mains échappe aux riverains

Parmi les principaux problèmes évoqués par ces populations, on peut citer : l’absence de prise en compte des petits agriculteurs au profit des agriculteurs exportateurs de la Saed ou de ceux intégrés au Pdmas (Projet de développement des marchés agricoles du Sénégal). Les craintes des populations se situent à deux niveaux : l’expropriation de leurs terres au profit de nouveaux agro-industriels comme ce fut le cas de la Css ; la réduction de leur accès, déjà insuffisant, à l’eau ; le problème de la qualité des ouvrages d’alimentation agricoles pour partie dépendante des conditions de gestion du plan d’eau, etc.

L’Etude d’impact environnemental et social du plan d’aménagement du Lac de Guiers faite par les experts des cabinets Brl Ingénierie et Ingetec avait proposé, pour ce faire, un certain nombre de solutions d’aménagement fondées sur les principes suivants dont la validation repose sur la réalisation d’une étude d’évaluation environnementale et sociale permettant d’analyser le projet dans sa globalité.

Pour ceux qui ont réalisé cette étude, il s’agit, premièrement, de procéder à la restauration d’une connexion entre la digue de Pakh et le Niety Yone au moyen d’un ouvrage vanné qui permettra notamment d’assurer l’alternance entre une période de présence et d’absence d’eau. Il faut considérer cette mesure comme un minimum à comprendre dans le plan d’actions qui prévoit notamment la reprise-rehausse de cette digue, de rétablir, ensuite, la partie de chenal ensablée de Niety Yone et le retrait des Typha au sein du lit entre le lac et la carrière Thioump. Cette mesure permettant de rétablir une certaine connexion, aujourd’hui impossible, entre le lac et le Ndiaël.

Mais davantage et surtout de la création d’un mécanisme d’implication des acteurs institutionnels et sociaux à partir de maintenant, avec ceci comme argument que « sur le plan institutionnel, il est indispensable d’associer très rapidement les différents services techniques (Eaux et Forêts, Projet Padin), ayant à charge la gestion environnementale de la réserve. Sur le plan social, il faut également envisager l’implication des populations dès la phase actuelle de l’évolution du Plan de gestion et du Plan d’actions. Ces populations sont déjà relativement très bien organisées, à travers un Civg (Comité inter-villageois de gestion), comportant plusieurs démembrements dont une commission de surveillance.

L’alimentation de la réserve du Ndiaël représente, pour les populations locales, un enjeu fort, tant du point de vue socio-économique qu’environnemental. Par conséquent, elles ne peuvent pas être exclues de ces projets d’autant plus que la situation de précarité des activités économiques et de déficit d’accès à des services sociaux de base (éducation, santé et accès à l’eau potable) y sont déjà très défavorables », indiquent ces experts. Pour qui, la réalimentation de la réserve va induire des changements importants du point de vue de la relance des activités de ces populations dont la reprise de l’activité de tourisme et de fréquentation accrue. Même s’il y a ce risque probable encouru que « la zone peut également subir une pression plus importante en ce qui concerne les tentatives d’installation ou de réinstallation de nouvelles populations ».



ENCLAVEMENT, EAU POTABLE INTROUVABLE, PROBLEMES FONCIERS…. : Diokhine, l’île où l’on meurt de soif, les pieds dans l’eau



Sur cet unique trou dans la berge que l’immense futaie de typha a bien voulu consentir aux populations, comme unique voie d’accès au lac jonchée de détritus de toutes sortes comme ces sandales d’un autre âge ou ces restes de bidons usagés, une vingtaine de femmes armées de bassines lessivaient leur linge. Des enfants se baignaient nus à côté de cet âne qui étanchait sa soif et ce propriétaire de cheval qui faisait la toilette de sa monture, à côté de défections d’animaux et autres rejets vomis par les eaux…



Enclavement, eau potable introuvable, maladies hydriques de toutes sortes et problèmes nombreux de santé, consécutifs à la consommation de l’eau infecte en provenance de ce lac qui leur est devenu interdit du fait de la prolifération incontrôlée de la végétation aquatique ayant envahi toute la berge à tous les hameaux… Le sort des populations sur l’île de Diokhine n’était en rien plus enviable sur ces simulacres de routes qui forment le complexe des deux digues-pistes ( Naere et Diokhor), le long du chemin sur Gnith (la station de pompage de la Sde), conduisant à Thiékène. « Dans cette île, l’eau potable coulant dans les tuyaux de la Sde passe sous les pieds des populations. Et pourtant, si elles ne meurent pas de soif, ce sont alors des maladies d’origine hydrique (comme la bilharziose ou le paludisme qui font des ravages dans cette zone, dont elles mourront. Car la seule source d’eau à laquelle ces populations accèdent, c’est celle du lac, alors que celle-ci est infecte et inapte à la consommation. »



L’homme qui parle ainsi, la mort dans l’âme, s’appelle Moussa Bèye. Déflaté des Industries chimiques du Sénégal (Ics), plus précisément de sa station de Darou Khoudouss, non loin de Mboro, sur la grande côte atlantique sénégalaise où il travaillait comme cadre technicien supérieur, M. Bèye avait fait un retour vers ces terres de ses aïeux espérant trouver une reconversion professionnelle digne de ses ambitions de baroudeur qui croit à la vertu du travail de la terre. Amer, son compagnon Moussa Guèye, membre du Comité inter villageois de développement (Civd) préfère crier sa colère en wolof pour que les radios, venus sur les lieux pour les besoins de ce reportage, puissent en faire l’écho le plus ample possible.



Sur les quelques 5 villages composant ce groupement villageois, dont Diokhine, Thiéckène, Dialang ou Keur Beydi Sow, aucun, dit-il, ne dispose de cette eau courante qui coule dans ces tubes de la Sde à nos pieds. « Il n’y a pas d’autre voie de salut pour nos parents et enfants dont la plupart meurent de ces maladies que draine cette eau inapte à la consommation ».



Son propos est rendu plus prégnant encore parce que le Directeur régional de l’Hydraulique régionale de Saint-Louis, M. Adama Ndianor révèlera les conditions requises pour régler durablement cette douloureuse situation. Pour M. Adama Ndianor, on peut, avec un budget de seulement 30 à 40 millions de Francs, financer l’adduction secondaire qui permettrait de connecter tous les villages de la zone au réseau d’adduction d’eau potable de la Sde qui traverse des villages de ces communautés démunies pour aller porter cette eau potable à des centaines de kilomètres plus loin.



Le problème de l’accès à l’eau pour le bétail mais aussi les pêcheurs, étroitement lié, là encore, au niveau du plan d’eau mais aussi au développement des espèces envahissantes comme le Typha, dépasse de loin le seul problème de l’accès à la ressource en eau pour l’agriculture (essentiellement irrigation) et de manière générale, mais touche à la question globale de la méconnaissance des besoins en eau en fonction des différentes spéculations agricoles.



Reportage de Moustapha SENE
Le Soeleil


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