Connectez-vous
NDARINFO.COM
Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable
Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte

REACTIONS FACE AU COVID 19 : Une posture entre Foi et Science. Par Professeur Abdoulaye NIANG

Samedi 16 Mai 2020

REACTIONS FACE AU  COVID 19 : Une posture entre Foi et Science. Par Professeur Abdoulaye NIANG
La foi et la science  ont souvent été opposées dans le passé en l’Islam .Si la religion s’intéresse à la mystique, à la morale , à l’éthique et à la foi aux dogmes qui la fondent,mais sans qu’en amont ceux-ci aient fait l’objet d’une quelconque validation objective,la science, elle, par contre ne s’intéressequ’aux choses de  la nature dont elle doit découvrir les lois objectives qui la gouvernement.

Cependant même si leurs domaines d’intérêt et d’intervention différent bien, toutes les deux,de par leurs actions finissent par exercer une influence  profonde sur la conscience humaine, la quelle devient ainsi, de fait, pour elles un terrain d’influences  compétitives.

Mais, mieux encore, toutes les deux  partagent la même prétention d’être capables de trouver les solutions, les meilleures qui soient, aux maux de l’homme. Et c’est pour cela, d’ailleurs, que l’une et l’autre finissent souvent, sous diverses formes, à se confronter sur le terrain politique.

De même leurs divergences profondes sur les méthodes quelles utilisent, ainsi que sur celles des appréciations réciproques quelles font sur leurs impacts sur la conscience humaine les divisent et les opposent bien souvent avec plus ou moins de force.  

En effet,  les Oulémas pensent ordinairement,aujourd’hui, que l’influence de la science sur la conscience humaine peut être une source decorruption et de fragilisation de la foi, alors que toujours de leur point de vue, c’est l’existence, la profondeur et la force de celle-ci qui sont le véritable levier mystico-psychique qui permet de mobiliser  toutes les ressources humaines intérieures susceptibles de faire développer les capacités de résilience face à tous les maux. 

Quant aux hommes de science, ils pensent que seules la connaissance objective des lois de la nature et l’élaboration de technologies adéquates sur la base de cette connaissance peuvent permettre d’apporter des solutionsefficaces aux maux de l’homme.
La relativité du conflit entre la foi et la scienc
En vérité, cette contradiction entre la religion et la science n’est pas quelque chose d’antagonique, d’absolu, car sa résolution ne  mène  pas forcement à la solution dichotomique et exclusive: soit c’est l’une, soit c’est l’autre. En effet, des témoignages individuels et des faits historiques montrent bien que la science et la religion peuvent bien cohabiter en même temps, et sans conflitssusceptibles de faire ombrage à l’une ou à l’autre dans la conscience des  hommes.

Les témoignages concordants de deux grands savants reconnus universellement, à savoir Descartes et   Einstein sur l’existence de Dieu et sur leur foi en ce dernier, alors qu’ils ont vécu en des siècles fort différents, montrent bien qu’une coexistence harmonieuse  entre la foi et la science n’est pas impossible et qu’ en définitive la relation entre les deux relève plus de la capacité individuelle de chacun de gérer cette relation, qu’autre chose. Ceci pourrait donc amener à penser que le contenu de cette relation ne serait que le résultat  d’un construit théorico-idéologique articulant, d’une part, les caractéristiques d’un certain profil psychologique ayant un rapport particulier avec la science et, d’autre part, des versets du Coran ou des hadiths réinterprétés à la lumière de ce profil psychologique même. Le contenu de cette relation est, donc, un contenu fabriqué et ou choisi, susceptible de changer ou d’être rejeté  selon l’évolution mentale de la personne.
 
Si l’on considère également les faits historiques relatifs à la tradition islamique,deux grandes périodes sont riches d’enseignements sur la relation entre l’Islam et la science. La première qui est l'âge d’or de d’Islam (VIIIe-XIIIe siècle) a vu la religion et la science cohabiter en très bonne intelligence, ce qui a permis l’éclosion de l’esprit scientifique et le progrès de la science dans beaucoup de domaines dont, en particulier, la médecine, les mathématiques, la chimie, la botanique, l‘astrologie.

D’ailleurs, les plus grands savants du monde à ce cette époque  étaient des arabo-musulmans, de toutes origines. Mais ce capital scientifique très diversifié, ce n’est pas l’empire islamique qui en profitera pour  construire son développement, car avant même qu’il n’ait eu le temps de l’exploiter, il avait déjà tourné le dos à la science et au progrès  scientifique, du fait, en particulier, du triomphe  politique  du clergé musulman non gagné à la cause de  la science (XIIIe siècle). C’est l’Occident qui vaplutôt en hériter, ce qui lui permettra, d’abord,de préparer la Renaissance par voie de consolidation des acquis scientifiques de cet héritage et ,ensuite , de construire les bases scientifiques et technologique de la révolutionscientifique et industrielle (XVIIe-XVIIIe siècle) ; révolution qui lui aura permis  deconstruire son développement et dominer le monde d’aujourd’hui en tous les domaines .

La deuxième période qui s’étend de la fin cet âge d’or   à celle du système de Khalifa même, a vu se porter à la tête de la Oumma islamique des gens qui plaçaient la prédominance de la révélation au cœur de la gouvernancepublique, avec comme conséquence  la relégation au second plan des préoccupations de recherche et  de découverte scientifiques ; mais à cette situation politico-idéologique très défavorable  pour le développement de la science devait s’ajouter aussi l’éclosion et l’essaimage à la même période des mouvements soufis organisés en ordres, et dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils se dédiaient plus à la quête de Dieu par la mystique, la transcendance, etc.,  qu’autre chose. 

Une telle situation devait évidement sonner le glas définitif de cet élan extraordinaire de progrès scientifique qui caractérisait le monde arabo- musulman. Elan qui, s’il n’avait pas rencontré un tel obstacle,aurait sans doute fait de la civilisation arabo-islamique celle qui  serait dans le peloton de tête des civilisations en matière de maitrise scientifique et technologique.
 
La tradition islamique en Afrique au Sud du Sahara, transportée par les marchands caravaniers et les Almoravides, est  héritièrede cette situation. Elle accorde, en conséquence, peu d’intérêt à la science, alors que celle-ci est l’un des plus grands besoins de l’Afrique actuelle, car sans sa maitrise cette dernière ne pourra jamais véritablement bâtir  les bases de son développement, avec toute la souveraineté scientifique requise. Avec une telle situation, tout esprit critique, ainsi que tout esprit scientifique, est alors considérédans cette partie de l’Afrique comme une source de corruption ou de réduction de la foi chez les musulmans. Nonobstant, d’ailleurs,l’existence dans le Coran même de moult versets dont le sens peut inciter, tout au contraire, à prendre une autre posture, bien opposée à celle-ci .
La posture de la science et celle de croyant face au covid 19  
Face à la pandémie du covid 19 dont la nature est bien cernée par la science et les mesures préventives adéquates contre ce mal  bien renseignées, il est important alors, pour chacun, de développer une posture de résilience basée sur cette science elle-même. Mais pour qu’une telle posture, avec lesmesures qui lui sont associées, puissent faire l’objet d’une acceptation et d’une adoption de masse réellement, encore ne faudrait –il pas que les gens concernés  aient, d’abord , une ferme croyance en la science et en ses solutions. Or ce n’est pas toujours ainsi, car l’ignorance et la mystique religieuse gouvernent souvent les attitudes et prédisposent à prendre des postures irrationnelles,  les quelles se manifestentd’ailleurs, ordinairement, selon les personnes concernées, soit par des comportements de déni de l’efficacité des solutions scientifiques, soit de  défi des autorités gouvernementales qui les ont imposées, le tout se faisant sous le couvert de la foi et  de la légitimité que celle-ci semble donner à leurs actions. En vérité, une telle posture attitudinale vis-à-vis de la science et de ses solutions existe toujours chez de telles personnes, mais souvent de façon latente et masquée en temps ordinaire. C’est dans les périodes de crise, plutôt, qu’elle se manifeste au grand jour. En effet, c’est en cesmoments de bouleversements où tout le monde s’interroge sur les voies, solutions, méthodes à adopter pour venir à bout des défis qui se présentent, que cette posture qui privilégie les méthodes basées  sur la foi, la mystique religieuse se trouvent le plus à l’aise pour s’exprimer.  
 
Ces moments de crises sont d’autant  plus favorables à des manifestions  de rejet des solutions issues de la science que celles-ci peuvent ne pas donner immédiatement les résultats escomptés, à cause, certainement, de  divers facteurs sociaux de blocage ou de résistance, créant ainsi une raison supplémentaire de son rejet,  pour cause d’inefficacité, prétendument. Mais à ces facteurs s’ajoutent d’autres, plus liés à la mystique religieuse, les quels donnent pour origine à toute crise d’envergure et à sa persistance l’accumulation excessive  des péchés des hommes : le Covid 19 est un des résultats de ces péchés, et il ne pourra êtrevaincu que par des actions de repentance, des moyens mystiques dont des récitals de Coran, des talismans coraniques, l’évocation de noms de  Dieu, de Saints , etc.
 
Deux catégories de personnes sont ordinairement dans cette posture. Ce sont, d’une part, les gorgolous , takalékates et, d’une manière générale, tous ce qui s’activent quotidiennement dans le secteur informel qui est la source principale de leurs revenus, mais qui partagent une foi forte en Dieu et, d’autre part, les dévots et les « ivres de foi » en Dieuou en un Saint quelconque , caractérisés par un zèle extrême par rapport aux pratiques religieuses ou l’adoration d’un saint homme. 
 
Les gens du secteur informel et les gorgolousou takelekates qui ont des activités ouhabitudes de survies déjà peu conformes aux lois et règles sanitaires seront opposées à ces mesures jugées très contraignantes pour eux ; ils seront, alors, parmi les plus promptes à les enfreindre et à aller trouver, dans la religion et les conditions professionnelles qui les obligent à vivre au jour le jour, les éléments de justification de leurs actes, dont voici un échantillon  : « C’est Dieu qui tue, on ne meurt pas s’Il ne l’a pas décidé, donc peu importe ces mesures ; on les respecte si on peut …regarde , le masque me gêne quand je travaille, c’est  pareil pour tous ceux qui travaillent ici » ; « Je n’ai pas un salaire ,je sui un chauffeur clando … , je dois me débrouiller chaque jourpour avoir la dépense quotidienne, je n’accepte pas que ces mesures restrictives me privent de mon pain quotidien…,il m’ est arrivé  de prendre trois passagers à  la fois, c’est vrai …, mais c’est Dieu seul qui  nous protège… , nous faisons aussi nos incantation mystiques de protection chaque jour » ; « j’ai la bénédiction de mes parents et de mon Wassila,serigne…., cela me suffit comme protectioncontre ce mal qui ne pourra rien contre moi  …,et puis tu penses…, étant mécanicien et travaillant comme tu me vois faire comment est ce que je peux respecter les mesures  ? Comment est ce que je peux savoir si la voiture qu’on me donne à réparer n’est pas déjà contaminée» ; « On ne peut pas décréter un couvre feu comme ça , ici c’est l’Afrique on se débrouille des fois du matin aux heurescreuses pour pouvoir gagner un peu d’argent pour vivre…, je ne peux pas des fois respecter le couvre feu ….,mais je reste dans on quartier …, Dieu et Serigne … nous protégeront  du coronavirus et des policiers… »   . Ces propos couramment tenus sont révélateurs de l’état d’esprit de cette catégorie de personnes dont la posture semble avoir trois sources de déterminations : lesexigences de leurs conditions professionnellesou de survie, le caractère contraignant pour leurs activités professionnelles des mesures prises par les autorités et la croyance en la double mystique de protection : celle de la bénédiction des parents et celle de la bénédiction du marabout à qui ils ont fait allégeance. Ici les déterminations professionnelles et religieuses des comportements de défiance par rapport aux mesures sanitaires contre le covid 19 sont très interconnectées. La foi rassure face aux risques et une prise de risque réussie renforce la foi.   

Concernant les dévots et « les ivres de foi » enDieu ou en des Saints, leur dévotion en Dieu ou en leur Saint ne souffre d’aucun doute, mais  leur fanatisme et leur intransigeance en matière  de manifestation de la foi les rendent extrémistes dans leurs attitudes. Ils voient dans les solutions exclusives préconisées par la science, une source d’agression contre leur religion, l’Islam, ou contre la foi tout court ; foi dont ils pensent que la force mystique qui peut l’habiter peut elle seule suffire comme source de protection contre tout mal pour un bon croyant. Pour eux, le covid 19 est la conséquence de la corruption de la conscience humaine, sinon des âmes et que la repentanceet une foi forte en Dieu et ou en son Wassilaen sont les remèdes les plus sûrs. Pour eux le covid 19 est une manifestation de la colèreDivine contre les péchés des hommes, comme il est annoncé clairement  dans les propos de prêcheurs très médiatisés recueillis : « Dieu envoie des épidémies aux hommes pour manifester sa colère contre eux pour leurs péchés, ainsi que sa toute puissance, car c’est lui qui décide du début et de la fin des épidémies » ; « Si une épidémie existe dans un pays, c’st un mauvais signe, car elle indique que Dieu est en colère contre ce  peuple, le quel doit faire acte de repentance et des prières pour être pardonné de ses péchés » . 

Ces propos sont toujours ponctués de versets coraniques de confirmation. Mais cette non prise en compte des solutions mystiques est aussi perçue comme la manifestation véritable une domination de la science sur la foi, la quelle aura perdu toute son autonomie d’expression, si on prend en compte la fermeture des lieux de prières collectives,l’interdiction à travers les médias de tout propos portant sur des solutions alternatives, etc. Dans ce cas,  le pouvoir mystique, auquel on pouvait alors avoir dans le passé une forte croyance, au point de lui prêter la capacité de produire des miracles heureux pour tout problème, avait alors un double défi à relever. Le premier défi concerne la préférenceexclusive et sans équivoque du pouvoir central au recours en la science face au Covid 19, tandis que le deuxième a trait à la prétention de la science, elle-même, de pouvoir elle seule traiter et guérir  le Covid 19 , alors qu’il existe d’autres alternatives pour trouver des solutions à ce mal, comme les voie mystiques de la prière et de l’invocation de Dieu  et  de ses Saints .
 
Une telle posture caractéristique de dévots et de « personnes ivres de Dieu  ou d’un saint homme » donne lieu à des comportements collectifs normés qui sont manifestement de deux types. Le premier type concerne des gens qui arborent  un comportement fait de rejet de toutes les mesures de protection sanitaire imposées, parce que soit, ils  n’y croient pas intrinsèquement et se refusent, en conséquence, pour rester en cohérence avec eux-mêmes et leur foi, de s’y soumettre, soit ils craignent de se dévaloriser, en les adoptant,aux yeux des adeptes plus intransigeants qu’eux , au cas où ils seraient tentés de le faire :l’effet de groupe joue à fond ici. De tels gens vivent à fond leur foi, avec  toutes lesintransigeances qu’elle leur impose ; et ils veulent la vivre, ainsi, au vu et au su de tous : les gestes barrières ne sont pas  du tout respectés, ou s’ils le sont, c’est vraiment à un niveau très faible, et plus pour ruser avec les forces publiques de contrôle qu’autre chose.On peu ranger dans ce groupe tous les « baye fall idéologiques », c'est-à-dire les gens de foi qui vivent à fond et sans compromis leur foi, leur conviction religieuse ; ils évoluent dans des cercles restreints. 
 
Le deuxième type  se rapporte aux gens qui  ne sont en désaccord  avec les mesures sanitaireset d’endiguement du mal imposées  que partiellement, et surtout dans leur partie concernant l’interdiction des prièrescollectives, et plus particulièrement celles qui se déroulent dans les mosquées quotidiennement et le vendredi .Pour ces gens,les lieux de culte et les prières collectives ne devraient  souffrir d’aucune restriction, quelle que soit la situation épidémiologique du pays,car ils sont les lieux et les moments d‘où les solutions mystiques  peuvent bien surgir. Pour ce deuxième type, le comportement de l’autorité centrale est suspecté d’être  dicté  par des lobbies maçonniques qui en veulent à l’Islam. Donc, derrière l’intransigeance de ce groupe composé, d’ailleurs, de gens éclairés et souvent très instruits en Islam, il y a aussi une ferme volonté de combattre  un ennemi invisible, assimilé à Satan d’ailleurs, d’être l’instigateur de toutes les dérives actuelles de l’humanité : il s’agit des loges maçonniques,en l’occurrence. Dans  l’esprit  des gens de ce groupe,  l’état, la science et la franc-maçonnerie  sont dans une relation d’alliance idéologique, de fait, contre l’Islam. Pour ce groupe de gens,  cette période de crise liée au covid 19 est une belle occasion pour mener une bataille ouverte contre l’état, sur les questions se rapportant   aux restrictions des libertés de culte, supposément dictées par les ennemis de l’Islam, dont la franc- maçonnerie , en alliance ici avec l’état. Et cette bataille est, alors,  vécue dans  l’esprit de ces gens comme une croisade contre la franc-maçonnerie  et d’autres ennemis supposés de l’Islam.
 
La liberté de culte et les limites restrictives face au covid 19
 
Mais au delà de toutes ces considérations liées à la relation conflictuelle  entre l’Islam et la science via le covid 19, il existe des questions de fond, en rapport aux droits humains, et se rapportant à la fermeture des lieux de culte, dont on  pense qu’elle  a un impact négatif certain sur les possibilités de pratiques réelles de la liberté de culte pour les musulmans. Ici,se pose la problématique du fondement de la légitimité de l’action publique, quand celle-ci doit statuer sur les limites à imposer sur la pratique du droit de culte, quand il ya unesituation d’épidémie, donc  quand il y a un risque réel de contamination de masse, par voie de rassemblement de personnes en un lieu donné. Nous pensons que la science qui se fonde sur l’objectivité et l’action publique  qui doit demeurer constamment  soucieuse de la protection de l’ensemble des citoyens et de la préservation des libertés individuelles et collective doivent se conjuguer pour donner une orientation de conduite adéquate et fixer des limites à la pratique du droit de culte, en tenant compte, autant que faire ce peut, de l’avis des autorités religieuses et des écrits qui font foi  dans  la tradition islamique, ainsi que de certains  facteurs socioculturels et matériels à identifier.

Concernant les prières de groupe dans les mosquées, quelques questions s’imposent, si une interdiction ne les frappait  pas:  est ce que lors de la prosternation, au moment  des cinq prières de la journée dans les trois mille cinq cents mosquées qui se trouvent au Sénégal, on peut s’assurer que tous les fideles porteront un masque cachant leur bouche et leur nez, ainsi que des gants  (ou se laveront les mains au savon), pour se protéger et protéger les autres d’une contamination éventuelle  ?  Non ; est-ce qu’on  peut s’assurer que chaque fidele, à supposer qu’il vienne  régulièrement assister  aux cinq prières de groupe de la journée gardera toujours la même place, pour réduire les risques de contamination éventuelle, à supposé  qu’il n’amène pas toujours  son propre tapis de prière ? Non ; est ce qu’on peut s’assurer que pour les cinq prières de lajournée, la distance d’un mètre au  moins devant séparer les fideles sera rigoureusement respectée, alors qu’en  l’Islam il est vivement recommandé que les fideles soient  épaule contre épaule au moment des prières collectives  ? Non ; est ce que les tapis de prières, ainsi que les coins et recoins des milliers de mosquées que compte le Sénégal peuvent être  désinfectés après chaque prière pour éviter les risques éventuels de contamination ? Non .Et dans ce cas de figure, est ce que l’état pourrait malgré tout, et dans le but d’assurer son rôle de contrôle de l’application des mesures de prophylaxie et de distanciation poster  devant chaque mosquéeau  Sénégal un contrôleur agréé ?  J’en doute.
 
Devant de telles incertitudes, et vu le faible niveau  du dispositif sanitaire du Sénégal, il existerait une menace  de mort de masse réelle liée à la non fermeture des mosquées, si l’étatne se donne pas les  moyens de contrôle de l’effectivité des mesures imposées dans chaque mosquée, tant que le covid 19 sévitencore dans le pays. Mais une autre question de fond se pose : pourquoi décréter la fermeture des mosquées et ne pas le faire pour d’autres lieux publics, comme les marchés, les lieux de travail, etc. ? Cette question est d’autant plus importante  qu’elle interroge la légitimé même de l’action publique, ainsi  que  les critères qui la fondent. Deux critères semblent se dégager ici : celui du niveau de risque et celui du maintien de la vie.  Est-ce que les risques de contamination sont plus réels dans les mosquées que dans les marchés, par exemple ? Dans la mosquée, la bouche, le nez, le front, les mains, les genoux, les pieds, ainsi que les fesses sont soumis à un rituel de posture rigide, mais il s’y ajoute aussil’obligation que les rangées de prières  soient compactes, c'est-à-dire que les fideles soient épaule contre épaule, toutes choses qui ne donnent aucune marge de manœuvre auxfideles pour réduire, à leur niveau propre, les risques de contamination. Or dans les marchés et lieux de travail,  non seulement il n y a pas de prosternation  et de risque de contamination que celle-ci pourrait engendrer, mais que  aussi les gens peuvent  avoir toute la liberté de faire tel ou tel  geste d’évitement, quand ils le jugent nécessaire : dans les mosquées,l’instinct de survie  et le jugement de réalité sont mis en  veilleuse, au profit de la foi exclusive et des exigences en matière de rituel, tandis que dans les  marchés  et les lieux de travail, ce sont le jugement de réalité et l’instinct de survie qui sont en éveilvéritablement, ce qui donne le loisir aux gens de jouir d’une liberté  de jugement et d’action qui leur permet, à chaque instant, de décider de ce qu’ils doivent faire pour minimiser les risques de contamination ,si tel est leur vœu.

Mais mieux encore, dans les marchés et lieux de travail, il n’existe aucune obligation de prosternation, dont on sait qu’elle est un facteur de risque, si des conditions rigoureusesde protection ne sont pas respectées véritablement.

Quant au critère lié au maintien de la vie, il est bien évident  que le lieu de travail qui est la source des revenus qui permettent de faire des dépenses liées à la satisfaction des besoins vitaux  et le marché qui  permet de trouver  les éléments constitutifs de ces besoins, ont une  importance vitale  plus que toute autre  chose(sans revenus et sans marchés , c’est la mort  programmées des croyants). Même le jeûnequi fait partie des piliers de l’Islam comporte des  limites que Dieu lui impose pour préserver la vitalité des croyants : la durée du jeune et celle du Ramadan sont bien limitéespour préserver la vie.    
La levée des mesures de fermeture des lieux de culte et conséquences 
 
Si l’interdiction  des prières de groupe dans les mosquées doit être levée un jour, alors que le covid 19  est encore une menace dans tout le pays,  parce que tout simplement l’état aurait cédé aux pressions qu’il subit en ce sens, cette levée devrait être, alors, accompagnée de toutela rigueur qui s’impose en matière de contrôle pour l’application des gestes- barrières  de protection contre ce mal.

L’effectivité del’application de ces mesures doit être quotidiennement  contrôlée pour chaque prière dans les milliers de  mosquées qui se trouvent dans le pays. Si  l’état ne peut assurer ce contrôle, il faut alors le dire, il risquerait d’être  accusé d’être le principal responsable  des morts d’hommes qui surviendraient, suite à cette ouverture, dont on pouvait prévoir les conséquences macabres, vu la situation sanitaire peu amen du pays et le faible esprit de respect de toute discipline  qu’ont beaucoup de citoyens.

Toutes les mosquées, étant d’égale dignité,l’état devrait se garder de lever l’interdiction de fermeture pour  certaines et de la maintenir pour d’autres, car, dans ce cas, non seulementil perdrait toute sa crédibilité, mais  en plus, dès qu’une interdiction est levée sur l’une d’elle, toutes les autres progressivement,  l’une après l’autre, lèveront d’elles mêmes cette interdiction sans attendre l’aval de l’état, lequel, alors, soit devra réprimer cette insoumission, soit  laissera faire : dans tous les cas, ce serait probablement perçu  comme un échec pour  l’état par la majorité des citoyen,ce qui est à éviter.
 
Ce qu’il importe de retenir comme principe fondamental,  c’est qu’aucun droit humain  ne peut être opposable à l’orientation que la science donne pour les comportements en période d’épidémie, si cette orientation tient évidement compte, à la fois, des moyens de l’état, de la situation socioculturelle, de la dignité humaine et de  ce qui est en jeuvraiment :  la sauvegarde véritable des vies humaines.  
 
Le covid 19 a mis à nu les limites de toutes les nations du mondes dans les divers domainesd’activités  où elles pouvaient se targuer d’êtreles plus avancées et les plus performantes, à savoir l’industrie, la  santé, la science, etc. Certains disent que c’est Dieu qui manifeste,ainsi, sa toute puissance, mais aussi sa colère contre les péchés des hommes. Certes. Mais peut être que Dieu, aussi, dans toute sa miséricorde veut, à travers ce mal, pousser l’homme à s’élever, non pas seulement spirituellement, mais aussi scientifiquement. Car l’homme aura, grâce à la recherche sur le covid 19, acquis une plus grande connaissance  sur ce dernier  et conçu les remèdes pour le vaincre, permettant  à l’humanité de retrouver toute sa sérénité. Il n’existe pas un seul mal sur terre,  auquel l’homme ne puise trouver un remède adéquat s’il est armé de science, de foi, de volonté et de persévérance .D’autres épidémies ont existé dans le passé et ont été vaincues par l’homme, ainsi. 
 
Les africains devront se préparer   pour participer activement  à cette bataille scientifique contre le covid 19  et à d’autres encore, quels que soient leur pays et leur religion. Dieu a donné à tous les hommes les mêmes capacités mentales pour faire de belles et grandes choses dans leur vie. En effet,comme le rapporte le Coran : « Il (Dieu) fait connaitre à Adam  toutes ces choses par leurs noms, et les exposa ensuite devant les anges, en disant : « Indiquez-moi les noms de ces choses, si vous êtes véridiques » (Sur. II. Vers.29), ce que les anges étaient évidemment incapables de faire, parce que Dieu n’avait enseigné ces noms qu’à Adam. Ce que Dieu lui avait enseigné c’était les noms de toutes les choses de sa création, de l’infiniment petit à l’infiniment grand : les atomes, les virus, lesbactéries,  les étoiles, les galaxies, etc.  Et l’homme quel qu’il soit, par la recherche et la persévérance dans la recherche, peut pénétrer l’essence des choses de la création divine et les nommer, car Dieu lui  a donné la capacitépour ce faire. Mais  ce privilège de la découverte, prévient le Coran, il faut le mériter, car il n’est donné qu’aux peuples etaux hommes qui ont une ambition pour la science et le manifestent par des sacrifices bien tangibles (forte croyance, effort, investissement, etc.)   : « Quiconque désire labourer[le champ] de la présente vie, Nous lui en accorderons de [ses jouissances] » (Sur. XXXXII.Vers. 20)
 
Le Coran, vu  sa vocation d’universalité ne peut être contre la science, laquelle a la même vocation que Lui de ce point de vu là. Et s’il y a des divergences entre les deux, cela ne peut provenir que  d’interprétations dogmatiques de versets coraniques ou hadits, ou des limites mêmes du progrès scientifique, mais néanmoins  prises pour des vérités absolues, alors qu’elles doivent être dépassées. D’ailleurs nombreux sont, aujourd’hui, des versets du Coran dont la vérité que recèle leur sens est confirmée par la science, mais nombreux aussi sont les domaines de la nature où la révélation a révélé des vérités objectives bien avant que la science ne puisse les confirmer. La rencontre non conflictuelle entre la religion et la science, se fera ou ne fera pas selon le niveau d’ouverture entre les  hommes qui font la  science pour la sauvegarde de la vie et l’élévation du niveau de bien être des hommes et les hommes qui vivent leur religion dans la foi de Dieu pour la sauvegarde de l’éthique religieuse, ainsi que pour l’ élévation du niveau de  spiritualité de l’humain. Cette rencontre est une rencontre d’hommes, avec tout ce que cela peut impliquer sur le plan relationnel, pour que chacun puisse tirer de l’autre ce qui peut l’enrichir : écoute,  compréhension et tolérance réciproques, etc. 
 
Si cette opposition entre la religion et la science sera atténuée au Sénégal, ce pays pourra, alors sans conteste, faire un pas de géant dans la construction de sa souveraineté scientifique. Le covid 19 est une belle occasion pour qu’un rapprochement entre elles se fasse; rapprochement à partir duquel le Sénégal connaitra une belle émergence et son âge d’or.
 
Bibliographie 
Ansary Tamim  L’Histoire du Monde vue par la tradition musulmane,  Paris, Les Belles Lettres,2019
Bachler Irene , La laïcité,  Faire la paix , Grenoble ,Ed. Bréal, 2018
CNRPAH,   La route des caravanes,  Alger,  2001
Jeppie Shamil et  Diagne S .B, Tombouctou, pour une de l’érudition en Afrique de l’ouest, Codesria2011
Lambert Yves, La naissance des religions de la préhistoire aux religions universalistes, Paris,Armand Colin ,2007
Lenoir Fréderic, Petit traite d’histoire des religions, Paris, Plon, 2008
Miquel André,  L’Islam et sa civilisation  VII-XXe Siècle  destins du monde, Paris, Armand Colin 1985
Ransford Emmanuel,  La nouvelle physique de l’esprit, Paris, Ed. Le Temps présent 

Saint-Louis 10 mai 2020

Professeur Abdoulaye Niang
Président de l’Université Kocc Barma de Saint-Louis

 
 
 b


Réagissez ! Vos commentaires nous intéressent. Cliquez ici !

1.Posté par Ibrahima Diop le 17/05/2020 02:27 (depuis mobile)
Merci professeur

2.Posté par Tintin le 17/05/2020 17:21
l'age d'or de la civilisation Arabo-musulmane s'est arrété quand les rois d'Espagne ont reconquis l'Andalousie et quand Tamerlan a ravagé la Perse , Bagdad.... le clergé musulman est revenu à un islam rigoriste ignorant la science ! .en son temps Averroès disait déja qu'il faut separer la foi de la raison
la différence est criante entre l'Etat d'Israel ou la foi religieuse n'est pas en contradiction avec la recherche dans tous les domaines et les états musulmans qui l'entourent qui oscillent entre un nationalisme ombrageux (Nasser , Boumedienne ) et des formations politiques d'obédience religieuse extremiste (Freres Musulmans ,Hezbollah ..) ce qui est le meilleur moyen de faire du surplace !

3.Posté par marc le 17/05/2020 17:56
tout a fait d'accord un vrai raisonnement

4.Posté par Daco le 18/05/2020 08:59 (depuis mobile)
Merci Professeur,merci NDAR Info pour ce texte enrichissant.
Voilà ce qu''il faut aux lecteurs.
Bonne continuation.

5.Posté par Xunxunor le 21/05/2020 00:01 (depuis mobile)
Trop de laus charabia

6.Posté par Xunxunöor le 22/05/2020 00:03
Ndarinfo, attention! Il n'y a qu'un Xunxunöor, et ce n'est pas celui du poste 5. Pas de piratage, s'il vous plait!

Nouveau commentaire :
Twitter

Merci d'éviter les injures, les insultes et les attaques personnelles. Soyons courtois et respectueux et posons un dialogue positif, franc et fructueux. Les commentaires injurieux seront automatiquement bloqués. Merci d'éviter les trafics d'identité. Les messages des faiseurs de fraude sont immédiatement supprimés.