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Saint-Louis délabré, vétuste, absent du circuit touristique: Le village artisanal meurt à petit feu

Mardi 12 Juin 2012

L’état de délabrement très avancé de ses locaux et son absence du circuit touristique classique asphyxient petit à petit le village artisanal de Saint-Louis. La résultante est que les acteurs artisanaux vivent dans la précarité et la désolation et finissent par abandonner progressivement le site pourtant programmé au départ pour être le fer de lance du tourisme à Saint-Louis.


Saint-Louis délabré, vétuste, absent du circuit touristique: Le village artisanal meurt à petit feu
Niché dans le virage nord de la corniche (Sor), à califourchon sur le fleuve Sénégal et le cimetière historique de Marméale, le village artisanal de Saint-Louis présente un visage d’ensemble peu reluisant. Et pour cause. Vu de près comme de loin, l’endroit frise la désolation. Enceinte décatie, murs lézardés, cases délabrées et stands vétustes, portes rouillées et fenêtres décrépites… Le visiteur a l’impression que pas âme ne vit sur ces lieux jadis destination courue par les touristes, notamment, pour l'acquisition des œuvres d'art africain.

Il n’est que 11h et le soleil darde ses rayons sur la vieille ville. Le village artisanal donne l’impression d’un endroit abandonné aux esprits malfaisants. Dès notre entrée sur le lieu, nous sommes hélés de loin par un artisan qui guettait apparemment un client, et entraînés sur le champ vers un atelier de sculpture situé à l’intérieur du village. Aya Sow, sculpteur, était tout excité d’avoir enfin la possibilité de vendre une de ses œuvres d’art. Son euphorie ne retomba pas, même quand nous lui avouions notre fonction de reporter. Aya Sow, la quarantaine dépassée, était tout aussi excité de parler de son village artisanal et de ses contraintes de vendeur d’objets d’art.

« Le village artisanal est en train de mourir petit à petit », fait-il remarquer. Et de préciser que l’état de délabrement avancé des locaux n’est pas l’unique frein au développement des activités. « Les touristes ne fréquentent plus le village artisanal…Nous pouvons rester des jours et des jours sans vendre le moindre produit…Mon dernier client touriste remonte à presque un mois ». A la question de savoir pourquoi, Aya Sow nous assène sans l’ombre d’une hésitation : « Le village artisanal est exclu du circuit des visites, à cause des guides qui refusent d’y amener les touristes. » Conséquence, précis-t-il, « ceux-ci ne viennent qu’au compte goutte… Sur 200 touristes qui visitent la ville de Saint-Louis, seuls 05 font un détour par le village artisanal…Nous sommes obligés au final de brader nos produits à des revendeurs et cela nous contraint à des fins de mois difficiles pour la famille comme pour le travail».

A la source de cette faible fréquentation du village par les touristes, notre interlocuteur montre du doigt les guides accusés - à tort ou à raison - de détourner les clients étrangers. « Ils ont exclu le village du circuit touristique et orientent, moyennant forfait, les touristes vers les vendeurs d’objets d’art implantés devant les réceptifs hôteliers et le marché d’art Xelcom, situé au centre ville ». Les produits des acteurs du village artisanal se retrouvent dès lors en situation calamiteuse de mévente, selon Aya Sow qui avoue traîner des arriérés de paiement de sa location, estimée à 6.000FCfa par mois.

Abondant dans le même sens, son compère Ameth Ndiaye installé dans un atelier d’à côté et trouvé en pleine phase de morcellement d’un tronc d’arbre n’en dira pas moins. Pour ce quinquagénaire implanté sur le site depuis sa création, en 1975, « le village artisanal a perdu son lustre d’antan et nous vivons difficilement cette situation, nous qui sommes les fruits du village pour y avoir effectué notre initiation, notre apprentissage et notre formation ». Déplorant alors l’exclusion du village artisanal du circuit touristique, Ameth Ndiaye qui précise avoir produit de grandes fresques pour l’Université de Saint-Louis, fustige le comportement malsain des guides touristiques qui sont en train d’asphyxier son travail.

Bada Sylla, trouvé avec son neveu dans un atelier de maroquinerie, où trônait une palette de chaussures en cuir, épousera les vues de son compagnon d’infortune. « Le village artisanal est presque mort et on essaie de survivre avec du menu fretin. Regardez mon atelier, regardez l’état des murs et du toit …Croyez-vous qu’on puisse prospérer dans ses conditions ? Mes moyens sont dérisoires et je ne parviens même pas à réfectionner le toit de mon atelier… Voilà que l’hivernage approche. Je vais être encore obligé de colmater les fissures du toit pour empêcher l’eau ruisselante de détériorer mes chaussures ». Hivernage : le mot qui fait peur est lâché. Et pour cause ; durant la saison des pluies, l’eau inonde le village artisanal situé dans une zone de cuvette et à la nappe débordante, obligeant de fait les artisans à déployer mille et une astuces pour préserver leurs produits.

ACCOMPAGNEMENT ETATIQUE : LE MERLE BLANC


Pour ces différents acteurs du village artisanal, le site meurt également de l’absence d’accompagnement des autorités étatiques. « C’est l’Etat qui devrait faire en sorte que le village artisanal soit connu », soutient Aya Sow. Et de préciser : « Il faut que les autorités compétentes développeent une stratégie dynamique de promotion du village artisanal et cela devrait passer par des mesures contraignantes qui obligeraient les guides à inscrire le village dans leur circuit touristique. C’est la seule façon de permettre aux touristes de connaître l’existence réelle du village artisanal. Au lieu de cela, on laisse les guides touristiques faire à leur aise, exclure le village du circuit et dire aux touristes que le village artisanal se trouve au marché au centre ville (marché d’art de Xelcom-Ndlr)». S’inscrivant dans la même perspective, Ameth Ndiaye fera remarquer que l’engagement des autorités à réintégrer le village artisanal dans le circuit des guides pourra contribuer grandement à la promotion du site. Remontant alors dans l’histoire, le sculpteur indique que cette contrainte imposée aux guides a déjà fait ses preuves. Et de faire part de la décision de l’ancien ministre du Tourisme Tidiane Sylla, qui avait obligé, vers les années 90, les guides touristiques à remettre obligatoirement le village artisanal dans leur circuit touristique, permettant ainsi au village d’atteindre sa phase de croisière et aux artisans de pouvoir écouler leurs produits à des touristes conquis. Et pour cause, conclut le maroquiner Bada Sylla, « Les touristes veulent voir les artisans à l’œuvre et acheter chez les véritables producteurs ».

BARA GAYE, SECRETAIRE GENERAL DE LA CHAMBRE DES METIERS
«Je travaille à la redynamisation du village artisanal»


Pour Bara Gaye, le secrétaire général de la chambre des métiers de Saint-Louis, le fait que le village artisanal soit rayé du circuit des guides touristiques est un frein majeur à son développement. Pis, note le responsable, les hôteliers ne jouent pas leur partition pour permettre au village artisanal de prospérer. Pour cause, ces hôteliers ont mis sur pied sur leurs propres réceptifs des galeries d’art qui monopolisent à domicile le touriste. « Ils achètent et exposent pour leur propre compte les produits d’art dont la vente aux touristes devait être l’apanage du village artisanal », précisera Bara Gaye. A ces contraintes qui étouffent le village artisanal de Saint-Louis, M. Gaye associe la concurrence déloyale du marché d’objets d’art dit Xelcom et l’état de délabrement très avancé du village. A ce niveau, le secrétaire général de la chambre des métiers dira sans fioritures : « C’est à l’Etat de jouer son rôle pour permettre au village de retrouver son lustre ».
« Les contraintes du village artisanal sont celles de l’artisanat national » Pour cause, fera remarquer Bara Gaye, « Toutes ces contraintes du village artisanal de Saint-Louis doivent être replacées dans le contexte global des contraintes que vit l’artisanat au Sénégal ». Se fondant sur une approche structurante, le secrétaire général de la chambre des métiers dira que « les autorités du pays ne font pas de l’artisanat une priorité…Ce qui est ambigu, à la limite, pour un sous-secteur appelé à être un levier de développement autant pout l’agriculture, la pêche, tourisme ». Et de lancer un appel pressant pour la promotion de l’artisanat : « A défaut d’avoir un ministère plein, il urge de travailler à des combinaisons efficaces de l’artisanat autres secteurs d’activités. Pour y arriver, il faut des réformes structurelles sous-tendues par une volonté politique affirmée de développer le sous secteur de l’artisanat ». Bara Gaye conclura : « Sur les 14 chambres de métiers qui existent au Sénégal, seuls quatre ou cinq sont fonctionnels (Dakar, Saint-Louis, Kaolack…). L’élaboration d’une stratégie réelle de développement de l’artisanat doit être au centre des préoccupations des autorités ».

Dans l’immédiat, Bara Gaye avoue toutefois avoir initié un processus participatif de redynamisation du village artisanal de Saint-Louis. Des rencontres individualisées avec les hôteliers de la ville sont organisées pour les sensibiliser sur la nécessité de réintégrer le village artisanal dans le circuit touristique et solliciter leur contribution à la promotion du village. Et Bara Gaye de préciser que certains hôteliers ont proposé des espaces publicitaires pour mieux faire connaître l’artisanat local. Dans le même ordre d’idées, Bara Gaye annonce avoir adressé une correspondance autant au préfet pour qu’il tienne réunion avec lesdits hôteliers qu’au ministre du Tourisme pour qu’il instruise le gouverneur de région sur la police touristique à mettre en place pour réintégrer le village artisanal dans le circuit touristique à Saint-Louis. « De petites actions, note Bar Gaye, en attendant les actions d’envergure pour la réhabilitation du village », à l’instar du Projet de développement touristique de la ville financé par l’AFD et qui prévoit quelque 250 millions pour la reconstruction du village artisanal.

PHOTOCOPIE DU VILLAGE ARTISANAL
08 cases et 26 stands pour 09 corps de métiers


Le village artisanal de Saint-Louis abrite 08 cases et 26 stands, ainsi que le siège de la chambre de Métiers et celui de la Caisse d’épargne et de crédit des artisans de Saint-Louis (CECAS). Il compte 33 chefs d’entreprises répartis dans neuf(09) corps de métiers et trois (03) unités artisanales de teinture, de transformation de fruits et légumes et de savonnerie. On y recense également deux autres unités de production équipées ; une de menuiserie bois et une autre de menuiserie en mécanique implantées au domaine industriel de Saint-Louis. Les différents corps de métiers sont : la sculpture, la bijouterie, la couture, la teinture, la maroquinerie ; le tissage ; la prothèse dentaire ; la restauration et la fabrication articles d’art. Quant à la Caisse d’épargne et de crédit des artisans de Saint-Louis, elle recense près de 2100 adhérents.

Moctar DIENG
Sudonline


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1.Posté par SERGIO le 12/11/2015 12:50
La situation des villages artisanal du Sénégal est la même par tout le pays. Je suis un concepteur italienne, maintenant travaille ensemble à les artisans et à la Commune de Rufisque, pour donner nouvelle route et nouvelle vie à le village. Si l’expérience sera positive, sera possible passer par tous les villages artisanal du Sénégal. Cet est un travail qu'il doit faire la chambre des métiers, pas un étranger qui aime l'art...

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